dimanche 23 août 2020

Mettre les élèves au défi dans l’enseignement explicite des mathématiques

Une manière efficace d’enseigner les mathématiques pour soutenir à la fois l’apprentissage et la motivation des élèves est de mettre les élèves au défi. Ces défis s’accompagnent d’attentes élevées au niveau de la rigueur et de la réflexion attendues. Mais comment les mettre en œuvre dans le cadre d’un enseignement explicite ?


(Photographie : Ligaiya Romero)


Différentes pratiques d’enseignement construites autour des défis dans le cadre d’un enseignement explicite et d’une découverte guidée permettent de favoriser l’engagement et l’effort des élèves. L’enseignant accompagne les élèves avec un guidage, du soutien et une rétroaction en fonction de leurs besoins identifiés.



L’importance des objectifs pédagogiques pour l’alignement curriculaire


C’est à travers les défis que sont introduits les objectifs pédagogiques et les intentions d’apprentissage. Il y a une adéquation entre les défis et ceux-ci. Ce qui aura été un défi deviendra une intention d’apprentissage maitrisée à terme, il aboutira à un apprentissage qui pourra être évalué et correspondra à un objectif pédagogique de l’enseignant.

Les objectifs pédagogiques permettent un alignement curriculaire entre le programme, l’enseignement et l’évaluation. Ils permettent à l’enseignant de ne pas dévier de sa trajectoire et de faire un usage judicieux du temps disponible en classe. C’est au niveau de l’usage judicieux du temps en classe que les défis interviennent.

Le risque existe en effet de considérer que parce que les élèves sont engagés, parce qu’ils travaillent avec assiduité, en classe ou à domicile, ils sont effectivement occupés à apprendre efficacement. Sans une place centrale accordée aux objectifs pédagogiques, les stratégies employées et les activités proposées toutes stimulantes soit elles, peuvent ne générer ni une compréhension en profondeur ni une consolidation durable des apprentissages. Il y a un besoin d’exprimer concrètement les objectifs pédagogiques dans les interactions en classe sous une forme signifiante pour que les élèves puissent s’en saisir.

Sans intentions d’apprentissage clairement définies et prises en compte, les élèves peuvent se disperser dans des activités cognitives sans relation directe avec les objectifs pédagogiques et les apprentissages effectivement attendus.

Dans ce cas, même si l’enseignant offre son soutien, pose des questions, fournit des explications et de la rétroaction, l’apprentissage escompté peut ne pas être présent. Garder la classe attentive et sous contrôle, couvrir tout le programme, avoir chaque fois un élève qui lève le doigt pour donner une bonne réponse peut être rassurant. Cependant, cela ne garantit pas un enseignement efficace pour tous les élèves. L’enjeu des défis sera de recentrer l’attention et les efforts vers les apprentissages escomptés, pas de les en détourner.



L’importance de l’étayage


Lorsque dans la réalisation de tâches, comme celle de problèmes, les élèves peuvent manquer de soutien, ils peuvent perdre leur motivation et leur confiance en leur capacité d’aller jusqu’au bout. Nous devons offrir aux élèves un modelage et une pratique guidée suffisamment étendue pour qu’ils puissent développer une autonomie suffisante. Ils peuvent alors s’engager dans une pratique autonome ou indépendante.

Lors de la pratique indépendante, un élève doit être capable d’obtenir rapidement de l’aide lorsqu’il se trouve dans une impasse, qu’elle vienne d’un pair, de l’enseignant ou d’un correctif disponible.



Des pratiques liées aux défis pour soutenir la persévérance


Un autre défi auquel nous devons répondre est celui d’encourager, de soutenir et de renforcer positivement nos élèves suffisamment pour qu’ils n’abandonnent pas et maintiennent leurs efforts.

Le caractère abstrait de nombreuses tâches en mathématiques leur donne un aspect austère. Associé à un manque de résilience, cela peut pousser certains de nos élèves à baisser les bras et à abandonner lorsque nous ne sommes pas vigilants et que nous ne leur donnons pas du soutien à temps. Nous devons veiller à ce que tous les élèves gardent confiance en eux. Ils doivent rester persuadés que le succès reste toujours à leur portée, moyennant l’investissement des efforts nécessaires et la sélection des bonnes stratégies.

Là se trouve l’enjeu de concevoir, à la fois défis et les tâches d’apprentissage qui les accompagnent à un bon niveau, ni trop facile ni inaccessible. Mais préparer l’enseignement ne suffit pas. Le pilotage en classe, la vérification de la compréhension et le retour sur informations seront également essentiels pour mettre en place les conditions d’un apprentissage efficace pour tous les élèves.

Une façon de soutenir les élèves est d’orienter leurs réflexions dans la résolution des exercices et problèmes. Souvent, ce qui compte pour eux est d’arriver à obtenir une réponse. Or, en matière d’apprentissage ce qui compte n’est pas tant la réponse elle-même que la qualité et la rigueur du raisonnement qui y mènent. Il s’agit dès lors de récompenser les démarches de raisonnement et non uniquement la découverte de la solution. L’apprentissage au départ de problèmes résolus est fondamental à ce stade.



Mettre l’accent sur la réflexion durant la pratique guidée


L’enjeu de l’enseignement est d’aboutir à un changement permanent dans la mémoire à long terme des élèves. Il est dès lors crucial de mettre les élèves au défi de réfléchir, non pas une fois, mais de multiples fois espacées dans le temps sur les contenus essentiels.

La difficulté de l’enseignant est que s’engager dans un processus de pensée et de raisonnement n’est pas une inclination naturelle. L’esprit humain a plutôt tendance à s’économiser et favoriser des modes de fonctionnement automatiques, routiniers ou plus basés sur l’intuition. S’engager dans un raisonnement mathématique demande un effort conscient, un guidage, et le développement de capacités de discrimination et d’inhibition.

Il faut que les tâches proposées aux élèves impliquent le démarrage d’un raisonnement sinon, il y a de grandes chances qu’il soit éludé. Il est dès lors fondamental de guider l’attention des élèves sur les éléments fondamentaux et les mettre en évidence. Sans quoi leur attention peut diverger vers des éléments anodins et sans enjeux au niveau de l’apprentissage. La principale difficulté est que souvent les éléments fondamentaux sont sous-jacents et peu évidents de prime abord pour le novice et que son attention est dès lors vite détournée.

C’est une des raisons pour lesquelles laisser d’emblée une autonomie large aux élèves face à des apprentissages nouveaux trop rapidement, sans passer par une pratique guidée suffisamment étendue, s’avère généralement inefficace. La pratique guidée permet que l’attention devienne convenablement focalisée sur les éléments clés de la matière lorsque la pratique autonome arrivera.



Tenir compte de la limitation des ressources en mémoire de travail


Si les connaissances préalables sont un facteur essentiel de l’apprentissage en mathématiques, en lien avec le caractère cumulatif de cette matière, les capacités de la mémoire de travail en sont un autre. L’organisation des connaissances en mémoire à long terme sous forme de chunks joue le rôle de facteur médiateur entre les deux.

La capacité de la mémoire de travail augmente progressivement pendant l’enfance, pour se stabiliser vers 14-15 ans. Les capacités de la mémoire de travail sont variables entre les élèves d’une même classe. Une capacité inférieure limite la quantité d’informations qu’un élève peut garder à l’esprit.

Les élèves qui ont des difficultés en mathématiques peuvent avoir des problèmes de mémoire de travail. 25 % des différences de résultats en mathématiques peuvent être expliqués par ce biais. Une mémoire de travail moins importante ou moins mobilisable va rendre plus difficile l’acquisition de connaissances. Ce manque de connaissances en mémoire à long terme, à son tour, fait peser une charge excédentaire sur la mémoire de travail.

Malheureusement, l’entraînement à la mémoire de travail ne permet pas d’obtenir de meilleurs résultats en mathématiques. Si l’utilisation de la mémoire de travail peut être optimisée pour des tâches spécifiques, sa capacité générale ne peut être augmentée. Il s’agit plutôt de présenter les nouveaux contenus étape par étape, en prenant en compte leur charge cognitive, avant de les globaliser. Il s’agit également d’orienter l’attention des élèves en classe et de la maintenir.



Concevoir et traduire les défis


Pour présenter les objectifs pédagogiques et les intentions d’apprentissage sous forme de défis, il faut qu’ils s’adressent à tous les élèves, aux plus forts comme aux plus faibles. Les défis doivent à la fois agir comme levier d’apprentissage par la réflexion et traduire des attentes élevées, pour tous les élèves et en tout temps.

Ils ont pour enjeu de concentrer et de réguler l’attention des élèves sur les éléments essentiels, pour créer les conditions optimales de la pensée et donc de l’apprentissage.

En mathématiques, l’élément central de l’apprentissage des élèves qui va pouvoir donner sens aux connaissances factuelles, procédurales et conceptuelles est la tâche. Nous demandons aux élèves de s’investir, qu’elle soit un exercice ou un problème.

Si nous voulons nous assurer que nous défions nos élèves avec différents types de problèmes, il est utile de pouvoir quantifier le niveau de défi dans les problèmes que nous utilisons en classe. Une fois que nous avons contrôlé le niveau, nous pourrons utiliser la compréhension et le traitement cognitif qu’ils génèrent, pour tirer parti de l’expérience du défi en matière de motivation et d’apprentissage.



Mis à jour le 13/11/2022

Bibliographie


Emma Mccrea, Making Every Math Lesson Count, 2019, Crown House

Lucy Rycroft-Smith, Camilla Gilmore and Lucy Cragg, Why Is Working Memory Important for Mathematics Learning?, Espresso 10 (2017)

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