Éduquer consiste à faire progresser l’esprit des élèves grâce à des apprentissages, ce qui a pour effet de le modifier en retour. Une meilleure compréhension de l’esprit humain et de la manière dont se construisent les apprentissages ne peut qu’être bénéfique aux enseignants comme aux élèves. Comprendre le fonctionnement de la cognition et plus spécifiquement celui de la mémoire est susceptible de rendre l’enseignement et l'apprentissage autoniome plus efficaces.
(Photographie : André Terras Alexandre)
Un décalage entre sciences cognitives et éducation
Ce décalage est compréhensible. Les chercheurs en sciences cognitives étudient l’esprit en isolant en laboratoire certains processus particuliers, dans le but de les tester, de les comprendre et de les évaluer.
À l’opposé, l’enseignant en classe, ne peut considérer ces paramètres comme étant isolés, ils interagissent en permanence avec de multiples autres, de manière parfois imprévisible.
Il y a un enjeu de traduction, de ce dont la psychologie cognitive nous informe, en des paramètres effectifs et plus globaux qui peuvent influencer les pratiques enseignantes en classe et guider dans la conception pédagogique.
Enjeux de la psychologie cognitive pour l’éducation
De nombreux élèves rencontrent des difficultés dans leurs apprentissages ce qui peut avoir un effet négatif sur leur engagement. Les problèmes qui sapent leurs efforts pour réussir proviennent de nombreuses sources :
- Une mauvaise nutrition
- Un manque de sommeil
- Une mauvaise santé physique ou mentale
- Des problèmes sociaux et interpersonnels à l’école ou à la maison
- Un manque de motivation, d’attention ou de capacités d’autorégulation
- Des difficultés d’apprentissage
- L’ennui, le manque d’intérêt et les facteurs de distraction
- Des approches inefficaces de l’apprentissage
- Un mauvais accès aux ressources éducatives
- Etc.
Pour résoudre ces problèmes avec succès, de nombreuses pistes sont utiles à envisager. Seul un sous-ensemble d’entre elles concerne la psychologie cognitive.
Ce sous-ensemble de problématiques est néanmoins fondamental pour l’éducation. En général, il comprend les difficultés que de nombreux élèves rencontrent :
- Pour apprendre et comprendre efficacement de nouvelles idées et de nouveaux concepts
- Pour corriger des conceptions erronées
- Pour acquérir des compétences en mathématiques et en lecture
- Pour réfléchir de manière critique.
L’enseignement recouvre toute une série de disciplines différentes. Le travail de l’enseignant est contextualisé :
- Un outil efficace pour les élèves qui ont des difficultés en mathématiques peut ne pas être aussi applicable pour les élèves qui essaient de devenir compétents dans une langue étrangère.
- Les outils qui sont très efficaces pour l’apprentissage d’une langue étrangère peuvent ne pas être aussi utiles lorsque les élèves apprennent à raisonner scientifiquement.
Cependant, divers outils sont plus généraux et permettent de profiter à l’apprentissage dans de nombreux domaines et constituent le noyau central de ce qu’on appelle la science de l’apprentissage. Nous pouvons citer :
L’amélioration des compétences potentiellement générales telles que la pensée critique, le raisonnement scientifique et la métacognition, mais en réalité plutôt spécifiques à un domaine et difficilement transférables, est également susceptible de bénéficier aux élèves.
Au niveau de la métacognition, nous considérons le développement de l’habileté à surveiller et contrôler précisément les progrès accomplis vers un objectif d’apprentissage, une forme d’évaluation formative qui devient gérée de manière autonome.
C’est une des idées clés sur lesquelles Graham Nuthall insiste dans son livre « The Hidden Lives of Learners » (NZCER press, 2007) :
Il y a un problème potentiel avec les idées et les modèles sur la façon d’enseigner. Le risque est qu’ils se limitent à ce qu’il faut faire et comment procéder. Régulièrement, peu de place est laissée sur les raisons pour lesquelles cela pourrait fonctionner. Il n’y a pas toujours d’explication des principes d’apprentissage sous-jacents sur lesquels l’approche ou la pratique a été construite.
La conséquence de ce phénomène est que les enseignants sont constamment encouragés à innover, mettre à l’essai de nouvelles idées ou méthodes sans comprendre comment elles peuvent affecter l’apprentissage des élèves.
Que faire à ce moment-là quand une pratique ou une ressource qui semble bien fonctionner dans la classe d’un collègue ne fonctionne pas bien dans la classe de l’enseignant qui l’essaie ? Comment l’expliquer, comment savoir quoi adapter ?
La seule piste possible est de comprendre comment la technique ou la ressource influencent l’apprentissage des élèves. Dès lors, la réflexion sur les facteurs d’adaptation susceptibles de générer une amélioration peut avoir lieu.
L’attention est une notion complexe à définir. Elle est essentielle pour l’apprentissage. Une définition communément admise est que l’attention nous permet de nous centrer sur un stimulus spécifique et qu’il s’agit d’une ressource à capacité limitée.
Nos capacités attentionnelles sont limitées et doivent être dirigées vers les informations pertinentes :
Selon Linda S. Gottfredson (1997) :
L’intelligence comporte une part d’inné. Cependant, nous ne pouvons pas nous contenter d’explorer la part d’inné de l’intelligence et ne voir en elle que la mise en œuvre de capacités.
L’intelligence comporte également une part d’acquis. En effet, les connaissances, le contexte et la culture l’influencent. Toute compréhension d’une situation, toute pensée, toute décision repose sur des savoirs, des savoir-faire, des habiletés, des compétences acquises pour une part importante grâce à l’éducation. L’apport de l’école sur l’accroissement de l’intelligence reste peu exploré.
Un synonyme d’intelligence est l’habileté cognitive, ce qui fait directement référence aux processus cognitifs qui sont une propriété du cerveau. Ces processus de traitement de l’information visent la résolution de problèmes. Ce processus suit des règles précises, qui peuvent être incarnées aussi bien dans un cerveau que dans un programme informatique ou dans les comportements d’un robot. Résoudre un problème comme réaliser des tâches complexes requiert de faire appel à des compétences spécifiques.
L’objet de l’éducation est l’acquisition de compétences spécifiques. L’éducation est donc la méthode la plus cohérente, robuste et durable pour accroître l’intelligence. Le facteur g n’est pas figé.
Comme l’écrit Stuart Ritchie, la recherche montre que les résultats des tests d’intelligence sont significatifs et utiles :
David Didau, What if everything you knew about education was wrong?, Crown House, 2016
Emmanuel Sander et coll., les neurosciences en éducation, Retz, 2018
Maurice Tardif, Mario Richard, Steve Bissonnette et Arianne Robichaud, Chapitre 15 — Les sciences cognitives et l’éducation, in la pédagogie, 4e édition Théories et pratiques de l’Antiquité à nos jours, 2017
Stuart Ritchie. Intelligence : All That Matters, Hodder & Stoughton, 2015
Gottfredson, L. S. (1997), ’Mainstream science on intelligence’, Intelligence, 24(1) 13–23.
Dunlosky & K. A. Rawson (Eds.), The Cambridge Handbook of Cognition and Education (pp. 1–3). New York : Cambridge University Press.
- La pratique de la récupération qui peut être utilisée pour améliorer l’apprentissage des élèves en classe
- La pratique distribuée qui prend en compte l’effet d’espacement
- L’entremêlement
- L’utilisation de multiples exemples
- Le double codage
- L’élaboration.
Au niveau de la métacognition, nous considérons le développement de l’habileté à surveiller et contrôler précisément les progrès accomplis vers un objectif d’apprentissage, une forme d’évaluation formative qui devient gérée de manière autonome.
Cette capacité peut sans doute améliorer l’efficacité de l’apprentissage ultérieur. Cependant, son acquisition est complexe et prend du temps, tant pour les élèves qui apprennent pour une part en autonomie que pour les enseignants qui évaluent leurs progrès et fournissent une rétroaction. Un apprentissage indépendant complètement autorégulé reste un idéal difficilement accessible pour beaucoup d'élèves.
Prendre en compte les apports des sciences cognitives pour l’éducation
C’est une des idées clés sur lesquelles Graham Nuthall insiste dans son livre « The Hidden Lives of Learners » (NZCER press, 2007) :
Il y a un problème potentiel avec les idées et les modèles sur la façon d’enseigner. Le risque est qu’ils se limitent à ce qu’il faut faire et comment procéder. Régulièrement, peu de place est laissée sur les raisons pour lesquelles cela pourrait fonctionner. Il n’y a pas toujours d’explication des principes d’apprentissage sous-jacents sur lesquels l’approche ou la pratique a été construite.
La conséquence de ce phénomène est que les enseignants sont constamment encouragés à innover, mettre à l’essai de nouvelles idées ou méthodes sans comprendre comment elles peuvent affecter l’apprentissage des élèves.
Que faire à ce moment-là quand une pratique ou une ressource qui semble bien fonctionner dans la classe d’un collègue ne fonctionne pas bien dans la classe de l’enseignant qui l’essaie ? Comment l’expliquer, comment savoir quoi adapter ?
La seule piste possible est de comprendre comment la technique ou la ressource influencent l’apprentissage des élèves. Dès lors, la réflexion sur les facteurs d’adaptation susceptibles de générer une amélioration peut avoir lieu.
Ce sont les sciences cognitives qui peuvent nous apporter ces informations, épaulées en cela d’autres domaines conjoints de la psychologie ou des sciences de l’éducation.
Une pratique pédagogique sans modèle cognitif sous-jacent validé est l’équivalent d’une boite noire, d’une recette de cuisine dans laquelle les enseignants se retrouvent coincés et impuissants face aux difficultés qu’ils peuvent rencontrer. Lorsque les enseignants comprennent les mécanismes sous-jacents, lorsqu’un problème se manifeste, ils disposent de pistes d’action.
Dans le cadre de l’éducation, la psychologie cognitive et la psychologie sociale considèrent le même comportement humain, l’apprentissage, mais en utilisant des approches différentes.
Contrairement à la psychologie cognitive, la recherche sur l’apprentissage socioémotionnel étudie la façon dont nous interagissons avec le monde qui nous entoure. En d’autres termes, elle s'intéresse à ce qui se passe en dehors de notre tête.
Ce domaine est généralement appelé psychologie sociale et de la personnalité. Les psychologues de ce domaine examinent des comportements tels que la façon dont nous développons des relations, la façon dont nous sommes affectés par la culture et pourquoi nous formons des stéréotypes.
La cognition est l’ensemble des processus mentaux qui se rapportent à la fonction de connaissance. Ils mettent en jeu la mémoire, le langage, le raisonnement, l’apprentissage, l’intelligence, la résolution de problème, la prise de décision, la perception ou encore l’attention.
Les sciences cognitives sont un domaine interdisciplinaire de recherches en psychologie, neurosciences, linguistique, philosophie, informatique et anthropologie. Leur enjeu est de mieux comprendre l’esprit.
Le champ de la psychologie cognitive est issu directement de béhaviorisme auquel il s'oppose et pour lequel le comportement est observé et mesuré sans explications cognitives.
Les sciences cognitives étudient le fonctionnement général de la pensée et la manière dont celle-ci gère les connaissances, les sélectionne, les mémorise, les réutilise, etc.
La pensée ne se réduit ni à la conscience ni aux fonctions intellectuelles supérieures (raisonnement, réflexion, jugement, etc.). Les sciences cognitives montrent qu’une très large part du fonctionnement de l’esprit humain échappe à la conscience. En ce sens, l’automaticité de certains de nos processus mentaux est garante de leur efficacité.
La psychologie cognitive se distingue des neurosciences dans le sens où celle-ci se focalise sur des explications en lien avec l’esprit. Les neurosciences sont concernées par l’explication de ce qui se passe dans le cerveau.
Le système cognitif humain est conçu comme un système adaptatif et spécialisé. Il a évolué afin de permettre à l’espèce humaine une meilleure adaptation à son environnement.
Les sciences cognitives définissent l’apprentissage chez l’homme comme l’ensemble des processus permettant d’acquérir de nouvelles connaissances ou de transformer les connaissances existantes.
Deux aptitudes semblent propres à l’espèce humaine :
Les différentes théories cognitives relatives à l’apprentissage partagent une vision commune des caractéristiques structurales du système de traitement de l’information. C’est l’architecture cognitive.
L’apprentissage est notre capacité à acquérir des connaissances à partir d’expériences sensorielles. L’apprentissage peut prendre diverses formes comme l’explique Arthur Shimamura dans son livre « Marge » (2018) :
Comme la rapporte Yana Weinstein (2017), imaginons que nous faisons mémoriser aux élèves une liste de mots, en leur demandant de s’en souvenir du plus grand nombre.
Nous leur demandons ensuite de restituer ces mots. Il est à ce moment clairement possible que la plupart des élèves se souviendront d’un mot qui n’était pas sur la liste.
Par exemple, imaginons que nous faisons étudier à nos élèves des mots tels que lit, repos, éveil, fatigue, rêve, réveil, sieste, couverture, somme, sommeil, ronflement, paix, bâillement et somnolence. Il est vraisemblable d’après des résultats de la recherche que 80 % d’entre eux se souviendront également d’avoir vu le mot sommeil.
La mémoire nous permet de retenir des informations pour les réutiliser ultérieurement. Dans le champ des sciences cognitives, à l’inverse du béhaviorisme, la notion de mémoire insiste sur les structures et processus intermédiaires entre l’acquisition de ces informations et leurs conséquences sur le comportement.
Le modèle modal de la mémoire élaboré par Atkinson et Shiffrin (1968) a été influent. Il part du principe qu’il existe trois mémoires unitaires (séparées) et que les informations sont transférées entre ces mémoires selon une séquence linéaire.
Une pratique pédagogique sans modèle cognitif sous-jacent validé est l’équivalent d’une boite noire, d’une recette de cuisine dans laquelle les enseignants se retrouvent coincés et impuissants face aux difficultés qu’ils peuvent rencontrer. Lorsque les enseignants comprennent les mécanismes sous-jacents, lorsqu’un problème se manifeste, ils disposent de pistes d’action.
Liens entre psychologie cognitive et psychologie sociale
Dans le cadre de l’éducation, la psychologie cognitive et la psychologie sociale considèrent le même comportement humain, l’apprentissage, mais en utilisant des approches différentes.
Contrairement à la psychologie cognitive, la recherche sur l’apprentissage socioémotionnel étudie la façon dont nous interagissons avec le monde qui nous entoure. En d’autres termes, elle s'intéresse à ce qui se passe en dehors de notre tête.
Ce domaine est généralement appelé psychologie sociale et de la personnalité. Les psychologues de ce domaine examinent des comportements tels que la façon dont nous développons des relations, la façon dont nous sommes affectés par la culture et pourquoi nous formons des stéréotypes.
La cognition
La cognition est l’ensemble des processus mentaux qui se rapportent à la fonction de connaissance. Ils mettent en jeu la mémoire, le langage, le raisonnement, l’apprentissage, l’intelligence, la résolution de problème, la prise de décision, la perception ou encore l’attention.
Le champ de la psychologie cognitive est issu directement de béhaviorisme auquel il s'oppose et pour lequel le comportement est observé et mesuré sans explications cognitives.
Les sciences cognitives étudient le fonctionnement général de la pensée et la manière dont celle-ci gère les connaissances, les sélectionne, les mémorise, les réutilise, etc.
La pensée ne se réduit ni à la conscience ni aux fonctions intellectuelles supérieures (raisonnement, réflexion, jugement, etc.). Les sciences cognitives montrent qu’une très large part du fonctionnement de l’esprit humain échappe à la conscience. En ce sens, l’automaticité de certains de nos processus mentaux est garante de leur efficacité.
La psychologie cognitive se distingue des neurosciences dans le sens où celle-ci se focalise sur des explications en lien avec l’esprit. Les neurosciences sont concernées par l’explication de ce qui se passe dans le cerveau.
Modèle de l’apprentissage
Le système cognitif humain est conçu comme un système adaptatif et spécialisé. Il a évolué afin de permettre à l’espèce humaine une meilleure adaptation à son environnement.
Les sciences cognitives définissent l’apprentissage chez l’homme comme l’ensemble des processus permettant d’acquérir de nouvelles connaissances ou de transformer les connaissances existantes.
Deux aptitudes semblent propres à l’espèce humaine :
- La propension à transmettre.
- La capacité à apprendre à partir d’un enseignement.
Par conséquent, les connaissances sont transmises de génération en génération. L’être humain peut faire face à des changements culturels, car les connaissances peuvent être transmises rapidement au sein d’un groupe donné.
Les différentes théories cognitives relatives à l’apprentissage partagent une vision commune des caractéristiques structurales du système de traitement de l’information. C’est l’architecture cognitive.
Formes d’apprentissage
L’apprentissage est notre capacité à acquérir des connaissances à partir d’expériences sensorielles. L’apprentissage peut prendre diverses formes comme l’explique Arthur Shimamura dans son livre « Marge » (2018) :
- L’apprentissage perceptif : par exemple la façon dont un radiologiste apprend à lire une radiographie.
- L’apprentissage conceptuel : la façon dont un historien ou un scientifique relie de nouveaux faits et idées aux connaissances existantes. L’apprentissage conceptuel est l’apprentissage académique ou l’apprentissage des élèves.
- L’apprentissage des habiletés : la façon dont un musicien apprend une nouvelle pièce ou dont un sportif exécute un mouvement technique complexe
L’oubli et les aléas de la mémoire
Comme la rapporte Yana Weinstein (2017), imaginons que nous faisons mémoriser aux élèves une liste de mots, en leur demandant de s’en souvenir du plus grand nombre.
Nous leur demandons ensuite de restituer ces mots. Il est à ce moment clairement possible que la plupart des élèves se souviendront d’un mot qui n’était pas sur la liste.
Par exemple, imaginons que nous faisons étudier à nos élèves des mots tels que lit, repos, éveil, fatigue, rêve, réveil, sieste, couverture, somme, sommeil, ronflement, paix, bâillement et somnolence. Il est vraisemblable d’après des résultats de la recherche que 80 % d’entre eux se souviendront également d’avoir vu le mot sommeil.
L'oubli et les interférences qui l'accompagnent sont pour une part prévisibles, si nous en comprenons les mécanismes, nous pouvons les anticiper pour améliorer l'apprentissage.
Une modèle simple de la mémoire pour l'éducation
Dans une perspective portant purement sur l'éducation, l’approche la plus simple et minimale de penser la mémoire est de la considérer comme étant un système à deux composantes qui interagissent :
Elle peut être vue comme notre carte mentale du monde :
La mémoire de travail gagne à être vue comme un sous-processus de la mémoire à long terme plus que comme une composante isolée. Elle est notre conscience et va activer dans notre mémoire à long terme certaines connaissances et certains processus.
La mémoire de travail peut stocker temporairement un nombre réduit d’informations nouvelles (4 +/- 1 en moyenne) ce qui correspond à sa fonction en tant que mémoire à court terme.
Ses contenus sont pilotés par l’attention. Elle est également responsable du traitement de l’information.
- La mémoire à long terme (long-term memory)
- La mémoire de travail (working memory)
1. La mémoire à long terme
Elle peut être vue comme notre carte mentale du monde :
- Une carte que nous avons construite et que nous mettons à jour par nous-mêmes.
- Elle nous aide à trouver le sens quand nous naviguons dans notre environnement.
- Elle comprend nos croyances, nos connaissances, nos souvenirs, nos états d’esprit, nos compétences, nos habiletés, nos dispositions, nos processus.
- La carte mentale et ses modèles se réorganisent, s’améliorent peu à peu chaque jour.
- L’acquisition de meilleurs modèles en mémoire à long terme comme elle le permet, nous rend plus adaptés à notre environnement, nous donne de meilleures chances de succès
2. La mémoire de travail
La mémoire de travail gagne à être vue comme un sous-processus de la mémoire à long terme plus que comme une composante isolée. Elle est notre conscience et va activer dans notre mémoire à long terme certaines connaissances et certains processus.
La mémoire de travail peut stocker temporairement un nombre réduit d’informations nouvelles (4 +/- 1 en moyenne) ce qui correspond à sa fonction en tant que mémoire à court terme.
Ses contenus sont pilotés par l’attention. Elle est également responsable du traitement de l’information.
Le modèle modal de la mémoire d’Atkinson-Shiffrin (1968)
La mémoire nous permet de retenir des informations pour les réutiliser ultérieurement. Dans le champ des sciences cognitives, à l’inverse du béhaviorisme, la notion de mémoire insiste sur les structures et processus intermédiaires entre l’acquisition de ces informations et leurs conséquences sur le comportement.
Avoir une compréhension claire et précise de la structure de la mémoire et de ses processus doit être une priorité, à la fois pour les apprenants et les enseignants. La mémoire a un rôle central dans l’apprentissage, pourtant la connaissance de ses principes, fonctions et particularités est souvent négligée. Elle permettrait pourtant d’éviter des conceptions naïves et improductives à son sujet
. Le modèle modal de la mémoire élaboré par Atkinson et Shiffrin (1968) a été influent. Il part du principe qu’il existe trois mémoires unitaires (séparées) et que les informations sont transférées entre ces mémoires selon une séquence linéaire.
Les trois principales mémoires sont la mémoire sensorielle, la mémoire à court terme et la mémoire à long terme. Chacune des mémoires diffère par la manière dont l’information est traitée (encodage), par la quantité d’information qui peut être stockée (capacité) et par la durée de stockage (durée).
L’information passe d’une mémoire à l’autre de manière linéaire et a été décrite comme un modèle de traitement de l’information (comme un ordinateur) avec une entrée, un processus et une sortie.
Le modèle distingue progressivement dans le traitement de l’information :
- La mémoire sensorielle :
- Nos sens font l’expérience de stimuli dans l’environnement par la vue, l’ouïe, la proprioception, l’odorat, l’équilibre et le goût, mais seulement une petite partie de cette information provenant de nos sens est retenue.
- La mémoire à court terme :
- Sa capacité maximale est estimée à 7 +/- 2 éléments qui doivent être répétés en boucle pour être maintenus indéfiniment.
- La mémoire à long terme :
- Elle permet de conserver durablement les connaissances. Théoriquement, la capacité de la mémoire à long terme serait illimitée, la principale contrainte au rappel étant l’accessibilité plutôt que la disponibilité de l’information. La durée peut être de quelques minutes ou toute une vie.
- L’encodage est la manière dont l’information est modifiée pour être stockée dans la mémoire. L’information peut être codée (modifiée) de trois manières principales :
- visuelle (image)
- acoustique (son),
- sémantique (sens).
La durée de stockage de l’information en mémoire est variable suivant son type :
- De ¼ à ½ seconde pour la mémoire sensorielle
- De 0 à 18 secondes pour la mémoire à court terme, mais peut être prolongé par une répétition de maintien. Un exemple de répétition de maintien serait de se souvenir d’un numéro de téléphone juste le temps de passer l’appel. Ce type de répétition consiste généralement à répéter une information sans réfléchir à sa signification ni la relier à d’autres informations. En l’absence de répétition, l’information est oubliée et disparaît de la mémoire à court terme.
- De longues durées en mémoire à long terme en fonction de l’oubli. Pour y arriver, il s’agit de donner un sens à l’information en la répétant.
L’oubli agit à trois moments :
- Ce à quoi nous ne sommes pas attentifs est oublié.
- Ce que nous ne maintenons pas en mémoire à court terme par un processus de répétition sans le traiter finit par être oublié.
- L’information en mémoire à court terme que nous traitons par la création de liens avec des connaissances par un processus d’encodage et de récupération répété finit par être stockée en mémoire à long terme. À partir de là, l’oubli se manifeste également au fil du temps.
Les points faibles du modèle modal viennent du fait qu’il est trop simplifié, en particulier lorsqu’il suggère que la mémoire à court terme et la mémoire à long terme fonctionnent toutes deux de manière unique et uniforme. Nous savons aujourd’hui que ce n’est pas le cas.
Il est désormais évident que la mémoire à court terme et la mémoire à long terme sont plus complexes qu’on ne le pensait. Par exemple, le modèle de travail de la mémoire proposé par Baddeley et Hitch (1974) a montré que la mémoire à court terme est plus qu’une simple mémoire unitaire. Elle comprend différents composants (par exemple, exécutif central, calepin visuospatial, etc.).
Dans le cas de la mémoire à long terme, différents types de mémoire ont été identifiés. Il s’agit de la mémoire épisodique (souvenirs d’événements), de la mémoire procédurale (connaissances sur la manière de faire les choses) ou de la mémoire sémantique (connaissances générales).
De plus, la répétition est considérée comme une explication trop simple pour rendre compte du transfert d’informations de la mémoire à court terme à la mémoire à long terme. Par exemple, le modèle ignore des facteurs tels que la motivation, l’effet et la stratégie (par exemple, la pratique de récupération) qui soutiennent l’apprentissage.
Le rôle de la répétition en tant que moyen de transfert de la mémoire à court terme à la mémoire à long terme est beaucoup moins important que ce qu’Atkinson et Shiffrin (1968) ont affirmé dans leur modèle.
Le modèle met principalement l’accent sur la structure et tend à négliger les éléments de processus de la mémoire (par exemple, il ne se concentre que sur l’attention et la répétition d’entretien). Cependant, c’est la répétition d’élaboration qui conduit au rappel de l’information, contrairement à la simple répétition d’entretien.
La répétition d’élaboration implique une analyse plus significative (images, réflexion, associations, etc.) de l’information et conduit à un meilleur rappel. Par exemple, donner un sens aux mots ou les relier à des connaissances antérieures. Ces limitations sont traitées par le modèle des niveaux de traitement (Craik & Lockhart, 1972).
Si la répétition a été initialement décrite par Atkinson et Shiffrin comme une répétition d’entretien (répétition de l’information), Shiffrin a ultérieurement suggéré que la répétition pouvait être élaborée (Raaijmakers, & Shiffrin, 2003).
Comprendre l’attention
L’attention est une notion complexe à définir. Elle est essentielle pour l’apprentissage. Une définition communément admise est que l’attention nous permet de nous centrer sur un stimulus spécifique et qu’il s’agit d’une ressource à capacité limitée.
Nos capacités attentionnelles sont limitées et doivent être dirigées vers les informations pertinentes :
- Si nous sommes occupés à réaliser une tâche difficile qui demande beaucoup d’attention, nous ne pouvons plus en accorder à d’autres éléments.
- Si nous sommes occupés à réaliser une tâche facile, qui ne demande que peu d’attention, nous pouvons en accorder à d’autres éléments.
Une première dichotomie fondamentale dans l’attention est la différence entre attention passive et attention active. Cela correspond aux différences entre :
- Voir et regarder
- Entendre et écouter
- Sentir et flairer
Une seconde dichotomie existe entre :
- L’attention spontanée qui se fait au hasard des circonstances
- L’attention volontaire qui se fait dans un but déterminé que nous nous imposons.
Une troisième dichotomie concerne sa source :
- L’attention est endogène quand elle est pilotée par l’individu, guidée par une consigne ou par un objectif prédéfini a priori.
- L’attention est exogène quand elle est guidée par l’apparition dans l’environnement d’un stimulus saillant.
La majorité des psychologues cognitifs s’accordent sur le fait que l’attention est un concept important à comprendre lorsque nous enseignons à des élèves.
Différentes théories s’emploient à expliquer les différences d’attention entre personnes et pourquoi certaines personnes peuvent trouver plus difficile de maintenir leur attention que d’autres :
Différentes théories s’emploient à expliquer les différences d’attention entre personnes et pourquoi certaines personnes peuvent trouver plus difficile de maintenir leur attention que d’autres :
- La mémoire à long terme :
- Il a été montré que l’expertise, l’intérêt (individuel ou situationnel) ou les connaissances antérieures dans un domaine peuvent faciliter l’attention et l’apprentissage de nouvelles connaissances liées. Ces facteurs diffèrent d’une personne à l’autre.
- L’enseignant peut avoir un certain impact sur ces dimensions à travers le choix de ses approches pédagogiques.
- La mémoire de travail :
- Différentes études ont montré des corrélations entre les capacités de la mémoire de travail et les performances scolaires.
- Si ces capacités ne peuvent être modifiées pour un individu, toute pédagogie qui prend en compte la charge cognitive et optimise son utilisation est susceptible d’être bénéfique pour l’apprentissage.
- La vitesse de traitement :
- Nos ressources attentionnelles peuvent être décrites en matière de rapidité avec laquelle nous traitons l’information. L’idée est d’apprendre à faire certaines tâches simples très rapidement. Il s’agit par exemple de la capacité à reconnaître des formes, des couleurs ou des objets.
- Au plus vite nous pouvons procéder pour traiter ces éléments simples, meilleur sera notre rendement sur des tâches qui requièrent de manipuler différents éléments d’information.
- Des corrélations ont été mises en évidence entre la vitesse de traitement de l’information et les performances scolaires.
- Si nous n’avons pas d’accès sur la vitesse de traitement en tant que telle, une automatisation des procédures par une pratique intensive est susceptible de favoriser la vitesse de traitement des informations spécifiques concernées.
- Le contrôle de l’attention :
- Ce concept décrit le contrôle sur notre capacité à centrer notre attention sur l’élément de notre choix, ou sur l’élément opportun, à un moment donné.
- Les personnes qui disposent d’un meilleur contrôle de leur attention sont plus capables de sélectionner efficacement ce sur quoi ils portent sur l’attention. Elles sont mieux à même de maintenir leur attention sans se laisser distraire par des sources externes. Néanmoins, le contrôle attentionnel ne semble pas en lien avec les distractions internes (errance mentale ou pensées autogénérées).
- Diverses approches proposent d’aider les élèves à exercer leur contrôle attentionnel. C’est tout l’objet d’interventions sur l’attention. Il semble toutefois que le meilleur cadre à ce niveau semble être un guidage de l’enseignant, tel que le propose l’enseignement explicite, qui soutient le développement de bonnes habitudes attentionnelles.
Selon Linda S. Gottfredson (1997) :
L’intelligence est une capacité mentale très générale. Entre autres choses, elle implique la capacité de raisonner, de planifier, de résoudre des problèmes, de penser de manière abstraite, de comprendre des idées complexes, d’apprendre rapidement et de tirer des enseignements de l’expérience. Il ne s’agit pas simplement d’un apprentissage à partir de livres, d’une compétence académique étroite ou d’un test d’intelligence. Il s’agit plutôt d’une capacité plus large et plus profonde à comprendre notre environnement, à « saisir », à « donner un sens » aux choses ou à « trouver » ce qu’il faut faire.
L’intelligence comporte une part d’inné. Cependant, nous ne pouvons pas nous contenter d’explorer la part d’inné de l’intelligence et ne voir en elle que la mise en œuvre de capacités.
L’intelligence comporte également une part d’acquis. En effet, les connaissances, le contexte et la culture l’influencent. Toute compréhension d’une situation, toute pensée, toute décision repose sur des savoirs, des savoir-faire, des habiletés, des compétences acquises pour une part importante grâce à l’éducation. L’apport de l’école sur l’accroissement de l’intelligence reste peu exploré.
Un synonyme d’intelligence est l’habileté cognitive, ce qui fait directement référence aux processus cognitifs qui sont une propriété du cerveau. Ces processus de traitement de l’information visent la résolution de problèmes. Ce processus suit des règles précises, qui peuvent être incarnées aussi bien dans un cerveau que dans un programme informatique ou dans les comportements d’un robot. Résoudre un problème comme réaliser des tâches complexes requiert de faire appel à des compétences spécifiques.
L’objet de l’éducation est l’acquisition de compétences spécifiques. L’éducation est donc la méthode la plus cohérente, robuste et durable pour accroître l’intelligence. Le facteur g n’est pas figé.
Comme l’écrit Stuart Ritchie, la recherche montre que les résultats des tests d’intelligence sont significatifs et utiles :
- Ils sont liés à l’éducation, à la profession et même à la santé
- Ils sont influencés génétiquement
- Ils sont liés à des aspects du cerveau.
Mis à jour le 09/11/2022
Bibliographie
Emmanuel Sander et coll., les neurosciences en éducation, Retz, 2018
Maurice Tardif, Mario Richard, Steve Bissonnette et Arianne Robichaud, Chapitre 15 — Les sciences cognitives et l’éducation, in la pédagogie, 4e édition Théories et pratiques de l’Antiquité à nos jours, 2017
Stuart Ritchie. Intelligence : All That Matters, Hodder & Stoughton, 2015
Gottfredson, L. S. (1997), ’Mainstream science on intelligence’, Intelligence, 24(1) 13–23.
Yana Weinstein, 2017, The Cost of Task Switching: A Simple Yet Very Powerful Demonstration, https://www.learningscientists.org/blog/2017/7/28-1?rq=task%20switching
Yana Weinstein, Megan Sumeracki, Understand how we learn, David Fulton, 2019
Atkinson, R. C., & Shiffrin, R. M. (1968). Chapter: Human memory: A proposed system and its control processes. In Spence, K. W., & Spence, J. T. The psychology of learning and motivation (Volume 2). New York: Academic Press. pp. 89–195.
Baddeley, A .D., & Hitch, G. (1974). Working memory. In G.H. Bower (Ed.), The psychology of learning and motivation: Advances in research and theory (Vol. 8, pp. 47–89). New York: Academic Press.
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