mercredi 26 septembre 2018

Pratiques et techniques de modelage en enseignement explicite

Dans cet article sont développés quelques aspects pratiques et techniques propres au modelage d’habiletés :
  • L’importance des exemples,  des contre-exemples et des connaissances préalables dans le modelage d’habiletés
  • Différentes techniques d’optimisation comme les paires de problèmes, les problèmes d’achèvement ou le modelage de l’évaluation.
(Photographie : Harry Culy)



L’importance des exemples et des contre-exemples


Exemples et contre-exemples sont à mettre en association avec le neuvième des seize éléments de l’enseignement explicite, tels que mis en avant par Anita L. Archer et Charles A. Hughes (2011).

Il s’agit de fournir une gamme adéquate d’exemples et de contre-exemples :
  • Établir les limites de quand appliquer et quand ne pas appliquer une compétence, une stratégie, un concept ou une règle
  • Fournir un large éventail d’exemples et de contre-exemples :
    • Ce large éventail d’exemples illustre des situations où l’habileté sera utilisée ou appliquée afin que les élèves ne la sous-utilisent pas. 
    • La présentation d’un large éventail de contre-exemples réduit la possibilité que les élèves utilisent l’habileté de façon inappropriée.



Une diversité d’exemples


Il est important pour les élèves d’identifier ce qui constitue la règle générale, et ce qui est spécifique à un cas particulier et nécessite un traitement particulier.

Le nombre d’exemples qu’il convient de présenter dépend de trois facteurs :
  1. Les exemples sont suffisamment variés pour permettre une compréhension exacte du concept abstrait sous-jacent. Le but est d’éviter que l’élève réduise sa compréhension d’un concept à un nombre réduit de contextes superficiels. Un usage insuffisamment varié d’exemples peut conduire l’élève à sous-généraliser sa compréhension.
  2. Les exemples illustrent des caractéristiques essentielles et pertinentes, et non des caractéristiques secondaires qui pourraient nuire au développement de la capacité de discrimination.
  3. Le nombre d’exemples dépend de la complexité du concept et de l’étendue de ses applications possibles.



Utilité des contre-exemples


Présenter un bon modèle aux élèves est généralement insuffisant. L’apprentissage réussi à partir de problèmes résolus nécessite de délimiter le champ d’application et de bien en présenter toutes les caractéristiques.

Si les élèves ne voient que de bons modèles, il peut être difficile de distinguer ce qui les rend efficaces : comparer des modèles contrastés leur permet d’identifier ce qui différencie l’excellence de la médiocrité. Les contre-exemples doivent être présentés parallèlement aux exemples, de façon claire, sans ambiguïté.

Une seconde forme de contre-exemples est le choix d’énoncés qui ont une ressemblance de surface avec ceux qui nécessitent l’application des procédures, mais qui en réalité n’y correspondent pas. Ils sont indispensables pour que l’élève repère bien les éléments qui permettent une discrimination appropriée.

L’enseignant doit accorder une attention spéciale au choix de ses contre-exemples :
  • Dans la mesure où ils sont bien choisis, les exemples et contre-exemples facilitent la compréhension de l’objet d’apprentissage et améliorent la qualité du modelage.
  • S’ils sont mal choisis ou mal présentés, ils peuvent conduire à des erreurs ou nuire à la compréhension des élèves.

La quantité et la qualité des exemples et des contre-exemples présentés à l’étape du modelage, en plus du langage utilisé pour les communiquer est un des ingrédients d’un modelage réussi.



Intégrer les connaissances préalables au modelage


Les modèles et le modelage d'habilités ne peuvent remplacer l'apprentissage des connaissances. Il ne sert à rien de modéliser une habileté si les élèves n’ont pas les connaissances préalables requises pour y accéder. Les connaissances à réactiver sont primordiales pour assimiler correctement les éléments nouveaux.

Les connaissances antérieures peuvent être très variables d’un élève à l’autre. À moins de le vérifier individuellement, nous ne savons pas exactement ce que les élèves connaissent déjà et peuvent faire, ni ce qu’ils ne savent pas et ne peuvent pas faire. Il convient d’éviter de se dire en tant qu’enseignant « qu’ils devraient déjà le savoir », car c’est contre-productif.

Il convient dès lors de modeler toutes les parties du parcours d’apprentissage dans un premier temps.

Cependant, il faut rester conscient que le but ultime est l’autonomie des élèves. Lorsque nous fournissons un support, il prend toujours la forme d’un étayage qui sera retiré par la suite. Il faut éviter de créer une dépendance.



Organiser les connaissances grâce au modelage


Comme le met en évidence Tom Sherrington (2019), le modelage favorise l’organisation des connaissances selon deux axes :
  1. Il favorise le développement de la métacognition et de l’autorégulation dans la manière où l’enseignant fait une démonstration de ses cheminements de pensée dans le déploiement de stratégies et dans l’organisation des connaissances. Ces démarches soutiennent et guident les élèves dans l’organisation de leurs modèles mentaux, ce qui leur permet d’être efficaces plus facilement et de gagner dès lors en motivation et en auto-efficacité. Il s’agit par exemple :
    • De la façon d’aborder un exercice, une tâche complexe, un problème, la rédaction d’un certain type de texte.
    • De gérer son temps dans l’exécution de tâches délimitées.
    • Dans la façon d’organiser son temps d’étude.
  2. L’objet du modelage est de favoriser une compréhension profonde en guidant l’organisation et l’intégration optimale des connaissances au sein de schémas cognitifs. Ainsi, chaque nouvelle étape doit venir s’intégrer à ce qui est déjà connu par l’élève. Dans son modèle MARGE, Arthur Shimamura évoque la règle des 3 C pour cet objectif. Il s’agit de « comparer », « contraster » et « catégoriser ». C’est particulièrement intéressant lorsque l’ensemble d’informations à enseigner est particulièrement complexe. Il s’agit alors certes de séquencer, mais également de favoriser les connexions, mettre en évidence les similitudes et les différences. De cette façon, les élèves prennent mieux conscience des liens et des nuances, ce qui facilitera leur mémorisation et le rappel de ces connaissances par la suite. L’idée est que les enseignants amplifient leur mise en évidence des relations de tout ordre entre les informations nouvelles et antérieures. Cela augmente la probabilité que les élèves se forment des schémas cognitifs ancrés sur les caractéristiques essentielles qui sont richement connectés. Des pistes peuvent être :
    1. De structurer l’information sous forme de tableaux, de schémas de synthèses.
    2. Multiplier les questions qui permettent de prendre du recul et de situer les nouvelles informations dans le contexte des précédentes.  
    3. Catégoriser les arguments ou les éléments d’informations selon leur nature : 
      • Pour ou contre
      • Graphique ou algébrique
      • À différents niveaux d’organisation du microscopique au macroscopique
      • En établissant des dichotomies claires et fréquemment évoquées comme entre métaux ou non-métaux, immunité acquise ou innées, 
      • Etc.
    4. Attirer l’attention sur des risques d’erreurs typiques, favoriser la mise en place de moyens mnémotechnique sur des distinctions clés. Il s’agit par exemple de leur donner un moyen mnémotechnique pour immédiatement distinguer l’anode de la cathode, les phases de la mitose, certaines propriétés mathématiques, etc.



Engager les élèves durant le modelage


En règle générale, nous pouvons nous attendre à ce que les élèves écoutent et regardent durant le modelage d’une habileté, de manière à ne pas partager leur attention entre la compréhension et la copie.

Cependant, nous pouvons également demander aux élèves de prendre note, étape par étape, pendant que nous leur modelons l’habileté. Ils écoutent puis en recopiant réintègrent une seconde fois leur compréhension. C’est particulièrement intéressant dans le cadre du modelage d’une résolution d’exercice ou de problème qui inclut des calculs. De cette manière, nous fournissons un problème résolu aux élèves qui pourra leur servir de référence pour la suite.

Un modelage efficace va de pair avec une vérification de la compréhension qui vient très tôt s’y intégrer. L’enseignant modèle une première fois la démarche qu’il effectue auprès de ses élèves puis rapidement revient dessus sous forme de nombreuses questions sur les opérations, les finesses et les points cruciaux du processus explicité.

Les questions stimulent l’attention des élèves et permettent de dissiper rapidement les incompréhensions ou idées fausses courantes. Elles permettent d’approfondir la compréhension des élèves, de situer les malentendus et les erreurs courantes dans leur contexte. En insistant sur les erreurs typiques qu’il rencontre sur les copies d’élèves, l’enseignant contribue à l’installation de garde-fous pour éviter qu’elles ne se reproduisent.



L’usage de la stratégie des paires de problèmes


L’objet des paires de problèmes est d’entrelacer le modelage et la pratique guidée, d’offrir un passage progressif du modelage vers la pratique guidée.



Procédure


Le principe de base en est très simple : les problèmes fonctionnent par paires. Un problème résolu et un problème à résoudre sont placés côte à côte sur une page, avec une demande presque identique posée de l’autre côté. De cette façon, les élèves peuvent appliquer la méthode de l’exemple directement à la question.


(source : Craig Barton)

  1. Nous commençons par modeler un problème auprès des élèves de façon complètement développée.
  2. Nous posons ensuite des questions aux élèves à propos du développement et des étapes utilisées.
  3. Immédiatement après, nous demandons aux élèves de résoudre un problème similaire de manière indépendante, en laissant l’exemple travaillé visible. Ils montrent ensuite leurs réponses ou leur travail sur une ardoise.
  4. Nous leur posons ensuite des questions sur la façon dont ils ont procédé pour résoudre le problème.



Avantages des paires de problèmes


Si nous considérons la technique sous l’angle de la théorie de la charge cognitive, cette approche permet de minimiser la charge cognitive extrinsèque et d’aider à cibler l’attention sur les caractéristiques clés de la technique.

La stratégie des paires de problèmes vise à aider les élèves à maîtriser pas à pas, des problèmes de plus en plus difficiles. Nous introduisons des variations autour d’un même thème, en changeant un aspect du modèle à la fois.

Ces modèles rendent le succès à la portée des élèves, particulièrement dans des branches comme les mathématiques ou les sciences. Barak Rosenshine suggère que les enseignants efficaces visent un taux de réussite de 80 %. La stratégie des paires de problèmes permet d’y arriver plus facilement. Le fait de réussir à résoudre un exercice a également un effet positif sur la motivation et le sentiment d’auto-efficacité des élèves.

Les paires de problèmes sont également un moyen efficace de conserver et d’accroitre l’engagement des élèves. L’usage des paires de problèmes les maintient actifs d’autant plus qu’ils savent que ce que l’enseignant modèle à un temps donné devra être mobilisé par leur soin directement quelques minutes plus tard. Cela aide également les élèves à se concentrer sur les spécificités des différentes variations de problème de manière particulière et individuelle.

Maintenir l’attention des élèves après plusieurs modelages successifs de problèmes est délicat, car cela devient trop long pour eux et beaucoup de facteurs présentés sont simplement oubliés par la suite. Si les modelages sont regroupés, les différences seront rapidement diluées dans l’esprit des élèves et la discrimination sera plus problématique.

L’attention des élèves étant maintenue et optimisée, il devient opportun d’appliquer la paire de problèmes pour toutes les variations pertinentes du type de problème modelé. Nous pouvons ainsi substantiellement augmenter le temps consacré par l’enseignant à présenter les bonnes pratiques de résolution et à les inculquer au fur et à mesure.

De cette manière, nous pouvons recouvrir toutes les variations qui devront être mobilisées par les élèves lors de la pratique autonome. Il est utile qu’il y ait une adéquation entre les deux. Des variations qui ne seront pas pratiquées par la suite sont inutiles à modeler et ne pas voir des variations rencontrées par la pratique entrainera des soucis.

Il va de soi que le temps dévolu aux paires d’exercices doit rester toutefois limité, car une pratique purement guidée nécessitera de revenir sur la discrimination du type de résolution à appliquer, en intercalant les différentes variantes. Il faudra ensuite permettre aux élèves de s’entrainer en pratique autonome.



Cas des problèmes à compléter


Dans certains cas, la longueur et la complexité des problèmes sont élevées. Le manque d’automatisation et de connaissances des élèves fait qu’ils risquent d’avoir oublié le début du problème alors qu’ils n’en sont pas encore à la fin. Nous pouvons alors adopter la technique des problèmes à compléter.

Il s’agit de donner aux élèves des problèmes avec une résolution inachevée qu’ils ont à compléter. Cela permet de vérifier si les élèves peuvent identifier l’étape suivante ce qui constitue également une vérification rapide de la compréhension.

L’avantage est également que ça permet de diminuer la charge cognitive extrinsèque, d’aider les élèves à créer des schémas cognitifs et les aider à transférer leur apprentissage à de nouveaux problèmes.



Lien entre modelage et apprentissage de l’autonomie


Le modelage donne aux étudiants les outils dont ils ont besoin pour les guider vers une maîtrise autonome des compétences et des procédures nécessaires à la réussite dans une matière donnée.

Si la mise en œuvre du modelage est grossière et manque de nuances, elle peut restreindre la réflexion plutôt que de l’inspirer. Il faut faire attention à ce que les modèles proposés n’inhibent pas la réflexion des élèves. Il n’est donc pas pertinent de répéter des processus de modélisation sans intégrer des variations et offrir des perspectives, comme celle de montrer qu’il y a habituellement plus d’une façon d’aborder la même tâche.

Le modèle donne des conseils sur la façon de manipuler le contenu, mais ne dicte pas la résolution. Il ne doit pas être possible pour les élèves de copier le modèle ou de l’imiter sans en avoir une compréhension complète et sans exercer leur réflexion.

Les élèves ne maîtriseront les connaissances et les compétences enseignées et modelées qu’en passant beaucoup de temps à pratiquer. Pour être efficace, le modelage nécessite d’être suivi par de la pratique.

Il faut également rester conscients de la nécessité de retirer progressivement les modèles et l’étayage pour permettre aux élèves de risquer de commettre des erreurs. Ces erreurs informeront, de la marche à suivre pour améliorer et compléter les apprentissages, ajuster l’enseignement.



Modelage des stratégies cognitives et métacognitives


Le modelage doit prendre en considération la façon dont les élèves planifient, contrôlent et évaluent leur propre pensée au fur et à mesure qu’ils apprennent. Acquérir une stratégie est une chose, savoir la piloter et l’utiliser à bon escient est une dimension supplémentaire qui peut varier d’un domaine à l’autre.

Si nous prenons par exemple une stratégie comme la réalisation de synthèse, il ne suffit pas qu’elle soit modelée dans une branche qui lui est plus naturelle comme le cours de français. Il est utile qu’elle soit également modelée dans les cours de mathématiques ou de sciences, car les approches seront différentes même si les grands principes de la synthèse sont conservés.

Il faut s’assurer également de montrer comment aborder les questions d’évaluation. Les élèves perdent des points non uniquement à cause d’un manque de connaissances ou de révision, mais parce que les stratégies qu’ils mettent en action pour construire leurs réponses peuvent être inadéquates. Un modelage des stratégies efficaces, cognitives et métacognitives, à mettre en œuvre dans l’élaboration des réponses peut ainsi être précieux.

Il est intéressant de projeter l’une ou l’autre question d’évaluation et de modeler ce que nous ferions en tant qu’expert si nous devions y répondre. Expliquer comment on peut s’assurer de bien interpréter la question, décrire les étapes de l’élaboration et comment s’assurer de bien correspondre aux consignes, etc. est précieux pour les élèves.



Mis à jour le 24/09/22

Bibliographie


Clermont Gauthier, Steve Bissonnette & Mario Richard. (2013). Enseignement explicite et réussite des élèves. De Boeck.

Harry Fletcher-Wood, Showing what success looks like: the magic of models, September 2, 2018
https://improvingteaching.co.uk/2018/09/02/showing-what-success-looks-like-the-magic-of-models/

Barak Rosenshine, Barak Rosenshine, American Educator, SPRING 2012

Tom Sherrington, “The Learning Rainforest”, John Catt, 2017

Allison Shaun, Tharby Andy. (2015). Making every lesson count. Crown House.

Daniel Muijs, David Reynolds. (2018). Effective Teaching. Sage

Anita L. Archer and Charles A. Hughes, Explicit Instruction: Effective and Efficient Teaching, 2010, Guilford Press

John R. Hollingsworth & Silvia E. Ybarra. (2018). Explicit Direct Instruction. Corwin.

Tom Sherrington, Rosenshine’s principles in action, John Catt, 2019

Greg Ashman, Four ways cognitive load theory has changed my teaching, 2017, https://gregashman.wordpress.com/2017/05/13/four-ways-cognitive-load-theory-has-changed-my-teaching%EF%BB%BF/

2 commentaires:

  1. Bonjour

    J'ai un CE2 CM1 avec presque 4 niveaux à l'intérieur. Il est très difficile d'enseigner car j'ai 4 élèves tdah. La pédagogie explicite est bien avec un groupe classe ordinaire mais avec un groupe comme le mien je vois pas comment faire.

    J'essaie les plans de travail pour avoir un meilleur suivi et une meilleure organisation mais il y a une grande partie de la classe qui n'y arrive toujours pas. En frontal c'est impossible de travailler bagarre insulte et autres

    J'aimerais trouver de la documentation sur l'organisation des classes en multiniveau tant au niveau du travail de l'élève très explicite tout comme celui de l'enseignant

    Je cherche une explicitation de tout ce qui doit se passer dans la tête de l'élève et aussi de l'enseignant. Merci

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  2. A mon avis, Il existe aussi la possibilité d'explorer l'apprentissage coopératif tel que le présente Robert Slavin, ce qui permet d'éviter le frontal en définissant des défis et en gardant une interdépendance de élèves, potentiellement ça pourrait améliorer le degré d'attention au niveau du modelage également.

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