lundi 6 février 2023

Pourquoi apprendre est difficile et comment y trouver du plaisir grâce à un enseignement explicite

Dans la plupart des cas, l’apprentissage attendu dans l’enseignement secondaire est en grande partie standard. Il consiste premièrement à participer à des cours. Deuxièmement, il s’agit d’étudier par soi-même. Troisièmement, la vérification de l’apprentissage se réalise à travers des évaluations.

(Photographie : Romain Fabry)


Ces trois tâches constituent l’essentiel du travail d’un élève et d’un étudiant. Une synthèse personnelle des éléments clés de l’introduction et de la conclusion de l’excellent livre de Daniel Willingham (2023) sur le sujet, avec un développement sur l’enseignement explicite.



L’importance des compétences liées à une autorégulation de l'apprentissage autonome


Lors de la transition de l’enseignement primaire vers le secondaire, les élèves deviennent de fait plus responsables de leur propre apprentissage. 

Chaque enseignant délivre son cours. Pendant ce temps, les élèves prennent des notes et s’engagent dans des activités d’apprentissage. De retour à la maison, les élèves réalisent leurs devoirs et ils étudient pour se préparer à des évaluations.

L’enseignement dans le secondaire nécessite de développer des compétences variées directement liées à une autorégulation de l'apprentissage autonome :
  • Se fixer des priorités et planifier son emploi du temps
  • Se confronter à des contenus complexes en autonomie
  • Éviter la procrastination
  • Éviter les distractions 
  • Mémoriser des connaissances
  • Maitriser des compétences
  • Estimer quand des contenus ont été suffisamment appris
  • Délivrer des preuves concrètes d’un apprentissage antérieur lors d’une évaluation
  • Gérer des sentiments d’anxiété éventuels qui interfèrent avec l’apprentissage et les performances



Écueils au développement des compétences liées à l’apprentissage autonome


Notre cerveau ne nous est pas délivré prêt à l’emploi ou muni d’un manuel d’utilisation. Au contraire, sa maitrise dans le cadre d’un apprentissage autonome requiert le développement de nombreuses compétences distinctes pour certaines peu évidentes.

L’acquisition de ces compétences liées à l’apprentissage autonome bénéficierait d’un enseignement explicite. Cependant, en général, l’école ne l’assure pas ou mal. Le développement de ces compétences liées à l’apprentissage autonome est souvent de la responsabilité unique des élèves et de leurs parents, pas de celle de l’environnement scolaire.

Toutefois, par la force des choses, la grande majorité des élèves vont élaborer leurs propres stratégies pour étudier et s’organiser par essai et erreur et par tâtonnement. Mais leur panoplie de stratégies est souvent incomplète et elles sont rarement utilisées de manière optimale. 

Plus ennuyeux encore, il ne suffit pas de donner des conseils judicieux pour que les élèves développent par la suite leurs compétences en apprentissage autonome de manière adéquate. Ils ont besoin de développer un modèle psychologique du fonctionnement de leur mémoire et d’acquérir la pleine maitrise de stratégies adéquates en s’engageant dans une pratique délibérée tout en bénéficiant d’une rétroaction experte.

Le fonctionnement de notre mémoire nous échappe en grande partie et notre perception tombe dans des pièges, car il est contre-intuitif pour une part non négligeable. De plus, nous possédons beaucoup de conceptions naïves ou erronées au sujet de notre mémoire. Par exemple :
  • Le fait de désirer apprendre des contenus n’a aucun impact direct sur la qualité de notre apprentissage. Un élève peut mémoriser des détails sans importance malgré lui et manquer de retenir les contenus essentiels d’une matière malgré son intention. Vouloir apprendre ne suffit pas à apprendre effectivement.
  • La répétition et la confrontation multiples à des contenus peuvent favoriser l’apprentissage, mais souvent ne sont pas suffisantes. Nous serions incapables de décrire tout ce qui se trouve sur un billet de 10 ou 20 euros par exemple malgré le nombre de fois où nous en avons utilisés. L’apprentissage ne peut pas être passif. 
Une difficulté particulière est qu’en tant qu’enseignant, lorsque nous présentons des stratégies efficaces à nos élèves, il se peut qu’ils les testent, mais il est peu probable qu’ils les adoptent comme habitudes par défaut :
  • Un premier écueil est la difficulté rencontrée par les élèves dans leurs essais initiaux. Ils se sentent inefficaces lorsqu’ils les appliquent et tendent à retourner rapidement vers le confort de leurs approches usuelles. La pratique délibérée doit être prolongée, soutenue, renforcée et bénéficier d’une rétroaction pour mener progressivement à une utilisation fluide et maitrisée.
  • Un deuxième écueil est que les stratégies plus efficaces sont aussi plus exigeantes au niveau cognitif et induisent des difficultés désirables que notre cerveau tend à rejeter. 
  • Un troisième écueil est que ces stratégies plus efficaces présentent surtout des avantages à moyen et long terme, mais sont régulièrement moins utiles à court terme ce qui nous rend peu perceptible leur intérêt direct.
Notre cerveau va résister pour ces trois écueils à l’adoption de stratégies efficaces. Il va nous encourager à adopter des stratégies qui nous semblent faciles et qui nous donnent l’impression de mener au succès rapidement. Dès lors, laissés à eux-mêmes, les élèves tendent à adopter des stratégies d’étude inefficaces et à négliger les stratégies d’étude réellement efficaces. 



Le modèle boucle du plaisir et de l’intérêt dans l’apprentissage


De manière assez logique, apprendre est un processus qui est exigeant et difficile, surtout lorsque nous nous investissons dans une démarche d’amélioration, d’acquisition de nouvelles stratégies et d’optimisation de notre efficacité dans le domaine. 

Différents facteurs vont influencer positivement sur notre propension à nous investir dans l’apprentissage :
  • L’intérêt individuel que nous portons au domaine enseigné et étudié.
  • Les occasions de réussite dont nous faisons l’expérience dans le domaine
  • Notre sentiment d’efficacité personnelle dans le domaine
  • La quantité de connaissances préalables dont nous disposons dans le domaine

Ces facteurs ne sont pas statiques et nous pouvons avoir une certaine influence sur eux selon un processus cyclique :
  • Lorsque nous accordons plus d’intérêt à un domaine de connaissances, nous avons tendance à lui accorder plus d’attention.
  • Lorsque nous accordons plus d’attention à un domaine de connaissances, nous améliorerons notre compréhension des contenus afférents.
  • Lorsque nous améliorons notre compréhension des contenus dans un domaine de connaissances, nous favorisons notre processus de mémorisation et d’apprentissage dans celui-ci.
  • Lorsque nous favorisons notre processus de mémorisation et d’apprentissage dans un domaine de connaissances, nous rencontrons plus d’opportunité de réussite dans le cadre de nos productions et de nos évaluations. 
  • Lorsque nous rencontrons plus d’occasions de réussite dans un domaine de connaissances, nous améliorons notre sentiment d’efficacité personnelle pour celui-ci.
  • Lorsque notre sentiment d’efficacité personnelle dans un domaine de connaissances s’améliore, les tâches scolaires et les intentions d’apprentissage nous sembleront plus abordables. Nous adoptons plus facilement des objectifs de maitrise.
  • Lorsque les tâches scolaires et les intentions d’apprentissage dans un domaine de connaissances nous semblent plus abordables, nous serons moins sujets à la procrastination et de la distraction.
  • Lorsque nous devenons moins sujets à la procrastination et à la distraction dans un domaine de connaissance, nous nous engageons mieux et faisons preuve de plus de persévérance.
  • Lorsque nous nous engageons plus en profondeur et faisons preuve de plus de persévérance, nous enrichissons nos schémas cognitifs dans ce domaine de connaissance.
  • Lorsque nous enrichissons nos schémas cognitifs dans un domaine de connaissance, les nouvelles informations sur ce sujet seront plus faciles à comprendre.
  • Lorsque nous comprenons plus aisément et plus en profondeur de nouvelles informations et leurs implications dans un domaine de connaissance, elles deviennent plus intéressantes.




L’intérêt est à la fois un moteur et le produit d’autres processus cognitifs.

Développer un état d’esprit lié à l’apprentissage autonome c’est maintenir un état d’ouverture et de curiosité intellectuelle. C’est rester toujours prêts à découvrir quelque chose de nouveau sur lequel nous voulons en savoir plus. 



L’apport de l’enseignement explicite dans le développement des compétences en apprentissage autonome


L’enseignement explicite qu’il porte sur les stratégies d’apprentissage autonome, sur les contenus et sur les comportements, permet de faciliter et d’enrichir ces processus :
  • L’enseignement explicite des contenus :
    • Il permet une conception pédagogique optimisant l’apprentissage dans le cadre de l’enseignement en classe.
    • Il suscite l’engagement des élèves et un traitement cognitif génératif des contenus en classe.
    • Il offre des défis et des opportunités de réussite qui permettent de développer le sentiment d’efficacité des élèves.
  • L’enseignement explicite des stratégies d’apprentissage autonome :
    • Il permet aux élèves d’acquérir des stratégies efficaces pour l’apprentissage autonome en y formant les élèves dans la cadre de l’enseignement et d’une pratique délibérée en classe.
  • L’enseignement explicite des comportements :
    • Il favorise l’acquisition de bonnes habitudes de travail en établissant un cadre coopératif, prévisible, sécurisé et confortable en classe.

Mis à jour le 30/11/2023

Bibliographie


Daniel Willingham, Outsmart your brain, 2023, Gallery Books.

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