samedi 5 mars 2022

Le modèle ICAP (interactif, constructif, actif, passif)

L’intérêt du modèle ICAP est de proposer une typologie de l’apprentissage actif et de clarifier cette notion souvent confus. Il nous permet d’aller plus loin que la simple dichotomie active/passif. 

(Photopgrahie : yamagacityoshanpo)



La notion d'apprentissage actif


L’apprentissage actif suppose que :
  • Les élèves s’engagent de manière cognitive et significative avec les contenus
  • Les élèves réfléchissent réellement : il y a tout un travail d’analyse, de synthèse, d’évaluation, de raisonnement ou d’élaboration

La notion clé de l’apprentissage actif est le traitement cognitif signifiant. 

Il existe d’autres dimensions qui peuvent être parallèles, mais qui ne la recouvrent pas nécessairement : 
  • Motivation : attitude ou intérêt personnel à s’impliquer dans les supports ou tâches d’apprentissage.
  • Comportement : participation active, manipulation, mouvements, fréquence à laquelle les élèves assistent aux cours ou travaillent de manière autonome 
  • Émotions : réactions positives et négatives face aux enseignants et aux camarades de classe

La contribution de ces dimensions est souhaitable, mais elles ne garantissent pas nécessairement un traitement cognitif signifiant qui lui est l’élément d’intérêt permettant l’apprentissage. 

L’autre question clé est qu’un enseignant peut concevoir des tâches qui suscitent plus ou moins d’engagement de la part de ses élèves.

Trois défis se posent aux enseignants lorsqu’ils souhaitent engager leurs élèves dans un apprentissage actif :
  1. Quelles caractéristiques d’une activité facilitent un apprentissage actif ? 
  2. Quelles caractéristiques d’une pratique facilitent un apprentissage actif ?
  3. Comment créer et sélectionner des activités et des pratiques qui assurent un apprentissage actif au fil du temps ?  



Le modèle ICAP


Le modèle ICAP repose une hypothèse qui prédit différents niveaux de résultats d’apprentissage. 


Chi et Wylie (2014) ont proposé de distinguer les tâches scolaires et les niveaux d’engagement des apprenants dans la tâche. Elles définissent quatre niveaux : 
  • Passif : lorsque les élèves sont focalisés sur les contenus. Ils reçoivent des explications, ils leur accordent de l’attention.
  • Actif : lorsque les élèves manipulent sélectivement et physiquement les supports d’apprentissage.
  • Constructif : lorsque les élèves génèrent de l’information au-delà de ce qui a été présenté. Ils comprennent plus que ce qu’on leur explique par exemple.
  • Interactif : lorsque deux (ou plus) élèves collaborent à travers un dialogue à une co-construction. 

Bien que les élèves puissent apprendre en recevant des informations de manière passive, ils s’en sortent beaucoup mieux en apprenant de manière active. L’apprentissage des élèves augmentera à mesure qu’ils s’engageront davantage dans le matériel d’apprentissage, passant du mode passif au mode actif, du mode constructif au mode interactif. 

Chaque mode d’engagement correspond à plusieurs types de comportements différents et à des processus de changement de connaissances que nous pouvons différencier. 

Le mode d’engagement interactif atteint le plus haut niveau d’apprentissage, supérieur au mode constructif, qui est supérieur au mode actif, qui est lui-même supérieur au mode passif (I>C>A>P). 

Des niveaux plus élevés impliquent un apprentissage avec une compréhension plus approfondie. 

Chaque fois que tout est comparable, même connaissance à apprendre, même tâche, mêmes apprenants, alors il est possible de classer l’efficacité des modes d’activité : passif < actif < génératif < interactif. 

Une même tâche, comme « lire un texte », peut être réalisée de manière plus ou moins engageante :

Juste lire, lire à haute voix < Souligner, surligner, résumer avec des copiés-collés < Fabriquer des tableaux, des schémas, résumer avec ses propres mots < Élaborer un résumé commun, mettre en discussion les schémas de chacun. 

Il convient toutefois de noter que cette plus grande efficacité et ce plus grand engagement dans la tâche s’accompagnent d’une plus grande exigence : 
  • La tâche est plus longue à réaliser
  • Elle est moins à la portée des élèves ayant moins de connaissances préalables
  • Elle nécessite plus d’accompagnement (soutien, orientation, étayage).

En ce sens, le modèle ICAP est compatible avec les fondements de la théorie de la charge cognitive.



Quatre modes de comportements d’engagement manifestes dans le modèle ICAP


L’engagement des élèves dans les supports pédagogiques peut être opérationnalisé par les comportements manifestes ou leur absence, pendant l’apprentissage.

Les comportements manifestes constituent un bon indicateur des différents modes d’engagement. Les enseignants peuvent les utiliser pour vérifier si un élève est effectivement engagé dans un mode spécifique pour une activité donnée.

Les manifestations comportementales manifestes des élèves peuvent être caractérisées et différenciées en quatre modes comportementaux : passif, actif, constructif et interactif. 

Le mode dans lequel les élèves s’engagent peut être observé soit pendant l’enseignement, soit pendant que les élèves entreprennent des activités d’apprentissage spécifiques conçues par l’enseignant.

La ligne supérieure du tableau montre les quatre modes de comportement d’engagement, comportements accompagnés de leurs descripteurs caractéristiques tels que recevoir, manipuler, générer et dialoguer. 

La colonne de gauche montre trois contextes pédagogiques différents : écouter un cours, lire un texte et regarder une vidéo.
 
Les cellules du tableau énumèrent des exemples d’activités d’engagement dans chaque mode dans le contexte des trois tâches pédagogiques. 



Ce tableau montre que pour toute tâche pédagogique, les élèves peuvent s’engager dans différents modes d’activités ou différentes activités au sein d’un même mode. 

Par exemple, lorsqu’ils lisent un texte ou regardent une vidéo, les élèves peuvent être engagés de manière passive, active, constructive ou interactive en fonction des comportements manifestes qu’ils adoptent.



Mode d’engagement passif


Dans un mode d’engagement passif, les élèves sont orientés vers le contenu pédagogique. Ils perçoivent des informations sans faire ouvertement autre chose en rapport avec l’apprentissage. 

C’est par exemple, le fait de prêter attention et d’écouter ce que dit l’enseignant sans faire ouvertement autre chose (c’est-à-dire écouter sans prendre de notes).

Toutefois, il est possible que les élèves traitent secrètement et profondément le matériel tout en écoutant un cours (ou en observant une vidéo), même s’ils semblent ouvertement ne s’engager que passivement.



Mode d’engagement actif


Dans un mode d’engagement actif, les élèves manifestent une certaine forme d’action motrice manifeste ou de manipulation physique avec les supports d’apprentissage. 

Pour diverses mesures de performance, les comportements actifs surpassent les comportements passifs. 

C’est par exemple, mettre en pause et retourner en arrière pour revoir une partir d’une vidéo, souligner certaines phrases de texte qu’ils jugent importantes, ou recopier certaines des étapes de la solution d’un problème.

Ces activités actives requièrent une certaine forme de comportements moteurs qui entraînent une concentration de l’attention pendant la manipulation.

Elles se distinguent des activités manifestes qui sont effectuées sans réfléchir. Par exemple, si nous demandons aux élèves de lire des passages à haute voix dans leur intégralité, cette activité de lecture à haute voix est plus proche du passif que de l’actif. L’attention n’est pas focalisée sur certains passages ou phrases spécifiques. 

Toutefois, il n’est pas toujours évident de déterminer si la concentration est ou n’est pas impliquée dans une activité active. Par exemple, si les élèves lisent certaines parties des passages avec plus d’emphase (par exemple, avec une voix plus forte), il semblerait que l’attention soit focalisée. Il est parfois ambigu de classer une activité comme passive ou active, à moins que l’on puisse déterminer si elle entraîne une concentration de l’attention au service d’un traitement cognitif significatif. 



Mode d’engagement constructif


Dans un mode d’engagement constructif, les élèves génèrent ou produisent des résultats ou des produits externalisés supplémentaires au-delà de ce qui a été fourni dans les supports d’apprentissage. 

Un synonyme du mode d’engagement constructif est l’apprentissage génératif. Pour répondre aux critères du mode constructif, les résultats des comportements génératifs doivent contenir de nouvelles idées qui vont au-delà de l’information donnée, sinon ces comportements sont simplement actifs/manipulatifs. 

Dans un comportement constructif comme l’auto-explication, les élèves expriment ce qu’une phrase de texte ou une étape de solution signifie pour eux. Ils génèrent des inférences qui ne sont pas explicitement indiquées dans la phrase de texte, ou en fournissant une justification pour l’étape. 

Les inférences et la justification vont au-delà de l’information fournie. Si l’auto-explication de l’élève reprend mot pour mot ce qui a été lu, l’élève ne fait que répéter, recopier ou s’auto-expliquer de manière active plutôt que constructive. Aucune nouvelle information n’est fournie. 

Les activités constructives comprennent des activités telles :
  • Le dessin d’une carte conceptuelle
  • La prise de notes avec reformulation dans ses propres mots
  • Le fait de se poser des questions et d’y répondre
  • La comparaison
  • L’intégration de deux textes ou celle d’un texte et d’un schéma
  • Émettre des hypothèses
  • Mettre en évidence des relations causales
  • Établir des analogies
  • Générer des prédictions
  • Réfléchir et contrôler sa compréhension
  • D’autres activités d’autorégulation

Ces comportements peuvent tous être classés comme constructifs. Ils satisfont au critère selon lequel les apprenants génèrent une sorte de production externe telle que des notes, des hypothèses, des justifications, des questions, des prédictions, des auto-évaluations et des lignes du temps. Toutes ces démarches aboutissent à l’élaboration d’idées supplémentaires qui vont au-delà du matériel d’apprentissage original. 

Le terme constructif ne doit pas être assimilé aux pratiques typiquement liées au constructivisme pas plus qu’il pourrait être considéré comme en opposition avec l’instructionnisme. 

Le terme constructif est opérationnalisé explicitement comme générant des résultats qui vont au-delà des informations présentées. 

L’étayage pédagogique tel que promu par la théorie de la charge cognitive permet aux élèves d’être plus génératifs dans la mesure où il exige souvent qu’ils répondent d’une manière généralement constructive. 

Le guidage offert par l’enseignant encourage les élèves à répondre de manière plus constructive, car il exige plus qu’une réponse qui se contente de récupérer une information, mais impose qu’elle soit élaborée par l’élève.



Mode d’engagement interactif


Dans le modèle ICAP, les comportements interactifs propres aux dialogues répondent à deux critères : 
  • Les échanges des deux partenaires doivent être principalement constructifs
  • Une fréquence suffisante de tour de rôle doit se produire entre les deux partenaires. 



Échanges constructifs


Un élève peut parler avec une autre personne qui peut être un pair, un enseignant, un parent ou une interface informatique. 

Lorsque deux personnes travaillent ensemble, l’apprentissage semble se produire grâce à un dialogue interactif. Pour qu’un échange soit un dialogue interactif, il faut que les interventions de chaque locuteur génèrent des connaissances au-delà de ce qui a été présenté dans le support d’apprentissage original. Les deux partenaires doivent donc être constructifs. L’interactif englobe le constructif. 

Les dialogues sont réellement interactifs lorsqu’ils consistent en des échanges mutuels d’idées entre deux individus, aboutissant à de nouvelles idées qu’aucun des individus ne connaissait au départ ou ne pouvait générer seul. 

De tels échanges mutuels d’idées impliquent que les deux partenaires apportent des contributions substantielles au sujet discuté :
  • Défendre et argumenter sur une position
  • Critiquer une contribution en demandant une justification,
  • Poser des questions à l’autre et y répondre
  • S’expliquer mutuellement
  • Développer les contributions de l’autre (comme clarifier, construire sur, corriger, etc.).

Il s’agit là d’une conception idéale d’un modèle de dialogue interactif ou conjoint, dans la mesure où les deux partenaires apportent des contributions substantielles. 



Fréquence suffisante de tours de rôle


En plus d’être constructif, un dialogue doit comporter une fréquence suffisante de tours de parole. 

Deux élèves qui se relaient pour se faire des mini-exposés, même s’ils sont constructifs, ne récolteront probablement pas les mêmes avantages que deux élèves qui interviennent fréquemment pour se poser des questions, apporter des clarifications, etc. 

En se relayant fréquemment, il sera plus facile pour les élèves d’intégrer la compréhension du domaine de leur partenaire et de faire des ajustements à leur propre modèle mental. De tels échanges dynamiques et continus ont le double avantage de permettre des révisions plus fréquentes sur de plus petits éléments de connaissance. 

Comme pour l’auto-explication, cela facilite l’apprentissage, parce que le dialogue interactif favorise l’intégration continue d’éléments de nouvelles connaissances.



Dialogue individuel


Un contre-exemple de dialogue interactif est le dialogue individuel. Dans ce dialogue, un partenaire domine et génère la plupart des contributions substantielles. L’autre partenaire se contente d’approuver ou de contribuer avec des réponses d’acquiescement en arrière-plan. Dans ce cas, le partenaire locuteur peut apprendre davantage que son partenaire écoutant. Le locuteur est constructif, tandis que l’auditeur est simplement actif en acceptant et en confirmant certaines des contributions du locuteur. 



Mis à jour le 15/06/2023

Bibliographie


Michelene T. H. Chi & Ruth Wylie (2014) The ICAP Framework: Linking Cognitive Engagement to Active Learning Outcomes, Educational Psychologist, 49:4, 219–243, DOI: 10.1080/00461520.2014.965823 

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