Comment délivrer une rétroaction au moment opportun, qui vise à permettre à l’élève de progresser dans ses apprentissages ?
Le quoi, le quand et le comment de la rétroaction
Lorsqu’un enseignement efficace est prodigué, incluant des processus d’évaluation formative maîtrisés, les conditions sont en place pour délivrer une rétroaction efficace aux élèves.
Trois paramètres vont influencer sa mise en œuvre, le quand, le quoi et le comment :
- Quand donner une rétroaction aux élèves ?
- Avec quelle fréquence et selon quels délais ?
- Quoi donner comme rétroaction aux élèves ?
- Quels contenus et quelles cibles privilégier ?
- Comment délivrer la rétroaction ?
- Sous quelle forme et dans quelles conditions et dans quel contexte donner la rétroaction aux élèves ? Comment s’assurer qu’ils en fassent bon usage, qu’elle leur permet de progresser sans surcharger les enseignants de travail ?
L’enjeu de la rétroaction est de générer des informations spécifiques, gérables et pertinentes :
- Elle doit permettre aux élèves de progresser dans leurs apprentissages avec une certaine autonomie. Parallèlement, elle doit permettre à l’enseignant d’adapter l’enseignement qu’il propose à l’échelle de la classe.
Une règle générale sur le « quoi » est que la rétroaction gagne à se concentrer spécifiquement sur la tâche, sur les objectifs d’apprentissage ou les stratégies d’autorégulation des élèves. Elle doit éviter de viser la personne de l’élève.
En ce qui concerne le « quand », la recherche dans le domaine n’a pu établir de preuves concernant le moment et la fréquence d’un retour d’information efficace. Il semble toutefois, qu’une rétroaction délivrée immédiatement après l’apprentissage, jusqu’à une semaine après et pendant, sont toutes associées à des effets positifs de taille similaire sur les résultats scolaires.
Toutefois, il apparait que :
- Un retour d’information immédiat peut être efficace en début d’apprentissage, car il peut empêcher la formation précoce d’idées fausses.
- Un retour d’information différé peut également être bénéfique plus tard dans l’apprentissage, car il peut obliger les élèves à s’engager pleinement dans le travail avant de recevoir une réponse. En retour, cela peut les amener à travailler avec plus d’efforts pour retrouver les informations qu’ils ont déjà apprises, ce qui peut aider les élèves à se souvenir davantage de l’apprentissage.
Compte tenu de la complexité des résultats de la recherche sur la rétroaction, il semble probablement plus productif de laisser les enseignants décider du moment opportun où délivrer un retour d’information. Il importe de reconnaitre le rôle crucial du jugement de l’enseignant dans la fourniture d’un retour d’information au moment approprié.
De plus, pour guider cette prise de décision, les enseignants doivent prendre en compte quatre éléments : les tâches proposées, le niveau individuel de chaque élève, l’échelle de la classe et ses ressources en matière de temps disponible.
Prendre en compte la tâche dans le cadre de la rétroaction
Le moment du retour d’information peut devoir être ajusté en fonction de la tâche à laquelle les élèves sont confrontés.
Par exemple, la détection d’erreurs peut survenir rapidement et de manière évidente en musique ou en art si un élève peut clairement entendre, voir ou détecter une erreur. Il en va de même en éducation physique, lorsqu’un élève tente un exercice et s’aperçoit rapidement qu’il ne permet pas d’obtenir les résultats escomptés.
Les erreurs peuvent également devenir évidentes en mathématiques ou en sciences si, à la fin d’une tâche simple, l’élève n’a pas donné la réponse attendue ou aboutit à une réponse irréaliste.
La tâche elle-même peut également avoir été conçue pour donner un retour d’information immédiat :
- Un quiz assisté par ordinateur peut informer les élèves des bonnes ou mauvaises réponses.
- Un correctif est à disposition pour vérifier les réponses obtenues.
- L’enseignant circule en classe pour contrôler la qualité des réponses au fur et à mesure de la séance de pratique.
Dans ces situations, l’enseignant n’a pas besoin de fournir un retour d’information spécifique, car le déroulement naturel des tâches le fournit.
Cependant, d’autres tâches peuvent ne pas révéler les erreurs, les lacunes dans les connaissances ou les idées fausses aussi rapidement ou avec autant de facilité. Lors de la rédaction d’une production ou la réalisation d’un problème en mathématiques ou en sciences, par exemple, les élèves sont moins susceptibles de reconnaitre rapidement la source de leurs erreurs. De même, l’enseignant qui circule en classe n’a pas matériellement le temps d’analyser le raisonnement de chaque élève ou de chaque groupe d’élèves avec efficacité.
Il y a un risque dans ce cas si les enseignants n’interviennent pas d’une façon ou d’une autre pour apporter une correction. Des idées fausses risquent de perdurer, d’être apprises et d’entraver la compréhension ultérieure des élèves, de sorte que les enseignants peuvent choisir d’intervenir plus tôt.
Prendre en compte l’élève dans le cadre de la rétroaction
Certains élèves peuvent bénéficier d’un retour d’information plus immédiat, tandis que d’autres peuvent s’améliorer plus efficacement lorsqu’il est retardé.
L’enseignant peut suivre les progrès des élèves dans l’exécution des tâches, en évaluant les élèves qui rencontrent des difficultés et progressent peu. Ces élèves ont certainement besoin d’un conseil ou d’un soutien qui vont leur permettre d’avancer dans la bonne direction. Pour ces élèves, un retour d’information immédiat est souhaitable.
Pour les élèves qui progressent bien et travaillent de manière engagée, fournir un retour d’information peut les distraire ou même les priver de l’opportunité d’apprendre et de trouver la réponse par eux-mêmes.
Un élève peut se situer entre ces deux groupes et l’enseignant peut alors chercher à fournir un retour d’information avec étayage. Il va varier la quantité de retours d’information en fonction de l’élève pour s’assurer qu’il ne reçoit pas la réponse complète, mais qu’il obtient juste suffisamment d’indications pour progresser utilement.
Lorsque nous confions de nouvelles tâches à certains élèves, certains sont tentés de demander immédiatement de l’aide. Lorsque nous leur demandons ce qui ne fonctionne pas, la réponse la plus courante est : « Je ne comprends rien. »
Dans de telles circonstances, la réaction de l’élève peut provenir de l’anxiété liée à la nature peu familière de la tâche. Dans ce cas, il est souvent possible de soutenir l’élève en lui donnant la prochaine étape à réaliser avant de revenir vers lui quelques minutes plus tard.
Souvent, ce qui est essentiel dans ce cas est de faire démarrer l’élève par une tâche simple et accessible, mais utile. Le fait de s’engager dans cette première tâche amène l’élève à regarder en détail comment il peut se mettre plus concrètement au travail. Cela peut suffire à lui donner le temps et l’occasion de donner un sens à la tâche elle-même et à l’accepter comme un défi.
Prendre en compte la classe dans le cadre de la rétroaction
Lorsqu’il fait pratiquer ses élèves, l’enseignant peut s’apercevoir très tôt qu’une idée fausse particulière s’est généralisée parmi une grande partie de la classe.
Avec l’expérience, les enseignants détectent souvent les idées fausses typiques de leur matière à un stade précoce. La question est de savoir si elles sont suffisamment répandues et ne concernent pas l’un ou l’autre élève isolé auquel ils peuvent donner un tutorat individuel ou en groupe réduit. Il peut être judicieux avec l’expérience et en fonction des situations, pour l’enseignant de décider de donner immédiatement une rétroaction à l’ensemble de la classe ou d’enseigner à nouveau les connaissances correspondantes.
L’enseignant doit mener constamment une réflexion sur le coût d’opportunité de la rétroaction. Déterminer quand et comment délivrer un usage productif de la rétroaction est une composante clé de la compétence professionnelle de l’enseignant. Le moment du retour d’information devrait être laissé à l’appréciation de l’enseignant.
Des pistes pour centrer la rétroaction sur la progression des apprentissages
On considère que la rétroaction peut agir à quatre niveaux :
- Au niveau de l’élève ⇔ améliorer l’élève
- Faire progresser l’élève dans sa capacité à réaliser certains types des tâches
- Cibler des lacunes spécifiques identifiées dans les connaissances et compétences préalables de l’élève qui ont un impact direct sur les nouveaux apprentissages.
- Faire en sorte que l’élève s’améliore à travers les stratégies métacognitives qu’il met en œuvre.
- Au niveau de la tâche ⇔ améliorer la réalisation de la tâche par l’élève
- Une rétroaction de haute qualité peut se concentrer sur la spécificité de la tâche.
- La rétroaction peut se centrer sur l’amélioration d’un travail ou d’un type de tâche spécifique.
- Elle peut indiquer si une réponse est correcte ou incorrecte, donner une note et offrir des conseils spécifiques sur la manière d’améliorer l’exécution de la tâche
- Au niveau de la matière ⇔ améliorer les connaissances de l’élève dans la matière
- La rétroaction cible les processus sous-jacents d’une tâche, qui sont généralement utilisés dans toute une matière.
- De cette manière, la rétroaction peut être appliquée à différents types de tâches voisines liées aux mêmes nouvelles connaissances et compétences.
- Au niveau de l’autorégulation ⇔ améliorer la capacité de l’élève à gérer les apprentissages visés
- L’enseignant s’interroge sur la manière d’aider ses élèves à mieux planifier, contrôler, choisir les bonnes stratégies et évaluer leur travail et leurs progrès dans les apprentissages.
- La rétroaction est alors généralement fournie sous forme de pistes à explorer et de stratégies à mettre en œuvre.
La rétroaction centrée sur les caractéristiques personnelles d’un élève a moins de chances d’être efficace. Il peut laisser entendre que les élèves ont une capacité innée (ou n’en ont pas) et est souvent très général et pauvre en informations.
La rétroaction sur une personne (plutôt que sur les spécificités d’une tâche, sa compréhension d’une matière ou son utilisation de l’autorégulation) est régulièrement insuffisante et inutile. En effet, elle ne fournit pas suffisamment d’informations pour combler une lacune et faire progresser l’apprentissage. De même, cela pourrait détourner l’élève de l’apprentissage, le rendant conscient de lui-même et se concentrant plutôt sur l’impact que la rétroaction a eu sur son estime de soi.
Les élèves doivent avoir la possibilité d’agir en fonction de la rétroaction. Il est souvent difficile de distinguer clairement la différence entre la rétroaction au niveau de la tâche, de la matière et de l’autorégulation. Cependant, les enseignants ou la direction ne doivent pas s’en inquiéter outre mesure. La distinction clé à faire est de s’assurer que le retour d’information est orienté vers la tâche, le sujet ou l’autorégulation.
La rétroaction sera moins susceptible d’être efficace s’il fournit un commentaire général sur les caractéristiques de l’élève. De plus, la quantité de rétroaction doit être raisonnable pour pouvoir être gérée par l’élève. Un processus de responsabilisation lié à la rétroaction peut être utile, de même une partie de sa prise en compte peut être rapatriée dans le cadre de l’enseignement en classe.
La combinaison de la note et de la rétroaction
Il existe des preuves qui suggèrent que les notes seules n’améliorent pas les performances des élèves et qu’il est préférable de les remplacer par des commentaires.
Cependant, des études plus récentes ont démontré des résultats mitigés à la suite de l’attribution de commentaires au lieu de notes.
Tout semble finalement peut-être n’être qu’une question de nuances. L’attribution d’une note seule peut encore fournir des informations pour faire progresser l’apprentissage. La condition nécessaire est qu’un travail préparatoire suffisant a été effectué par l’élève. Dans ce cas, il sait déjà interpréter cette note et identifier quelles améliorations précises sont nécessaires. Il perçoit comment s’engager sur des types de tâches spécifiques et dans cette matière en général pour améliorer ses résultats.
Toutefois, à moins d’une planification minutieuse de l’accompagnement des notes ou de grandes capacités d’autorégulation des élèves, un commentaire qui remplace ou accompagne une note peut être préférable à une note seule.
Prendre en compte les éloges dans le cadre de la rétroaction
L’éloge est un autre domaine d’interaction de l’enseignant vers ses élèves qui a été contesté. Bien que les élèves puissent apprécier les félicitations, certaines études ont suggéré qu’elles peuvent être inefficaces pour améliorer les progrès des élèves — elles peuvent détourner l’apprenant de l’apprentissage pour se concentrer sur son estime de soi.
Il faut éviter des félicitations et des commentaires plus généraux tels que « bon travail ! ». Si des félicitations doivent être données, il peut être plus efficace de féliciter les élèves pour une tâche, un sujet ou une réalisation d’autorégulation toujours spécifiques. Cela permet de fournir plus d’informations à l’élève sur ce qui en est leur raison exacte.
Ce à quoi nous devons être bien attentifs c’est de ne pas confondre rétroaction et renforcement positif. L’enseignant peut choisir de faire des éloges en classe à des fins autres que le retour sur l’apprentissage.
Par exemple, les félicitations spécifiques et ciblées peuvent être utilisées :
- Pour renforcer un comportement positif ou maintenir les élèves au travail.
- Lorsque les élèves ont des difficultés à se concentrer sur leur travail.
- Lorsque les élèves démontrent l’utilisation de compétences sociales et émotionnelles, en vue de soutenir ce développement.
Prendre en compte l’effort dans le cadre de la rétroaction
L’effort est un domaine tout aussi difficile pour définir des conseils clairs aux enseignants.
Certains enseignants commentent l’effort que les élèves ont fourni dans une activité lorsqu’ils donnent leur avis. Il existe peu de preuves de l’impact de ces commentaires ou de ces mentions des efforts présumés de l’élève.
La principale difficulté est qu’il est difficile de déterminer le degré d’effort réellement fourni par les élèves dans une tâche.
Si un enseignant choisit de commenter l’effort, il peut être utile de lier le commentaire aux actions que les élèves peuvent entreprendre pour améliorer la tâche, la matière ou leur autorégulation. Nous devons éviter de simplement commenter l’effort général de l’élève.
Par exemple, il convient de ne pas utiliser des commentaires tels que « Tu n’as pas fait assez d’efforts » ou « Tu dois fournir plus d’efforts ! ».
Un enseignant pourrait dire plutôt :
- Pour la tâche : « je pense vraiment que tu pourrais améliorer ta réponse à la question 2 si tu y consacrais un peu plus de temps »
- Pour la matière : « Tes graphiques seraient parfaits si tu réfléchissais un peu plus à la façon dont tu légendes tes axes »
- Pour l’autorégulation : « Assure-toi de te réserver suffisamment de temps à la fin de ton examen ou de la rédaction de ton travail. Prends le temps de le relire, de le vérifier et de t’assurer qu’il est correct, qu’il n’y a pas d’erreurs d’inattention ou d’orthographe évitables ! ».
Faire et ne pas faire dans le cadre de la rétroaction
En conclusion, il importe finalement peu qu’un enseignant choisisse de donner des notes, de faire des éloges ou de commenter l’effort. Ce qui compte pour la rétroaction qu’il donne sur l’apprentissage se situe à un autre niveau. La rétroaction a plus de chances d’être efficace pour améliorer les résultats des élèves si elle met l’accent sur la tâche, la matière ou les stratégies d’autorégulation.
La rétroaction est moins susceptible d’être efficace si elle se concentre sur les caractéristiques personnelles de l’apprenant ou s’il fournit un commentaire général ou vague.
Il faut être attentif et éviter des commentaires qui ne servent à rien et deviennent contre-productifs comme :
- Essaye de plus d’investir plus dans ton travail ou ton étude la prochaine fois !
- Vise à t’améliorer ! Fournis plus d’efforts !
- Bravo ! Très bien ! Bon travail !
Ce type de commentaires ne contribue pas à améliorer le processus d’apprentissage. Ils n’offrent pas de pistes spécifiques aux élèves.
De plus, il ne sert pas à grand-chose de se focaliser sur les débats concernant les notes ou les commentaires, les efforts ou les félicitations. Les enseignants doivent plutôt s’attacher à fournir un retour d’information qui cible spécifiquement les lacunes d’apprentissage des élèves, qu’elles soient liées à la tâche, au sujet ou à l’autorégulation. La direction doit les soutenir et les valoriser dans ce sens.
Mis à jour le 06/05/2023
Bibliographie
EEF, Teacher Feedback to Improve Pupil Learning, 2021, https://educationendowmentfoundation.org.uk/tools/guidance-reports/feedback/
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