Le modèle SOI de l’apprentissage (Fiorella & Mayer, 2015) nous permet de comprendre comment favoriser chez nos élèves le développement des connaissances profondes et interconnectées entre elles.
(Photographie : David Castenson)
La difficulté de générer un apprentissage
Imaginons que nous soyons assis à lire un chapitre d’un livre ou un article d’un blog ou d’une revue. Alternativement, imaginons que nous assistons à une conférence durant laquelle le présentateur enchaine et explique avec plus ou moins d’enthousiasme des diapositives PowerPoint. Imaginons que nous écoutons un podcast ou que nous visionnons une présentation multimédia ou un tutoriel en ligne.
Nous pouvons lire, regarder ou écouter attentivement. Nous pouvons comprendre tous les mots, de sorte que le sens de la plupart des phrases nous parait accessible.
Le fait est que lorsque cette activité se terminera, nous ne serons pas capables d’appliquer ce que vous avons appris à de nouvelles situations d’emblée ou d’utiliser ces connaissances pour résoudre des problèmes.
Peu importe notre degré d’attention, ce type de situation mène à une compréhension linguistique relativement superficielle, mais pas à un apprentissage.
Distinguer l’apprentissage par cœur, associatif et génératif
Nous pouvons distinguer trois formes de pratiques qui mènent à des apprentissages. Toutes les formes d’apprentissage n’aboutissent pas à des résultats d’apprentissage significatifs.
Situation d’apprentissage | Ce qui a lieu | Ce qui est atteint |
Apprentissage par cœur | Mémoriser des informations | Se souvenir de ce qui a été présenté |
Apprentissage associatif | Créer une association | Donner une réponse pour un stimulus donné. |
Apprentissage génératif | Donner du sens aux informations | Résoudre de nouveaux problèmes |
L’apprentissage par cœur correspond à une simple mémorisation. Nous sommes par la suite capables de reconnaitre les connaissances mémorisées et nous la rappeler telles quelles lorsque le même indice est proposé. Nous sommes difficilement capables d’appliquer ces connaissances dans des contextes différents.
L’apprentissage associatif correspond à l’association de deux stimuli se produisant simultanément (selon le principe du conditionnement classique ou du conditionnement opérant). L’apprentissage fonctionne en construisant des associations, ce qui suppose un entraînement et des répétitions. Il fonctionne sur le principe du renforcement des associations, qui se traduit par des réponses rapides à des stimuli bien appris. L’apprentissage associatif s’applique à une bande étroite de situations d’apprentissage. Il est limité, car il ne traite pas de l’apprentissage par la compréhension, qui permet aux individus de prendre ce qu’ils ont appris et de l’appliquer à de nouvelles situations.
La nécessité d’un apprentissage génératif
Au XXIe siècle, le besoin d’apprentissage par cœur et d’apprentissage associatif s’est quelque peu réduit. Par contre, celui de résoudre des problèmes et de faire preuve de bon sens s’accroit.
L’accent est mis aujourd’hui sur des compétences telles que la résolution créative de problèmes, l’esprit critique, l’adaptabilité, la communication complexe et la construction d’arguments fondés sur des preuves.
Ces différentes compétences peuvent être considérées comme reposant sur un apprentissage génératif. Elles se fondent sur l’acquisition de connaissances et de compétences spécifiques. L’idée est que celles-ci sont mobilisables dans une variété de contextes voisins, nous parlons de l’établissement de capacités de transferts proches.
C’est ce que propose l’apprentissage génératif en engageant les individus dans des activités qui visent à amorcer un traitement cognitif significatif.
Nous ne nous pouvons pas simplement saisir ce qui est présenté ou ce que nous lisons, de manière à la mettre directement en mémoire à long terme. L’apprentissage n’est pas simplement un processus d’ajout d’informations à la mémoire à long terme, comme dans un ordinateur. L’apprentissage dépend à la fois de ce qui est présenté et du traitement cognitif fourni par l’apprenant au cours de l’apprentissage.
L’apprentissage génératif est rendu possible par une activité significative dans laquelle nous cherchons activement à donner un sens aux contenus présentés ou rencontrés.
Nous interprétons les nouvelles informations, nous les réorganisons et nous nous référons à ce que nous savons déjà. Nous nous efforçons de donner un sens aux contenus que nous rencontrons, et de relier les nouvelles informations à nos connaissances préalables. Nous transformons les informations objectivement présentées en connaissances personnelles. Le traitement cognitif au cours de l’apprentissage est fondamental.
Le modèle SOI de l’apprentissage génératif
Le modèle SOI (sélectionner, organiser, intégrer) de l’apprentissage génératif se concentre sur trois processus cognitifs distincts.
L’apprentissage génératif a lieu lorsque l’élève s’engage dans un traitement cognitif approprié qui comprend les actions de :
L’enjeu de l’apprentissage significatif est lié à la mobilisation du bon traitement cognitif.
Une implication pédagogique importante du modèle SOI est que le travail de l’enseignant ne se limite jamais à présenter des informations nouvelles. Sa responsabilité est surtout de s’assurer que ses élèves s’engagent dans un traitement approprié pendant l’apprentissage. Ce traitement approprié comprend les dimensions de la sélection, de l’organisation et de l’intégration.
Dans le modèle SOI, la mémoire de travail est une sorte de goulot d’étranglement dans notre système cognitif, car sa capacité de traitement est limitée.
La mémoire sensorielle et la mémoire à long terme, situées de part et d’autre, ont chacune de grandes capacités. Une implication pédagogique importante de ce goulot d’étranglement est que la présentation rapide d’un grand nombre d’informations à un élève risque de surcharger la mémoire de travail de ce dernier. Elle peut entraîner la perte d’une grande partie de ces informations.
Si nous reprenons l’exemple de départ, recevoir passivement des informations ne mène pas à un enseignement significatif. Les élèves écoutent et regardent, des images et des sons parviennent à leur mémoire sensorielle. Il en résulte des représentations spatiales et verbales pouvant être manipulées dans la mémoire de travail en relation avec des connaissances spécifiquement activées en mémoire à long terme. Cependant, le traitement n’est que superficiel parce que bien vite d’autres informations nouvelles viennent chasser les précédentes. Le processus ne peut se traduire en de nouvelles connaissances sémantiques stockées et intégrées dans la mémoire à long terme en lien avec des connaissances préalables.
- Sélectionner :
- Nous nous intéressons aux informations pertinentes en provenance de notre environnement. Elles entrent dans notre système cognitif par nos yeux et nos oreilles (ou d’autres sens). Elles sont brièvement maintenues dans notre mémoire sensorielle pendant une fraction de seconde.
- Lorsque nous prêtons attention à certaines de ces informations fugitives dans la mémoire sensorielle, nous effectuons un trio parmi les différents stimuli.
- Nous transférons le contenu auquel nous sommes attentifs à notre mémoire de travail pour un traitement ultérieur.
- Organiser :
- Les informations sélectionnées amenées en mémoire de travail peuvent y être organisées en une structure cognitive mentale cohérente grâce à un traitement cognitif approprié.
- Intégrer :
- Ces nouvelles structures cognitives mentales cohérentes sont intégrées entre elles, mais surtout avec les connaissances préalables pertinentes activées à partir de la mémoire à long terme.
- Des échanges ont lieu entre mémoire de travail et mémoire à long terme. Les connaissances que nous accumulons en mémoire de travail peuvent alors être stockées dans la mémoire à long terme pour une utilisation future.
- Elles deviennent susceptibles d’être récupérées et activées ultérieurement. Elles pourront être utilisées pour résoudre des problèmes que nous rencontrons dans le monde extérieur, ce qui est source de performance.
L’enjeu d’un traitement cognitif pertinent en vue d’un apprentissage génératif
L’enjeu de l’apprentissage significatif est lié à la mobilisation du bon traitement cognitif.
Une implication pédagogique importante du modèle SOI est que le travail de l’enseignant ne se limite jamais à présenter des informations nouvelles. Sa responsabilité est surtout de s’assurer que ses élèves s’engagent dans un traitement approprié pendant l’apprentissage. Ce traitement approprié comprend les dimensions de la sélection, de l’organisation et de l’intégration.
Dans le modèle SOI, la mémoire de travail est une sorte de goulot d’étranglement dans notre système cognitif, car sa capacité de traitement est limitée.
La mémoire sensorielle et la mémoire à long terme, situées de part et d’autre, ont chacune de grandes capacités. Une implication pédagogique importante de ce goulot d’étranglement est que la présentation rapide d’un grand nombre d’informations à un élève risque de surcharger la mémoire de travail de ce dernier. Elle peut entraîner la perte d’une grande partie de ces informations.
Si nous reprenons l’exemple de départ, recevoir passivement des informations ne mène pas à un enseignement significatif. Les élèves écoutent et regardent, des images et des sons parviennent à leur mémoire sensorielle. Il en résulte des représentations spatiales et verbales pouvant être manipulées dans la mémoire de travail en relation avec des connaissances spécifiquement activées en mémoire à long terme. Cependant, le traitement n’est que superficiel parce que bien vite d’autres informations nouvelles viennent chasser les précédentes. Le processus ne peut se traduire en de nouvelles connaissances sémantiques stockées et intégrées dans la mémoire à long terme en lien avec des connaissances préalables.
La conversion des informations présentées (c’est-à-dire la représentation externe) en connaissances construites (c’est-à-dire la représentation interne) est ce qui se produit lorsque les apprenants s’engagent dans un apprentissage génératif suffisamment poussé.
Importance des connaissances préalables pour un apprentissage génératif
Les connaissances préalables de l’apprenant jouent un rôle central dans l’apprentissage génératif. Elles comprennent des schémas, des catégories, des modèles et des principes qui peuvent aider à orienter ce que l’apprenant sélectionne pour un traitement ultérieur. Elles influencent, comment l’apprenant organise les nouvelles connaissances et comment il le relie à d’autres connaissances structurellement similaires. Ainsi, l’apprentissage dépend à la fois de ce que l’enseignant présente et de ce que l’apprenant apporte à la situation d’apprentissage.
C’est pourquoi deux apprenants peuvent être exposés au même scénario d’apprentissage — comme assister à la même conférence ou regarder la même présentation en ligne — et obtenir des résultats d’apprentissage très différents. Leurs connaissances préalables et les traitements engagés expliquent ces différences.
Place de la métacognition et de la motivation dans l’apprentissage génératif
L’apprentissage génératif exige que les apprenants appliquent des processus cognitifs appropriés pendant l’apprentissage.
Le suivi et le contrôle de vos processus cognitifs au cours d’une tâche cognitive (comme l’apprentissage à partir d’une conférence ou d’un livre) correspondant à ce que nous appelons la métacognition. La métacognition correspond à des stratégies de surveillance et de contrôle des processus cognitifs.
Nous pouvons savoir utiliser les processus cognitifs de sélection, d’organisation et d’intégration. Nous pouvons posséder les stratégies métacognitives pour les orchestrer. Toutefois, il se peut que nous ne nous engagions pas dans l’apprentissage génératif, parce que nous ne le voulons tout simplement pas.
La motivation est définie comme un état cognitif qui amorce, dynamise et maintient un comportement orienté vers un but. La motivation dirige le système cognitif.
Sans la motivation nécessaire pour donner un sens à un enseignement, l’apprentissage génératif pourrait ne pas être initié. Sans les compétences métacognitives permettant de contrôler le traitement cognitif pendant l’apprentissage, les tentatives d’apprentissage génératif ne seraient pas efficaces.
Les stratégies et méthodes d’apprentissage visent à motiver les apprenants à s’engager dans un traitement cognitif productif pendant l’apprentissage.
Nature de l’évaluation dans le cadre de l’apprentissage génératif
Deux types d’éléments d’évaluation sont :
- Le rappel libre ou indicé :
- Il est en lien avec la connaissance mémorisée.
- Il consiste à reconnaitre ou à récupérer des informations préalablement apprises et mémorisées.
- Les questions de rappel évaluent la quantité de contenus enseignés dont des élèves peuvent se souvenir, c’est-à-dire le degré de mémorisation.
- Le transfert :
- Il est en rapport avec la compréhension.
- Il consiste en la capacité à appliquer ce qui a été appris pour résoudre de nouveaux problèmes.
- Les questions de transfert sont utilisées lorsque l’objectif est d’évaluer le degré de compréhension de la matière présentée.
Ces deux types d’éléments de test peuvent être utilisés pour évaluer ce que les élèves ont appris, sur la base de la distinction classique entre rappel et transfert. Le rappel et le transfert sont des types d’évaluation qualitativement différents.
La conception de moyens permettant d’évaluer dans quelle mesure une personne comprend le matériel présenté est une tâche importante dans le domaine de l’apprentissage génératif. Nous devons à la fois évaluer par rappel et par transfert.
Apprentissage | Rappel | Transfert | Résultat |
Absent | Non | Non | Pas de connaissances |
Par cœur | Oui | Non | Connaissances fragmentaires |
Génératif | Oui | Oui | Connaissances intégrées |
Il n’y a pas eu d’apprentissage si une personne obtient de mauvais résultats à la fois dans le rappel et le transfert.
L’apprentissage par cœur est mis en évidence lorsqu’un élève obtient de bons résultats en matière de rappel, mais de mauvais résultats en matière de transfert. L’élève peut se souvenir de la matière, mais ne peut pas l’utiliser pour résoudre de nouveaux problèmes. Les questions de transfert distinguent les résultats d’apprentissage par cœur des résultats d’apprentissage génératif.
L’apprentissage génératif est présent lorsqu’un élève obtient de bons résultats en matière de rétention et de transfert. L’élève peut à la fois se souvenir et utiliser ce qu’il a appris pour résoudre de nouveaux problèmes.
Nous pouvons déduire que les élèves ont effectué un apprentissage génératif lorsqu’ils obtiennent de bons résultats aux questions de rappel et de transfert.
Un enseignement explicite au service d’un apprentissage génératif
Il existe deux façons d’améliorer l’apprentissage :
- Modifier les méthodes pédagogiques
- L’enjeu est de modifier les pratiques d’enseignement de manière à favoriser le traitement cognitif approprié pendant l’apprentissage, c’est-à-dire d’amorcer et d’approfondir les processus cognitifs de sélection, d’organisation et d’intégration.
- Améliorer les stratégies d’apprentissage
- Enseigner aux élèves comment et quand s’engager dans un traitement cognitif approprié pendant l’apprentissage qui :
- Favorise la sélection :
- Nous aidons les élèves à se concentrer sur le contenu pertinent.
- Nous leur apprenons à distinguer les informations importantes de celles qui ne le sont pas (par exemple, en résumant).
- Favorise l’organisation :
- Nous aidons les élèves à organiser mentalement le contenu pertinent en une structure cognitive cohérente par exemple, en faisant un schéma, un tableau, une hiérarchie, un organigramme ou une carte conceptuelle.
- Favorise l’intégration :
- Nous aidons les élèves à activer les connaissances antérieures pertinentes et à les relier aux informations reçues.
- Les élèves peuvent s’engager dans la stratégie d’apprentissage de l’auto-explication, dans laquelle ils utilisent leurs connaissances antérieures pour développer, expliquer et situer les nouvelles connaissances.
Lorsque les élèves apprennent avec des stratégies d’apprentissage génératif ou des méthodes d’enseignement génératif, ils vont obtenir de meilleurs résultats aux tests de transfert que les élèves qui apprennent avec un enseignement standard.
Mis à jour le 05/09/2024
Bibliographie
Logan Fiorella and Richard E. Mayer, Learning as a generative activity, 2015, Cambridge University Press
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