lundi 22 juin 2020

Dix principes pour la conception et l'élaboration de notes de cours

La conception et l’élaboration de notes de cours sont des étapes cruciales dans la préparation de l’enseignement. Celles-ci serviront de support pour le modelage, pour les activités d’apprentissage lors de la pratique en classe et pour l’apprentissage autonome à domicile dans la perspective d’une préparation à une évaluation.

(Photographie : Stephen Shore)



Prémisses et perspectives liées à la conception d'un cours


Dans un premier temps, le programme du cours est analysé par l’enseignant. Les objectifs pédagogiques destinés à l’enseignant sont déterminés. Ils sont rédigés en fonction du chemin à parcourir entre là où en sont les élèves et là où nous souhaitons les amener dans la perspective de l'enseignant. 

Ils sont alors traduits en objectifs d’apprentissage aisément compréhensibles pour les élèves et rédigés dans leur perspective. Ensuite, il s’agit pour l'enseignant d’assurer de la préparation du cours avant sa mise en œuvre avec un haut degré de fidélité en exprimant des attentes élevées.

Les notes de cours vont représenter l’opérationnalisation du programme pour l’enseignant. Elles sont à la fois la référence et une base de données de tâches qui seront sélectionnées pour répondre aux spécificités de la classe considérée. 

Le scénario idéal est qu’elles soient construites et partagées par plusieurs enseignants, qu'elles représentent le résultat d’une collaboration. Il s’agit d’un outil puissant pour la structuration des cours, pour le travail collaboratif, pour le développement de la réflexion et la planification des matières.

Si elles comportent essentiellement une partie mise à la disposition des élèves et partagée avec eux, elles comprennent également une section pour l’enseignant. Celle-ci concerne les correctifs, des notes didactiques d’accompagnement, des exercices supplémentaires, de même que des dispositifs d’évaluation et de remédiation.

Une série de critères sont présentés ci-dessous. Ils sont traduits et adaptés au départ d’un article de Ruth Walker Ashbee, comme toujours remarquable et inspirante. Elle y insiste sur le fait qu’il ne faut pas chercher à utiliser ceux-ci comme une recette définitive, un ensemble d’étapes ou une liste de vérification à respecter à tout prix.

Il s’agit d’analyser et de considérer avec un recul propice les processus de réflexion qui interviennent dans la création de notes de cours.



1. Éviter l’absolutisme dans la conception d'un cours


Le premier principe est qu’il n’y a pas une façon optimale de présenter les notes de cours, mais sans doute plusieurs. L’intransigeance n’est donc pas de mise. L’élément déterminant est ce qui en sera fait en classe.

Il n’y a pas non plus un seul style d’enseignement ou une seule approche pédagogique qui fournisse les meilleurs résultats pour tous les élèves dans toutes les conditions. Il y a simplement des principes fondamentaux à respecter qui tiennent compte des limitations propres à l’apprentissage scolaire.



2. Comprendre les limites et les atouts des notes de cours


Aussi complètes et parfaitement agencées qu’elles peuvent l’être, des notes de cours ne font pas un enseignement et n’assurent pas l’apprentissage des élèves. Tout au plus en assurent-elles la fondation. Elles ne peuvent pas remplacer l’expertise des enseignants. Cette expertise est nécessaire, à la fois dans la matière et dans la façon de l’enseigner, dans sa planification, dans son attention à l’apprentissage des élèves. Les notes de cours n’assurent pas non plus l’engagement des élèves, de hautes attentes et une gestion de classe impeccable.

Par contre, elles peuvent fournir un étayage précieux pour l’enseignant :
  • Une garantie minimale très efficace de contenu, d’explication, d’enchaînement et de pratique.
  • Un moyen d’introduire un support écrit de référence dans chaque cours.
  • Une manière de fournir un enchaînement d’exercices sélectionnés qui vont bien correspondre aux caractéristiques de la classe et de ses différents élèves.

Il s’agit également d’un formidable outil de développement professionnel continu. Les éléments théoriques tendent à s’affiner et à gagner en précision au fil des révisions. Il y a un réel enrichissement progressif en matière d’exemples, de contre-exemples, de problèmes résolus et de banques d’exercices et de problèmes diversifiés. D’une certaine manière, les notes de cours sont une mémoire externe pour l’enseignant, qu’il améliore au fur et à mesure et où il va puiser lors de ses cours.



3. Échanger, collaborer et observer ce que font des collègues


Il est intéressant de comparer les notes de cours que nous avons développées, seul ou avec des collègues, avec d’autres supports développés par d’autres enseignants dans d’autres écoles. De même, il est utile de consulter d’autres manuels qui recouvrent les mêmes programmes.

Cela permet de se remettre en perspective et il est toujours éclairant et enrichissant de voir comment les mêmes finalités peuvent être abordées sous des angles parfois très différents.

S’il est possible d’utiliser une partie ou la totalité d’une partie de cours créée par quelqu’un d’autre, un simple emprunt tel quel risque souvent de poser problème. Si nous faisons une analogie avec le principe de l’emprunt et de la réorganisation dans la cadre de la théorie de la charge cognitive, il faut une réorganisation.

Il faut s’approprier le support. Il s’agit de vérifier sa compatibilité avec les modèles développés à d’autres endroits dans nos notes de cours. Il faut vérifier la cohérence au niveau de l’usage des termes de vocabulaire et la continuité avec nos propres notes de cours en matière de progression. Nous nous trouvons complètement dans de la conception pédagogique qu’il faut valider.

C’est la qualité de la conception pédagogique qui fait que des notes de cours sont susceptibles de bien marcher en classe. C’est ce processus de réflexion qui nous est propre, mais qui repose sur un modèle de l’enseignement et un modèle de l’apprentissage. La conséquence est que certaines approches nous sembleront incompatibles avec les nôtres, nous paraitrons hermétiques.

Comprendre pourquoi certaines approches ne nous conviennent pas est un excellent moyen de clarifier ce que nous voulons.

Certaines approches peuvent sembler de bonnes idées, ludiques ou attrayantes, par exemple un escape game ou le principe d’un projet ou d’une classe inversée ou renversée. Le problème est souvent que le côté attractif se développe surtout dans la dimension distractive et risque d’entrainer des déficits au niveau des apprentissages construits chez les élèves.



4. Démarrer la conception pédagogique par une vue d’ensemble


Chaque fascicule de notes de cours doit être inscrit dans un plan plus large décrivant les étapes clés de la progression de l’année scolaire. Il doit prendre en compte les connaissances préalables des années précédentes sur lesquelles il repose et celles des apprentissages à venir ce qui nécessite de déterminer les connaissances essentielles.

Il s’agit d’une étape à ne pas négliger en matière d’impact à long terme des démarches d’enseignement. Il ne s’agit pas seulement de donner cours efficacement à l’échelle de sa planification annuelle, mais de se placer dans un processus plus large et global. Certains savoirs et savoir-faire nouveaux vont devenir des connaissances préalables fondamentales dans la suite du parcours de nos élèves. Il s’agit d’en être bien conscients et de leur donner toute la place qu’elles méritent.



5 : Concevoir à rebours en analysant la progression escomptée


Le principe est de considérer quels types de problèmes, de tâches complexes et quels types de questions de connaissance les élèves seront capables de résoudre. Quelles sont les parties qui posent généralement et typiquement des difficultés d’apprentissage ? Que voulons-nous que nos élèves puissent faire de neuf après avoir étudié l’unité couverte par les notes de cours ?

En considérant sous cet angle la progression, nous devenons plus susceptibles de planifier efficacement et mettre en œuvre une progression précise à travers les notes de cours. Il s’agit également de bien répartir les ressources et de les centrer sur les goulots d’étranglement identifiés, ces endroits précis où les élèves rencontrent généralement des difficultés manifestes.



6. Définir le noyau de connaissances essentielles d'une matière


Fournir trop peu de connaissances amène les élèves à des compétences étroites et peu flexibles, difficilement transférables en dehors de leur contexte.

Être exhaustif met en danger les apprentissages durables, car ceux-ci prennent du temps à être acquis à travers une pratique distribuée et répétée.

Il s’agit de trouver le bon équilibre entre qualité et quantité. Celui-ci se fonde sur l’expertise de l’enseignant. Cette réflexion permet de déterminer les contenus à inclure principalement dans les notes de cours et ceux à exclure ou à minimiser. Elle permet de déterminer quelles explications, quels exemples concrets seront utiles pour chaque sujet, quels problèmes résolus, quels documents de référence à inclure ? Quel est l’équilibre entre théorie et pratique ? Pour cela, il s’agit de se renseigner auprès des sources pertinentes et de livres de référence.



7. Établir le séquencement des contenus d’une matière


Lors de la rédaction d’un fascicule de notes de cours sur un ensemble de matière, il est conseillé d’expliciter, de noter et de préciser par écrit tous nos points principaux. Nous les ordonnons pour former ensuite une séquence logique, un fil conducteur. Ils forment une table des matières et sont en lien direct avec la progressivité des objectifs d’apprentissage.

L’enjeu est de créer une séquence, un ordonnancement dans le cours qui sera à la fois logique et significatif. Il facilitera l’apprentissage en prenant en compte la charge cognitive liée aux nouveaux contenus.

Cette approche n’est pas obligatoirement rigide. La plupart du temps, il y a probablement plus d’une bonne manière de procéder et plus d’un séquencement possible. Si une séquence a été soigneusement réfléchie, discutée et argumentée par ses promoteurs, elle a de bonnes chances de réussir.

Divers principes, tous valables, mais jamais absolus, peuvent s’appliquer à la logique du séquencement :
  • Progresser du simple vers le complexe
  • Passer du facile au difficile
  • Segmenter et assembler du composant vers le composite
  • Partir du familier vers le nouveau
  • Suivre un cheminement chronologique qui apporte du sens
En séquençant le contenu, nous introduisons une séquence narrative pour lui donner un sens, nous agrégeons les connaissances au fur et à mesure afin de donner une vue d’ensemble. Nous posons également des choix personnels en lien avec nos aptitudes à l’enseigner dans un second temps.

Notre expérience, notre expertise, nos intuitions et notre sens de la narration et du défi sont des guides importants dans cette phase.



8. Soigner la qualité des explications


Quels sont les éléments qui rendront difficile la compréhension du contenu de vos notes de cours par les élèves ?

Le savoir est-il très abstrait ? Y a-t-il assez d’exemples, de contre-exemples ?

Beaucoup de vocabulaire ou de structures de phrases difficiles ?

Y a-t-il beaucoup de conclusions à tirer ?

Y a-t-il un grand nombre de composants qui interagissent pour produire un résultat complexe ?

Nos explications doivent rendre le contenu dur aussi facile que possible, entre autres, par :
  • Le principe du modelage
  • La hiérarchisation et la structuration
  • Le double codage
  • La segmentation construite dans un ordre logique
  • L’utilisation d’analogies, d’exemples concrets et de contre-exemples
  • L’évitement de la redondance ou du partage de l’attention
  • Le bon usage des effets de modalité et de variation
  • La prise en compte de la charge cognitive.



9. Concevoir la pratique des élèves


Quelles sont les questions et les activités que nous pouvons poser aux élèves afin de les obliger à s’investir dans un traitement génératif pertinent et répété ?

Comment nous assurons-nous qu’ils réfléchissent aux connaissances que nous voulons qu’ils apprennent à mettre en pratique ?

Comment leur permettons-nous d’automatiser certaines procédures de manière durable en distribuant la pratique dans le temps ?

Est-ce que nos notes de cours favorisent la pratique de récupération et l’entremêlement ?

Intégrons-nous assez de questions de compréhension ? Est-ce que les problèmes proposés sont assez nombreux et diversifiés, de niveau adéquat pour favoriser un transfert proche ? 

Ont-ils suffisamment l’occasion de s’entrainer à des questions complexes du style de celles qu’ils affronteront lors des examens ?

Quelle est la meilleure série de questions pour adapter sa planification en fonction de chaque classe ?

Comment l’enchaînement de cette pratique peut-il renforcer l’auto-efficacité, la perception compétence et l’autonomie des élèves ? Sont-ils suffisamment mis au défi ?



10. Anticiper le processus de révision


Comment sont revus les contenus des notes de cours ? À quelle échéance et par qui ?

Qu’est-ce qui fonctionne le mieux ? Qu’est-ce qui ne fonctionne pas ? Pourquoi ? Comment s’assurer que les faiblesses constatées lors d’un cours seront réellement prises en compte et corrigées dans le sens d’une amélioration avant une future réutilisation ?




Mise à jour le 13/09/2022

Bibliographie 


Ruth Walker Ashbee, Booklets: 10 Principles of Production, 2020, https://rosalindwalker.wordpress.com/2020/05/22/booklets-10-principles-of-production/

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