Leur introduction dans la pratique des enseignants en classe, notamment dans la planification des contenus constitue un réel enjeu en matière d’efficacité de l’apprentissage.
(Photographie : Vasantha Yogananthan)
L’éducation a pour visée l’enseignement de connaissances et de compétences que les élèves utiliseront tout au long de leur vie. En ce sens, il est crucial que les enseignants utilisent des méthodes qui privilégient l’intégration et la rétention à long terme de savoirs et savoir-faire.
Il est tout aussi important de se concentrer sur la façon dont nous enseignons à un moment donné, que sur la manière dont ces enseignements sont distribués et récupérés à travers le temps et se consolident.
Lorsque la consolidation est négligée dans un enseignement explicite
Chaque chapitre comprend un ensemble cohérent et interconnecté de concepts. Durant l’enseignement d’une année dans le secondaire, l’ordre de bon nombre de chapitres dans un cours peut être aléatoire, seul un certain nombre d’entre eux sont dépendants chronologiquement parce qu’ils introduisent des prérequis.
Pour bon nombre d’élèves et d’enseignants, le fait de répéter et de revenir sur certaines matières déjà vues précédemment est considéré comme ennuyeux, inutile. Cela peut être assimilé à un gaspillage de temps.
Arguant d’un manque de temps, il est facile pour les enseignants de s’économiser ces moments de rappel, de révision. En effet, si nous considérons l’instant présent uniquement, il semble plus pertinent de consacrer celui-ci à l’approfondissement des apprentissages en cours, à la performance face à ceux-ci.
Pour autant, est-ce que cela se traduit par un gain d’apprentissage à long terme pour les élèves ? Nous pouvons en douter. Il s’agit plutôt d’une erreur fondamentale qui laisse de côté un furieux paramètre : l’oubli.
Un enseignant peut très bien adopter un enseignement explicite dans cette logique, et laisser de côté la dimension de la consolidation. Il rencontrera certes une efficacité à court terme, mais à moyen et à long terme, sa valeur ajoutée s’évanouira comme neige au soleil.
Le nez dans le guidon, préoccupés à terminer leurs programmes, trop peu d’enseignants s’emploient à favoriser la rétention à long terme. Quand une unité est terminée, c’est fini, et ils passent à la suivante.
Cependant, si les élèves ne retiennent pas ce qu’ils ont appris, tout leur dur labeur, leurs efforts n’ont servi à rien ou à pas grand-chose. Quand les élèves s’en rendent compte, ils en viennent à croire que l’école, où les connaissances elles-mêmes ne servent à rien.
Pourtant, il n’y a rien d’inéluctable. Tout dépend de l’enseignant et de la façon dont celui-ci module et espace les activités d’apprentissage. La prise en compte de la consolidation est essentielle dans le cadre d’un enseignement explicite.
Si l’enseignant morcelle la matière et planifie au jour le jour, cela peut bien fonctionner, mais le résultat en est une série de fragments isolés et facilement déconnectés. Cela ne favorise pas la mémoire à long terme, car les élèves ont besoin de relier les éléments neufs à leurs connaissances antérieures et cela de façon répétée et espacée sur une longue durée. S’il n’y a pas répétition, ni intégration à une plus grande échelle, les liens se perdent et une compréhension large et profonde ne s’installe pas.
Il est nécessaire au contraire d’avoir une planification et une intégration à l’échelle de l’année. Il est nécessaire de préciser ce que nous voulons que les élèves apprennent durablement au sein de chaque unité et mettre en place les conditions qui permettent sa mise en pratique.
Conscient de ces exigences propres à la matière, l’enseignant peut prévoir des stratégies permettant de réactiver dans la mémoire de l’élève ce que ce dernier a appris antérieurement. L’enseignant pourra alors constater la justesse et l’accessibilité de la connaissance acquise par l’élève.
Si la répétition s’apparente à une simple relecture et ne mobilise pas de réflexion de la part de l’élève, alors elle est relativement inutile. Demander à un élève de relire simplement un texte sans penser au contenu ne génère aucun apprentissage. De même si les répétitions espacées se résument à des gimmicks ou des rengaines, elles peuvent également se faire au détriment des nuances et de la complexité et avoir un effet négatif sur la mémorisation des détails.
Distribuer l’apprentissage c’est se donner la possibilité de mettre en place des opportunités d’apprentissage espacées pour des points de matière donnés, en confrontant l’élève plusieurs fois à la même matière. Les élèves ont besoin de temps pour traiter de nouvelles informations. Ils ont besoin d’occasions multiples de s’attaquer, à de nouveaux contenus, de différentes façons. C’est aussi considérer en tant qu’enseignant que l’oubli est un processus naturel et sain et qu’il est le partenaire essentiel de l’apprentissage.
Il devient dès lors pertinent en tant qu’enseignant d’intégrer des moments de répétition, de récupération dans la planification d’une unité de matière. Il ne s’agit pas d’intégrer une seule séquence répétitive longue à mi-parcours, mais intégrer régulièrement des moments de récupération des différents éléments vus.
Les manuels ou même les programmes d’études intègrent rarement des possibilités de récupération périodique des connaissances acquises antérieurement. Nous pouvons en adapter la mise en œuvre des programmes pour permettre l’espacement.
Intégrer des moments de répétition dans les cours n’a pas besoin d’être complexe ou contraignant. Cela peut se faire par des questionnements au hasard en introduction de cours ou par des devoirs corrigés en classe.
Évaluer fréquemment d’une façon formative est essentiel. En effet, une faible fréquence d’évaluation favorise une étude massive avant le test certificatif. À l’opposé, des tests formatifs réguliers conduisent à une étude distribuée au fil du temps. Souvent, les élèves ne s’engagent pas dans une étude distribuée, à moins que la situation ne les oblige à le faire, car ils n’en comprennent pas les avantages.
Adopter une approche cumulative au fil du temps peut être positif, car cela amène l’élève à s’inscrire naturellement dans une étude distribuée. Il peut prendre conscience des bénéfices de celle-ci.
Une autre forme d’évaluation formative utile est de demander de temps aux élèves de ranger leurs livres et d’écrire sur une feuille blanche tout ce dont ils se souviennent des apprentissages en cours. C’est un exercice qui doit être fait avec soin et réflexion. Ensuite, les élèves doivent vérifier l’exactitude et la complétude de leurs souvenirs, afin de savoir sur quoi concentrer les répétitions futures.
L’effet d’espacement est un dénominateur commun qui vient s'intégrer dans de multiples pratiques pédagogiques dont la recherche a prouvé l’efficacité comme les quiz, les devoirs, la pratique de récupération, les révisions, l'évaluation formative ou la pratique autonome distribuée. L’enseignement explicite le mobilise de multiples manières dans sa phase de consolidation (modèle P.I.C.).
L’effet d’espacement est inscrit dans l’ADN des approches d’enseignement instructionnistes car elles visent l'établissement d'apprentissages durables. Les enseignants qui s’engagent dans l’enseignement explicite favorisent naturellement la rétention des connaissances en travaillant avec leurs élèves sur l’automatisation, le maintien en mémoire à long terme, la récupération, l'élaboration et le transfert.
La pratique distribuée permet d’améliorer le transfert et la généralisation des stratégies de résolution de problèmes en mathématiques ainsi que l’utilisation des règles de grammaire dans un cours de langues. Plus largement, non seulement elle rend les apprentissages plus durables, mais également plus profonds, flexibles et intégrés.
L’enseignement explicite se traduit par un état d’esprit visant l’efficacité de l’enseignement et basé sur les données probantes. À ce titre, il pousse à une diversification des approches pour remplir ses objectifs et est à même de fournir un cadre pour optimiser l’effet d’espacement.
Dunlosky, J., et al. “Improving Students’ Learning With Effective Learning Techniques: Promising Directions From Cognitive and Educational Psychology. Psychological Science in the Public Interest 14 [1] 4–58 [2013]
Carpenter, S. K. [2014]. Spacing and interleaving of study and practice. In V. A. Benassi, C. E. Overson & C. M. Hakala [Eds.], Applying the science of learning in education: Infusing psychological science into the curriculum [pp. 131–141]. American Psychological Association.
Harry Fletcher-Wood, Cognitive science and formative assessment in practice, Routledge, 2018
Pedro De Bruyckere, The ingredients for great teaching, Sage, 2018
John Hattie, Visible Learning, Routledge, 2008
David Didau, ’What if everything you knew about education was wrong?, 2016, Crown House
Gauthier, C., Bissonnette, S., & Richard, M. [2013]. Enseignement explicite et réussite des élèves. La gestion des apprentissages. Bruxelles : De Boeck.
Hughes, C. A., & Lee, J.-Y. [2019]. Effective Approaches for Scheduling and Formatting Practice: Distributed, Cumulative, and Interleaved Practice. TEACHING Exceptional Children, 51 [6], 411–423. https://doi.org/10.1177/0040059919847194
Pour bon nombre d’élèves et d’enseignants, le fait de répéter et de revenir sur certaines matières déjà vues précédemment est considéré comme ennuyeux, inutile. Cela peut être assimilé à un gaspillage de temps.
Arguant d’un manque de temps, il est facile pour les enseignants de s’économiser ces moments de rappel, de révision. En effet, si nous considérons l’instant présent uniquement, il semble plus pertinent de consacrer celui-ci à l’approfondissement des apprentissages en cours, à la performance face à ceux-ci.
Pour autant, est-ce que cela se traduit par un gain d’apprentissage à long terme pour les élèves ? Nous pouvons en douter. Il s’agit plutôt d’une erreur fondamentale qui laisse de côté un furieux paramètre : l’oubli.
Un enseignant peut très bien adopter un enseignement explicite dans cette logique, et laisser de côté la dimension de la consolidation. Il rencontrera certes une efficacité à court terme, mais à moyen et à long terme, sa valeur ajoutée s’évanouira comme neige au soleil.
Le nez dans le guidon, préoccupés à terminer leurs programmes, trop peu d’enseignants s’emploient à favoriser la rétention à long terme. Quand une unité est terminée, c’est fini, et ils passent à la suivante.
Cependant, si les élèves ne retiennent pas ce qu’ils ont appris, tout leur dur labeur, leurs efforts n’ont servi à rien ou à pas grand-chose. Quand les élèves s’en rendent compte, ils en viennent à croire que l’école, où les connaissances elles-mêmes ne servent à rien.
Pourtant, il n’y a rien d’inéluctable. Tout dépend de l’enseignant et de la façon dont celui-ci module et espace les activités d’apprentissage. La prise en compte de la consolidation est essentielle dans le cadre d’un enseignement explicite.
Planifier à l’échelle de l’année scolaire
Il est nécessaire au contraire d’avoir une planification et une intégration à l’échelle de l’année. Il est nécessaire de préciser ce que nous voulons que les élèves apprennent durablement au sein de chaque unité et mettre en place les conditions qui permettent sa mise en pratique.
Conscient de ces exigences propres à la matière, l’enseignant peut prévoir des stratégies permettant de réactiver dans la mémoire de l’élève ce que ce dernier a appris antérieurement. L’enseignant pourra alors constater la justesse et l’accessibilité de la connaissance acquise par l’élève.
Si la répétition s’apparente à une simple relecture et ne mobilise pas de réflexion de la part de l’élève, alors elle est relativement inutile. Demander à un élève de relire simplement un texte sans penser au contenu ne génère aucun apprentissage. De même si les répétitions espacées se résument à des gimmicks ou des rengaines, elles peuvent également se faire au détriment des nuances et de la complexité et avoir un effet négatif sur la mémorisation des détails.
Distribuer l’apprentissage c’est se donner la possibilité de mettre en place des opportunités d’apprentissage espacées pour des points de matière donnés, en confrontant l’élève plusieurs fois à la même matière. Les élèves ont besoin de temps pour traiter de nouvelles informations. Ils ont besoin d’occasions multiples de s’attaquer, à de nouveaux contenus, de différentes façons. C’est aussi considérer en tant qu’enseignant que l’oubli est un processus naturel et sain et qu’il est le partenaire essentiel de l’apprentissage.
Intégrer des temps réguliers de réactivation et de récupération
Les manuels ou même les programmes d’études intègrent rarement des possibilités de récupération périodique des connaissances acquises antérieurement. Nous pouvons en adapter la mise en œuvre des programmes pour permettre l’espacement.
Intégrer des moments de répétition dans les cours n’a pas besoin d’être complexe ou contraignant. Cela peut se faire par des questionnements au hasard en introduction de cours ou par des devoirs corrigés en classe.
Évaluer fréquemment d’une façon formative est essentiel. En effet, une faible fréquence d’évaluation favorise une étude massive avant le test certificatif. À l’opposé, des tests formatifs réguliers conduisent à une étude distribuée au fil du temps. Souvent, les élèves ne s’engagent pas dans une étude distribuée, à moins que la situation ne les oblige à le faire, car ils n’en comprennent pas les avantages.
Adopter une approche cumulative au fil du temps peut être positif, car cela amène l’élève à s’inscrire naturellement dans une étude distribuée. Il peut prendre conscience des bénéfices de celle-ci.
Une autre forme d’évaluation formative utile est de demander de temps aux élèves de ranger leurs livres et d’écrire sur une feuille blanche tout ce dont ils se souviennent des apprentissages en cours. C’est un exercice qui doit être fait avec soin et réflexion. Ensuite, les élèves doivent vérifier l’exactitude et la complétude de leurs souvenirs, afin de savoir sur quoi concentrer les répétitions futures.
Pratique distribuée et approche instructionniste
L’effet d’espacement est inscrit dans l’ADN des approches d’enseignement instructionnistes car elles visent l'établissement d'apprentissages durables. Les enseignants qui s’engagent dans l’enseignement explicite favorisent naturellement la rétention des connaissances en travaillant avec leurs élèves sur l’automatisation, le maintien en mémoire à long terme, la récupération, l'élaboration et le transfert.
La pratique distribuée permet d’améliorer le transfert et la généralisation des stratégies de résolution de problèmes en mathématiques ainsi que l’utilisation des règles de grammaire dans un cours de langues. Plus largement, non seulement elle rend les apprentissages plus durables, mais également plus profonds, flexibles et intégrés.
L’enseignement explicite se traduit par un état d’esprit visant l’efficacité de l’enseignement et basé sur les données probantes. À ce titre, il pousse à une diversification des approches pour remplir ses objectifs et est à même de fournir un cadre pour optimiser l’effet d’espacement.
Mis à jour le 06/07/2022
Bibliographie
Carpenter, S. K. [2014]. Spacing and interleaving of study and practice. In V. A. Benassi, C. E. Overson & C. M. Hakala [Eds.], Applying the science of learning in education: Infusing psychological science into the curriculum [pp. 131–141]. American Psychological Association.
Harry Fletcher-Wood, Cognitive science and formative assessment in practice, Routledge, 2018
Pedro De Bruyckere, The ingredients for great teaching, Sage, 2018
John Hattie, Visible Learning, Routledge, 2008
David Didau, ’What if everything you knew about education was wrong?, 2016, Crown House
Gauthier, C., Bissonnette, S., & Richard, M. [2013]. Enseignement explicite et réussite des élèves. La gestion des apprentissages. Bruxelles : De Boeck.
Hughes, C. A., & Lee, J.-Y. [2019]. Effective Approaches for Scheduling and Formatting Practice: Distributed, Cumulative, and Interleaved Practice. TEACHING Exceptional Children, 51 [6], 411–423. https://doi.org/10.1177/0040059919847194
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