(Photographie : Drew Amyot)
Déterminer l’efficacité en évaluant des connaissances, est-ce bien raisonnable
Si nous nous concentrons sur un cours particulier, nous sommes amenés à évaluer les connaissances
des élèves dans des domaines et champs relativement limités et spécifiques.
La vision de l’école est alors centrée sur la construction de connaissances disciplinaires (instruction) qui ne concerneront la vie professionnelle que d’un petit nombre de futurs adultes parmi les élèves.
La vision de l’école est alors centrée sur la construction de connaissances disciplinaires (instruction) qui ne concerneront la vie professionnelle que d’un petit nombre de futurs adultes parmi les élèves.
Le présupposé est
qu’elles permettront à l’élève de réussir scolairement dans un premier temps. Cette réussite scolaire aboutira dans un second temps à une réussite
sociale.
Les autres
missions de l’école comme la socialisation, l’émancipation, la citoyenneté, l’autonomie,
la créativité, l’esprit critique, la curiosité, l’ouverture au monde sont peu
prises en compte dans les travaux de recherche sur l’efficacité. Cette état de fait amène
certains à remettre en cause le fait de placer les connaissances au centre de
l’apprentissage.
Mais pourrait-il en être
autrement ? Il suffit de considérer les différences entre novices et
experts, entre connaissances inflexibles et flexibles (comme le montre Daniel T.
Willingham).
Il y a aussi la nécessité que la pensée critique soit articulée à un réseau
de connaissances spécifiques au domaine concerné, pour relativiser ce principe.
Les connaissances sont les
assises sur lesquelles s’élaborent les autres missions de l’école et les compétences supposées plus générales de l’élève.
Le paradigme processus-produit est discutable
Comme le rapporte Céline Guilmois (2019) dans sa thèse, différents auteurs critiquent le lien, qu’établissent les recherches sur l’enseignement efficace, entre les pratiques des enseignants (processus) et les résultats des élèves (les produits).
Si de grandes études processus-produit ont eu lieu par le passé, actuellement les grandes études réalisées par l’OCDE en sont les héritières à un facteur d’échelle bien plus important. Les résultats actuels de ce type sont la plupart du temps obtenus à partir d’évaluations internationales standardisées comme PIRLS, TIMSS ou PISA et ne tiennent pas compte de multiples paramètres propres et locaux reliés au fonctionnement d’une classe.
Si de grandes études processus-produit ont eu lieu par le passé, actuellement les grandes études réalisées par l’OCDE en sont les héritières à un facteur d’échelle bien plus important. Les résultats actuels de ce type sont la plupart du temps obtenus à partir d’évaluations internationales standardisées comme PIRLS, TIMSS ou PISA et ne tiennent pas compte de multiples paramètres propres et locaux reliés au fonctionnement d’une classe.
La force des enquêtes internationale vient de leur standardisation et de la taille de leurs échantillons qui permettent par traitement statistique de s’extraire du contexte et marquer des corrélations entre certains phénomènes observés.
De plus, de multiples recherches montrent que les professeurs identifiés très efficaces ont un effet déterminant sur la réussite scolaire des élèves en difficulté (Bissonnette & Boyer, 2019).
L’efficacité d’un enseignant dépend de ses caractéristiques individuelles, de sa personnalité, de son charisme et dès lors ne peut être évaluée
Les premiers
travaux menés aux États-Unis sur l’efficacité des pratiques enseignantes
postulaient que la profession d’enseignant supposait un certain type de
personnalité. Autrement dit, les chercheurs pensaient à l’époque pouvoir repérer le profil ou la
personnalité de l’enseignant ou du futur enseignant qui seraient les plus adaptés
aux apprentissages des élèves.
L’idée était de se baser sur des représentations a priori de ce qu’est, ou plutôt de ce que devrait être un bon enseignant : intelligent, amical, allègre, enthousiaste, ouvert, démocrate, patient, instruit, vertueux, sympathique, empathique…
L’idée était de se baser sur des représentations a priori de ce qu’est, ou plutôt de ce que devrait être un bon enseignant : intelligent, amical, allègre, enthousiaste, ouvert, démocrate, patient, instruit, vertueux, sympathique, empathique…
Cependant, aucune
corrélation significative n’est apparue entre les performances des élèves et
les caractéristiques personnelles des enseignants. Mêmes conclusions pour d’autres facteurs tels
que l’âge, la formation initiale, le sexe, l’origine sociale ou l’ancienneté de
service…
Les caractéristiques individuelles des enseignants n’ont en règle générale pas d’effet déterminant sur les acquisitions de connaissances par leurs élèves.
Les caractéristiques individuelles des enseignants n’ont en règle générale pas d’effet déterminant sur les acquisitions de connaissances par leurs élèves.
Par contre, des
comportements et pratiques spécifiques ont pu être mis en évidence chez les enseignants
efficaces.
Enseigner est une
profession, enseigner efficacement peut s’apprendre. La capacité d’enseigner de front à 25 ou 30 élèves n’a rien
d’inné, elle s’acquiert. Cela permet l’objectivation de pratiques efficaces
claires, efficaces et enseignables.
L’enseignement est pour une part importante une pratique sociale. Celle-ci peut se
transmettre dans le cadre d’un accompagnement et d’une formation initiale puis continuée. En cela, la formation des enseignants peut et doit avoir un impact sur l’efficacité
de l’organisation scolaire dans son ensemble.
Il y a un monde entre la réalité de la classe et son interprétation théorique qui ne peut être que biaisée et approximative
Dans le cadre des
recherches sur l’efficacité, nous supposons la variable de la pratique d’enseignement comme une variable indépendante, stable dans le temps et l’espace.
Cette approche
suppose que les enseignants font le choix d’une méthode d’enseignement
de façon rationnelle. Ils la mettraient fidèlement en œuvre, quels que soient
les conjectures, les situations, le milieu, l’environnement. Cette approche
suppose que les enseignants enseignent toujours de façon méthodique et réfléchie.
En réalité, différents facteurs vont infléchir la concrétisation de ces pratiques, amener
de l’aléatoire et de l’improvisation :
- Les élèves, les moyens disponibles, la tâche d’enseignement ou la classe elle-même.
- Les catégories socioprofessionnelles et socio-économiques des familles dont sont issus les élèves.
- Les spécificités de l’établissement scolaire et de l’équipe pédagogique.
- Le programme et le système scolaire, l’actualité.
Les pratiques
enseignantes sont dès lors instables, variables, erratiques ou parfois peu
rationnelles. Il existe une grande variabilité intra et interindividuelle.
Ces constatations imposent d’autant
plus la nécessité d’une mise en évidence de pratiques professionnelles efficaces clairement définies. Il doit s’agir de pratiques qui
s’adaptent elles-mêmes aux réalités sans perdre leur substance et leurs ingrédients essentiels. En ce sens, les caractéristiques de l’enseignement explicite y répondent bien.
De même, les pratiques
collaboratives entre enseignants apparaissent d’autant plus indispensables dans
la mesure où elles vont apporter équilibrage, stabilité et recul sur les
pratiques individuelles.
Ce qui compte ce n’est pas tant l’efficacité de l’enseignement dispensé par un enseignant, mais surtout, que les élèves soient actifs
Dans une
perspective d’approche par la découverte, l’élève traite l’information complexe proposée
par l’enseignant et construit ses apprentissages dans un contexte coopératif.
Dans cette optique, c’est moins ce que fait l’enseignant que
ce que fait l’élève dans le cadre d’activités authentiques qui serait déterminant pour l'apprentissage. Par conséquent, c’est l’activité de l’élève plus que celle de l’enseignant qu’il
parait opportun d’étudier.
L'enseignant conçoit l'activité et facilite l'engagement des élèves avec l'apprentissage construit par les élèves comme finalité. L’activité de l’enseignant serait importante dans sa dimension d’initiation de l’activité de l’élève qui est le réel élément crucial.
Dans cette
perspective, nous allons prendre en considération des facteurs comme l’engagement, l'intérêt, la motivation, la coopération, la mobilisation… Dans ce cadre, l’enseignant est vu, non pas comme un
gestionnaire des performances des élèves, mais bien comme un organisateur des
conditions d’apprentissage.
Nous pourrions dès lors
considérer qu’il n’y a pas dans l'absolu des pratiques enseignantes plus efficaces que d'autres dans l'absolu. Ce qui compte c'est l'engagement des élèves dans ls activités, qui est fortement dépendant des contextes. De plus, les pratiques
enseignantes ne consistent jamais dans l’application stricte d’une méthode et
d’un autre. Dans toutes les situations, l’élève reste l'acteur de son apprentissage. Nous pourrions en conclure que les
facteurs de sa mobilisation propres aux élèves qui devraient surtout attirer notre intérêt.
Une faille liée à cette
approche c’est que l’apprentissage de connaissances biologiques secondaires (tel que défini par Geary (2008) n’est pas naturel chez l’être
humain et demande d'être encadré par un enseignant.
La théorie de la charge cognitive insiste sur le fait de respecter les limites de la mémoire de travail et de progresser du simple vers le complexe.
De plus comme l'expliquer dit Daniel T. Willingham (2010), le cerveau est conçu pour
s’économiser et dès lors éviter de penser lorsque cela n’est pas nécessaire.
Viser l’activité de l’élève est trop limitatif, il convient d’étudier le cadre dans lequel le traitement cognitif génératif approprié est favorisé. Ce cadre dépend essentiellement des pratiques de l’enseignant.
À ce titre, l’enseignement explicite pose un cadre qui optimise et stimule l’apprentissage
des élèves. Il est hautement compatible avec les mécanismes qui entretiennent
l’auto-efficacité, la motivation l’attention ou la persévérance à la tâche.
L’enseignement explicite favorise très largement l’activité de l’élève et guide son apprentissage. Il met comme condition à l’acquisition de connaissance cette même activité de l’élève.
L’enseignement explicite favorise très largement l’activité de l’élève et guide son apprentissage. Il met comme condition à l’acquisition de connaissance cette même activité de l’élève.
Mis à jour le 28/03/2022
Bibliographie
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ligne le 26 mai 2014, consulté le 10 mai 2018. URL :
http://journals.openedition.org/questionsvives/1234 ; DOI :
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Demeuse, Marc. (2017). Les recherches sur l’enseignement efficace en bref.
10.13140/RG.2.2.14904.24327.
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http://www.inrp.fr/vst/DA/detailsDossier.php?dossier=65&lang=fr
Joël Clanet, « L’efficacité enseignante, quelle
modélisation pour servir cette ambition ? », Questions
Vives [en ligne], Vol.6 n° 18 | 2012, mis en ligne le 15 mai
2013, consulté le 10 mai 2018. URL :
http://journals.openedition.org/questionsvives/1121 ; DOI :
10.4000/questionsvives.1121
Zone proximale de développement. (2017, juin 23). Wikipédia, l’encyclopédie
libre. Page consultée le 20:45, juin 23, 2017 à partir de
http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Zone_proximale_de_d%C3%A9veloppement&oldid=138411302.
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ligne le 15 septembre 2013, consulté le 10 mai 2018. URL :
http://journals.openedition.org/questionsvives/1148
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Vives [en ligne], Vol.6 n° 18 | 2012, mis en ligne le 15 mai
2013, consulté le 10 mai 2018. URL :
http://journals.openedition.org/questionsvives/1121 ; DOI :
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Enseignement explicite et réussite des élèves. La gestion des
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Céline Guilmois, Efficacité de l’enseignement socioconstructiviste et de l’enseignement explicite en éducation prioritaire : Quelle alternative pour apprendre les mathématiques ? Thèse présentée en vue de l’obtention du doctorat en sciences de l’éducation (2019)
Boyer, C. et Bissonnette, S. (2019). Les enfants des milieux socio-économiques défavorisés sont-ils massivement condamnés à l’échec scolaire?. Formation et profession. 27 (2), 115-117. http://dx.doi.org/10.18162/fp.2019.a174
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Geary, D. C. (2008). An evolutionarily informed education science. Educational Psychologist, 43, 179–195.
Daniel T. Willingham, Pourquoi les enfants n’aiment pas l’école !, 2010, La Libraire des écoles, 2010
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