mercredi 23 août 2017

Caractéristiques du sentiment d'efficacité personnelle et de son impact sur la motivation et l'engagement scolaire

Le sentiment d'efficacité personnelle, aussi appelé auto-efficacité, est un concept trop peu diffusé dans le monde de l’éducation. En tant que concept théorique lié à la motivation, il est pourtant susceptible d’apporter un éclairage précieux aux enseignants. 

L’auto-efficacité conditionne en parti le comportement scolaire de chaque élève et influe sur ses résultats. Sa prise en considération est un facteur de changement et d’amélioration pour de nombreux élèves lorsque nous prenons en compte ses mécanismes.


(photographie : Jack Vanzet)



L’auto-efficacité ou sentiment d’efficacité personnelle d’un élève


Une définition


Le sentiment d’efficacité personnelle ou auto-efficacité est parfois aussi appelé sentiment d’auto-efficacité ou efficacité personnelle. Il correspond à la croyance qu’a un individu en sa capacité à s’organiser et à exécuter les actions qui sont requises de sa part pour atteindre des objectifs fixés et obtenir les résultats recherchés dans une tâche donnée. 

Plus grand est le sentiment d’efficacité personnelle d’une personne, plus élevés seront les objectifs qu’il s’impose et son engagement personnel dans leur poursuite.

La théorie de l’auto-efficacité a été élaborée par le psychologue canadien Albert Bandura (1925 - 2021) dans le cadre théorique plus large de la théorie sociale cognitive.


Caractéristiques de l’auto-efficacité


L’auto-efficacité est propre chaque fois à un individu et à un domaine, par exemple un cours, une matière ou une activité précise. Elle possède dès lors une nature multiple pour chaque individu. Les individus ont des niveaux d’auto-efficacité différente en fonction du domaine considéré. Par exemple, l’auto-efficacité d’un élève en mathématiques est différente de notre auto-efficacité dans la maîtrise de la langue anglaise. 

L’auto-efficacité influence les perceptions, la motivation et les performances d’un individu dans le domaine sur lequel elle porte.

L’auto-efficacité détermine, dans les situations les plus diverses :
  • L’importance de l’effort consenti pour effectuer une tâche donnée
  • Le temps qu’une personne donnée accepte de passer pour tâcher de résoudre une difficulté ponctuelle et la persévérance qu’elle manifeste en face d’obstacles.
  • Les réactions émotionnelles éprouvées lors de la réalisation de la tâche concernée.
L’auto-efficacité est une construction différente de l’estime de soi d’un individu. Une personne peut se sentir compétente pour une action qu’elle réprouve moralement. De même, un faible niveau d’auto-efficacité dans un domaine particulier (par exemple en mathématiques) peut s’accompagner d’une bonne estime de soi générale et inversement.



L’apprentissage comme processus social dans le cadre de l’agentivité


Comprendre la notion d’agentivité


Le concept d’agentivité désigne, selon le psychologue américain Albert Bandura, fait référence à la capacité humaine d’influencer son fonctionnement et le cours des événements par ses actions. Les individus à être des agents actifs de leur propre vie. L’agentivité les amène à exercer un contrôle et une régulation de leurs actes.

L’agentivité humaine s’exerce à travers quatre fonctions :
  • L’intentionnalité : 
    • Les individus forment des intentions qui comprennent des plans d’action et des stratégies pour les réaliser.
  • L’extension temporelle de l’action par la prévoyance :
    • Les individus se fixent des objectifs et prévoient les résultats probables d’actions futures afin de guider et de motiver leurs efforts par anticipation.
  • L’autoréactivité. 
    • Les individus ne sont pas seulement des planificateurs et des penseurs. Ils sont aussi des autorégulateurs. 
  • L’autoréflexion : 
    • Les gens ne font pas seulement preuve d’agentivité, ils sont aussi des auto-examinateurs de leur propre fonctionnement. 
    • Grâce à la conscience fonctionnelle de soi, ils réfléchissent à leur efficacité personnelle, au bien-fondé de leurs pensées et de leurs actions, au sens de leurs activités, et procèdent à des ajustements correctifs si nécessaire.
Les individus exercent leur influence par le biais de trois formes d’action : 
  • L’action individuelle :
    • Les gens exercent leur influence sur ce qu’ils peuvent contrôler.
  • L’action par procuration :
    • Les gens influencent d’autres personnes qui ont les ressources, les connaissances et les moyens d’agir en leur nom pour obtenir les résultats qu’ils souhaitent.
  • L’action collective :
    • Les gens mettent en commun leurs connaissances, leurs compétences et leurs ressources et agissent de concert pour façonner leur avenir.


L’auto-efficacité comme dimension de l’agentivité


Selon Geary (2008), les individus apportent des contributions causales à leur propre fonctionnement par le biais de mécanismes d’action personnelle. Parmi les mécanismes de l’agentivité d’un individu, aucun n’est plus central ou aussi omniprésent que ses croyances quant à ses capacités à exercer un contrôle. La conscience en cette capacité de contrôle agit en retour sur son propre niveau de fonctionnement et sur les événements qui affectent leur vie.

L’auto-efficacité est un aspect de cette agentivité personnelle :
  • Au cœur de l’auto-efficacité se trouve une évaluation référencée à soi-même de la probabilité de succès dans divers domaines.
  • Elle se traduit en une évaluation explicite de l’efficacité. 
  • L’auto-efficacité amène à poser des attributions concernant les éléments associés (p. ex. les causes d’un échec ou d’un succès). 
  • Cette évaluation influence en retour la poursuite d’objectifs de réussite et la persistance face à l’échec dans le domaine considéré. 


Le processus social de l’apprentissage


Dans la cadre de l’agentivité, l’apprentissage est un processus social :
  • De nombreux enfants imiteront leurs parents et leurs enseignants lorsqu’ils participent à des activités scolaires (par exemple lors de la lecture)
  • Beaucoup d’enfants en viendront à se concentrer sur ces activités scolaires parce qu’elles donnent accès à long terme à des avantages et à des ressources culturellement précieuses. Ils développent des visées positives d’épanouissement à long terme, avec la perspective à long terme d’un emploi, d’un revenu et la constitution d’une position d’adulte.
  • Beaucoup d’enfants en viendront à apprécier ces activités scolaires en tant que telles (comme la lecture), en développant une orientation vers des objectifs de maîtrise.



Influences de l’auto-efficacité sur la réussite scolaire d'un élève 


L’énergie et la volonté consenties par un élève, de même que sa réussite et son parcours scolaire, vont dépendre à la fois :
  • De ses aptitudes
  • De son auto-efficacité.
Bien que la motivation scolaire soit activée par la nature de l’activité et les buts que se donne un élève, c’est son auto-efficacité qui se révèle être le facteur le plus déterminant pour sa motivation.

La motivation, les états émotifs et les actions d’une personne peuvent reposer davantage sur sa représentation de soi, sur son auto-efficacité, plutôt que sur ce qu’elle peut réellement réaliser ou sur ses capacités. 

Les effets de l’auto-efficacité sont diamétralement opposés suivant qu’elle est faible ou élevée pour un individu particulier dans un domaine donné.



Cas de l’auto-efficacité élevée


Lorsqu’une personne se sent efficace dans un domaine, elle présente une auto-efficacité élevée pour celui-ci. Ainsi, si un élève se pense doué pour un cours, il aura pour celui-ci une auto-efficacité élevée.

Une auto-efficacité élevée est liée aux caractéristiques suivantes :

a. Des choix et des objectifs plus ambitieux et plus exigeants pour ce cours. Ces objectifs personnels paraissent plus naturellement accessibles. Ils sont stimulants et entretiennent l’implication. Ils représentent des défis répétés qui donnent l’occasion à l’élève de développer des habiletés de niveau plus élevé que lorsqu’il s’engage dans des tâches plus faciles et moins productives dont la maîtrise est assurée.

b. Une meilleure autorégulation des efforts et des comportements. L’élève sera plus impliqué, plus attentif et plus motivé.

c. Une plus grande persistance et une résilience plus importante vis-à-vis des difficultés et des imprévus. Elles l’incitent à redoubler ses efforts. L’élève reste centré sur la tâche et il raisonne stratégiquement. Il s’est forgé la certitude qu’il peut y arriver, que la résolution est à sa portée et qu’elle va lui permettre de progresser.

d. Une récupération rapide après un échec ou une baisse de performance. Ces dernières sont attribuées à un effort insuffisant ou à des circonstances externes, temporaires et indépendantes de lui-même. Ces attributions favorisent sa marche vers le succès. Échecs et erreurs sont naturellement interprétés comme des occasions d’apprendre et de progresser.

e. Une réflexion naturelle sur les méthodes choisies, une prise en compte des conseils et de la rétroaction reçue. Elle incite à une mise en place d’un cadre permettant de construire des compétences et d’acquérir de meilleures stratégies cognitives par le biais de démarches réflexives et métacognitives.

f. Une meilleure gestion du stress et de l’anxiété. L’élève conserve la confiance et la conviction qu’il peut exercer un certain contrôle sur son stress et son anxiété. Cela tend à améliorer ses performances, à réduire son stress et à diminuer sa vulnérabilité à des sentiments de dépression.

g. Une association négative avec la tricherie et positive avec la demande d’aide en cas de difficulté. L’élève va devenir moins enclin à tricher. Il posera spontanément plus de questions en retour vers l’enseignant en cas de difficultés. Ces démarches peuvent aider à débloquer certaines difficultés et à outrepasser des obstacles en rendant plus explicites les clés de l’apprentissage.

h. De meilleures performances, indépendamment pour une part des capacités propres de l’élève.




Cas de l’auto-efficacité faible


Lorsque nous nous sentons inefficaces dans un domaine, nous présentons une auto-efficacité faible pour celui-ci. Lorsqu’un élève se pense faible dans un cours, il présentera pour celui-ci une auto-efficacité faible

Une auto-efficacité faible est liée aux caractéristiques suivantes :

a. L’élève a tendance à se désinvestir, à ne pas vraiment toujours essayer. Les aptitudes personnelles peuvent être facilement limitées voire annulées. L’élève peut se sentir impuissant.

b. Des stratégies d’évitement et de fuite sont développées. Nous avons tendance à ignorer les situations dans lesquelles nous ne nous sentons pas à la hauteur, où nous doutons de nos capacités, car elles révéleraient une incompétence supposée.

c. La procrastination est favorisée et un sous-investissement dans le cours concerné tend à progressivement accumuler et accentuer les difficultés.

d. Une faible persévérance se manifeste en cas de difficultés dues à des difficultés à se motiver. Elle entraîne une diminution des efforts consentis et un abandon plus rapide face à des obstacles.

e. Les aspirations sont réduites et l’implication est faible vis-à-vis des objectifs.

f. Face aux difficultés, l’accent est mis sur ses propres insuffisances et sur les conséquences problématiques de l’échec à venir. Cela a tendance à fortement limiter les efforts et l’attention en amenant de la distraction et en éloignant des conditions optimales de la réalisation des tâches attendues.

g. L’auto-efficacité faible peut s’installer vite et être durable. Quelques échecs répétés suffisent pour que des élèves perdent foi en leurs capacités. Ces élèves retrouvent difficilement leur sentiment d’efficacité à la suite d’un échec ou d’une performance amoindrie. Une performance insuffisante est directement perçue comme le signe d’aptitudes déficientes.

h. Le risque est plus important en ce qui concerne le stress, l’anxiété et la dépression.





En conclusion


Prenons deux élèves différents avec des aptitudes d’un niveau équivalent. Une autre possibilité est de prendre le même élève dans des circonstances différentes (avec un niveau de stress dû à des conséquences externes différentes par exemple). Dans les deux cas, les élèves concernés peuvent à terme atteindre des performances faibles, bonnes ou remarquables, selon le niveau de leur propre auto-efficacité. 

L’auto-efficacité constitue un meilleur prédicteur de la performance intellectuelle que les compétences seules. 

Les élèves se différencient dans leur manière d’interpréter, de stocker et de se souvenir de leurs succès et échecs. Par conséquent, ils diffèrent aussi à propos de la quantité d’auto-efficacité qu’ils engrangent de résultats similaires. 

Un individu ayant de solides compétences dans un domaine particulier peut ne pas être efficace dans les actions qu’il entreprend si ses compétences interagissent avec une auto-efficacité déficiente. Un manque de confiance en ses capacités pourrait augmenter sa vulnérabilité face à un contexte stressant. 

L’auto-efficacité est un élément déterminant et utile à prendre en compte dans l’analyse des trajectoires suivies et des stratégies privilégiées par des élèves.



Mis à jour le 25/06/2021


Bibliographie


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Lecomte, Jacques. « Les applications du sentiment d’efficacité personnelle », Savoirs, vol. hors série, no. 5, 2004, PP 59-90.

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« Auto-efficacité. » Wikipédia, l’encyclopédie libre. 16 juin 2017, 9 h 33 UTC. 28 juillet 2017, 5 h 9 https://fr.wikipedia.org/wiki/Auto-efficacit%C3%A9

Clermont Gauthier et Steve Bissonnette, L’enseignement explicite : une approche pédagogique pour la gestion des apprentissages et des comportements, in Clermont Gauthier & Maurice Tardif, La Pédagogie (4e Édition), Chenelière Éducation, 2017, PP 245-263

Geary, D. C. (2008). An evolutionarily informed education science. Educational Psychologist, 43, 179–195.

Bissonnette, Steve, Gauthier, Clermont, Castonguay, Mireille, L’enseignement explicite des comportements, Pour une gestion efficace des comportements en classe et dans l’école, Chenelière Éducation, Montréal, 2016

Agency ( consulté le 02/11/2023), https://albertbandura.com/albert-bandura-agency.html

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