samedi 1 juillet 2017

Quels rôles pour les éducateurs dans l'enseignement secondaire belge ?

Dans les écoles secondaires de l’enseignement francophone belge, nous retrouvons à côté du personnel enseignant, la fonction d’éducateur. 

Voici une synthèse des rôles des éducateurs dans le secteur libre confessionnel francophone (FESeC). Celle-ci est réalisée au départ du document de référence « Éducateur en milieu scolaire, un métier en mutation » du Segec (D/2010/7362/3/17) et de l’analyse publiée par l’UFAPEC, « Que seraient nos écoles sans leurs éducateurs ? ».


(Photographie : Allison Wells)


Fonctions générales


Traditionnellement, les éducateurs ont souvent les fonctions suivantes à remplir qui peuvent occuper une bonne part de leur emploi du temps :
  • la prise des présences,
  • les retardataires à accueillir,
  • les absents à questionner,
  • les fourches et absences des enseignants à gérer,
  • les récréations à surveiller,
  • les malades à soigner,
  • l’accueil,
  • les aides logistiques ponctuelles
  • les tâches administratives assignées,
  • la gestion des dossiers éducatifs des élèves,
  • les retenues à encadrer.

Mais en quoi consiste la dimension « socio-éducative » de leur profession dans le milieu scolaire ?

Voici une tentative d’explorer la question en trois phases :
  1. Les compétences requises
  2. Les conditions de mise en place
  3. Les plus-values attendues




1) Compétences requises


  1. L’éducateur est à la fois au sein de l’équipe éducative, en réel partenariat avec la direction et les enseignants, et dans le lien avec les familles.
  2. La formation particulière de l’éducateur et son statut dans l’école lui donnent une position stratégique, à la croisée des univers scolaires, parascolaires et sociaux.
  3. Les éducateurs sont d’abord au service du bien-être et de la sécurité des élèves. Ils prennent également en compte la gestion de la confidence, le secret professionnel et le devoir de réserve, dans leurs spécificités liées à la profession.
  4. L’éducateur est co-responsable du développement intellectuel et socioaffectif des élèves avec les autres membres de l’équipe : direction, enseignants, médiateurs, CPMS…
  5. La boîte à outils de l’éducateur sera constituée de compétences dans des domaines aussi divers que la dynamique des groupes, les techniques d’écoute active et de médiation, ou l’approche systémique. Nous y retrouvons aussi une bonne connaissance du droit scolaire en général et du décret consacré à la protection de la jeunesse, une ouverture à la culture des jeunes, ou l’utilisation de l’outil informatique. Cela montre l’importance de la formation continuée pour le développement de leurs compétences.
  6. L’éducateur doit garantir une forme d’autorité acceptable en alliant bienveillance, cohérence, congruence, juste distance, justice et réflexivité. Les qualités attendues et à développer sont : 
    • une réelle motivation, de la patience, 
    • être en cohérence avec soi-même, 
    • être capable de se remettre en question et reconnaitre ses erreurs, 
    • pouvoir admettre ses limites.
  7. L’éducateur n’est ni parent, ni enseignant, ni grand frère, ni psychologue, ni ami, même si une bonne faculté d’écoute est indispensable. Un bon éducateur joue le rôle d’accompagnateur avec une mission d’autorité. Il est là pour rappeler la règle, pour cadrer au quotidien. Il doit être conscient qu’il est toujours l’adulte. Il ne doit jamais franchir la frontière de la familiarité. Il ne doit pas se laisser toucher par les réactions et les paroles des jeunes. Il doit être là pour soutenir et aider et non pas pour punir à la place de quelqu’un d’autre.
  8. Surveiller devient être en éveil, « veiller sur », mieux connaitre, mieux entrer en contact, accorder de l’importance à chacun. Cette tâche de l’éducateur exige qu’il accorde une attention à l’élève sujet, qu’il manifeste un sens aigu de l’observation, de l’écoute, de l’analyse. Elle sous-entend que l’éducateur est toujours attentif aux trois besoins fondamentaux de l’adolescent qui, s’ils ne sont pas rencontrés, mènent à la violence. Ceux sont le besoin de communiquer, celui d’être écouté et entendu et celui d’être accepté. L’écoute active est le premier pôle de la fonction d’accompagnement du jeune. Cette tâche est très professionnelle et il s’agit pour l’éducateur de garder ses distances d’un point de vue affectif afin de se protéger et d’accompagner l’élève avec bienveillance.
  9. En établissant des liens avec des organismes lui permettant d’organiser des activités pédagogiques, culturelles, sportives ou citoyennes, l’éducateur fait le lien entre la société et le jeune, investit sa fonction d’animateur. Il s’agit pour l’éducateur d’inventer et de garantir ces réseaux et espaces autour de l’adolescent, de l’aider à s’y retrouver, de faire route avec lui.




2) Les conditions de mise en place


  1. Le rôle attribué à l’éducateur dépend beaucoup de la « culture » de l’école.
  2. Le climat d’école et la reconnaissance de leur travail par l’équipe éducative et la direction sont primordiaux pour qu’il puisse veiller sur (et pas uniquement surveiller) les élèves et garantir leur bien-être.
  3. L’éducateur tire prioritairement sa légitimité de la place que lui confère sa direction :
  4. Si la direction reconnait l’éducateur dans un réel statut professionnel, en complémentarité avec les enseignants, ceux-ci suivront le mouvement.
  5. Si la direction le considère comme une petite main, les enseignants le verront de même.
  6. C’est à la direction de créer un climat de coopération entre enseignants et éducateurs pour le bien-être des élèves. La vie scolaire doit être un véritable espace coopératif où chacun apporte son regard et ses compétences face aux situations concrètes à gérer.
  7. Il est important de clarifier au maximum les missions des éducateurs et la définition de celles-ci auprès de l’équipe éducative, ce qui crée les conditions pour envisager des partenariats. Qui fait quoi dans l’école ? Comment se prennent les décisions ? Autant de questions auxquelles chaque membre de l’institution scolaire doit connaitre les réponses.
  8. Il faut accorder à l’éducateur le temps nécessaire à l’exercice de sa fonction d’agent de reliance. Nous devons lui donner la possibilité de se former. Nous devons penser à la constitution d’une équipe d’éducateurs véritablement opérationnelle (en matière de concertation, de coopération, de coordination et de communication) dans la diversité et la complémentarité des qualités de chacun de ses membres. Il est important aussi qu’ils aient la possibilité de discuter de questions relatives à leur place au conseil de classe, à leur fonction de garant de la règle et de la loi. De même, ils doivent connaitre les services auxquels ils peuvent passer le relais quand la situation le demande.
  9. Il faut des temps de rencontre institutionnalisés et réguliers (hebdomadaires) entre les éducateurs, avec participation de la direction.
  10. Un espace réel de communication lors d’assemblées doit être accordé aux éducateurs pour qu’ils puissent expliciter leur programme de l’année ou encore évaluer leurs actions.
  11. L’école peut faire le choix de ne pas avoir de préfet. Elle privilégie le dialogue et la mise en place d’une relation de confiance tripartite (élève, éducateur, parents).
  12. La possibilité d’avoir un local dédié modifie positivement leurs relations avec leurs élèves, les enseignants et les parents. Un seul bureau pour tous les éducateurs pose problème, car les élèves n’osent pas venir parler. Le fait que chaque éducateur référent ait son propre bureau permet aux élèves, aux parents, aux enseignants de discuter, et ce en toute discrétion, une relation de confiance peut se créer. Beaucoup se passe et se résout par le dialogue. Si les éducateurs partagent un même local, ce qui est parfois bénéfique pour les échanges, un autre lieu doit permettre les rencontres, en toute discrétion, avec les élèves, parents ou services spécialisés.
  13. En confiant à chaque éducateur un groupe défini d’élèves ou de classes, il est en mesure de construire une relation de groupe et une relation personnelle. L’éducateur-référent pourra mieux encadrer les élèves, assurer un meilleur suivi. De nombreuses tâches sont attribuées à cet éducateur-référent, en lien direct avec les élèves qui lui ont été confiés. Elles comprennent la prise de présences, la gestion des absences, les contacts avec les familles, la présence aux conseils de classe et aux conseils de discipline.




3) Les plus-values attendues


  1. Les éducateurs sont en lien étroit avec les enseignants des élèves dont ils sont référents, particulièrement avec les titulaires des différentes classes.
  2. Ils participent à la gestion de conseils d’élèves.
  3. Lorsqu’un jeune est exclu d’un cours (mesure qui devrait rester exceptionnelle et liée à la perturbation grave dans la classe), l’éducateur de permanence écoutera le jeune. Il le soutiendra dans la problématisation et la rédaction d’une trace de l’incident. Il assurera le lien avec l’enseignant.
  4. De même, en concertation avec les enseignants, les parents des élèves seront rencontrés chaque fois que la situation l’exige (absentéisme, comportement problématique), et ce afin de rendre les parents partenaires.
  5. Les éducateurs collaborent à l’élaboration du PIA de l’élève.
  6. L’éducateur est susceptible de connaitre les élèves plus en profondeur et peut, quand cela s’avère nécessaire, apporter des éléments nouveaux en conseil de classe et nuancer ainsi l’avis des enseignants
  7. Il a l’occasion de rencontrer les élèves dont il a la charge à plusieurs reprises dans la journée (présences, fourches, récréations ou sur le temps de midi).
  8. L’éducateur est un intervenant de première ligne, c’est lui qui est en relation directe avec les élèves durant les temps transitionnels (récréations, fourches, repas, accueil, études…). Il tiendra le rôle de garant de la sécurité et du bien-être de chaque élève. Ces missions vont exiger de lui une écoute active, une approche positive des situations conflictuelles et d’avoir parfois à jouer le rôle de médiateur.
  9. Les éducateurs sont la roue de secours pour pas mal de situations. Ils ont un rôle de pacificateur du climat scolaire. Ils gèrent ce qui se passe en dehors des cours, écoutent les élèves et les enseignants. Ils facilitent le métier d’enseignant qui est avant tout de transmettre des savoirs.
  10. La vie scolaire ne se limitant pas à l’espace-classe, l’éducateur a aussi son rôle à jouer dans le développement des compétences affectives, relationnelles et sociales, et ce en dehors de la classe. Une écoute active des élèves quant à leurs attentes, la capacité à mobiliser les adolescents et à les mettre en projet contribuera aussi à légitimer sa place. Cela les rendra crédibles aux yeux des élèves et de l’équipe éducative.
  11. L’éducateur joue aussi un rôle clé en matière de prévention des violences, du vol, du racket, des assuétudes. Pour ce faire, il aura à développer des partenariats avec les acteurs ressources dans l’école, mais aussi en dehors de celle-ci.
  12. L’éducateur est là pour rappeler la loi. Il en est le garant et doit parfois recourir à la sanction, voire à la punition. L’autorité s’appuie nécessairement sur des règles éducatives qui doivent être connues, claires, pertinentes, expliquées, évolutives et participatives. C’est là que l’éducateur peut avoir un rôle à jouer. Il revisite avec les élèves les règles internes à l’école. Les conseils d’élèves peuvent ainsi devenir des laboratoires pour sensibiliser les jeunes à leurs droits et leurs devoirs. Une des meilleures façons d’installer un rapport à la loi, n’est-ce pas de discuter, de moderniser un règlement d’ordre intérieur et des règles de vie ?
  13. L’éducateur joue le rôle de courroie de transmission entre l’école et la famille ; tous les moments de rencontre avec les parents sont à privilégier (inscription de l’élève, convocations des parents, remise des bulletins, journées portes ouvertes…). En rencontrant ainsi les familles, cela permet à l’éducateur de mieux percevoir la réalité familiale et d’en tenir compte dans son accompagnement.
  14. L’éducateur collabore en tant que co-concepteur aux projets scolaires (excursions, sorties…), et ce, afin de mieux percevoir les comportements des élèves. La capacité de l’éducateur à mettre les adolescents en projet sera un des meilleurs atouts pour le rendre crédible tant à l’égard des adolescents que des autres intervenants de la communauté scolaire.
  15. L’éducateur est un levier important pour accompagner l’élève dans la construction de ses compétences tant transversales que disciplinaires. C’est notamment le cas durant les études que l’éducateur prend en charge. À ces moments, il créera une ambiance propice au travail en proposant aux élèves une organisation temporelle de l’étude. Ce préalable permet de rassurer les élèves sur le déroulement de l’heure à venir. De plus, l’éducateur aidera les élèves dans leurs recherches scolaires, leur fournira les documents et les bibliographies disponibles, explicitera des méthodes de travail. Il favorisera aussi le tutorat entre pairs. Il mettra en relation les élèves les plus doués avec les plus faibles, les majeurs avec les plus jeunes. Il pourra même faire un inventaire de ces ressources humaines avec les élèves concernés.

P.S. : Une mise à jour du profil des éducateurs a eu lieu en 2019 en voici une synthèse ici mais qui ne présente pas de changement majeur face au texte ci-dessus.

http://webservices.segec.be/gestdoc/Topix/web/app.php/download/17240

Mise à jour le 23/05/21

6 commentaires: