samedi 17 octobre 2020

La rétroaction comme moteur de changement

Une rétroaction (feedback, retour d’information) efficace doit échapper au constat et être un moteur de changement.

(Photographie : phlegmaphoto)



Le rôle de la rétroaction dans la boucle de l’évaluation formative


La rétroaction (ou retour d’information) est associée à l’évaluation formative dont le but principal est de promouvoir ou d’améliorer l’apprentissage des élèves. La logique de l’évaluation formative est différente des évaluations qui visent à responsabiliser les écoles ou les enseignants ou à identifier la compétence ou le classement des élèves. 

Il y a une condition pour qu’une activité d’évaluation contribue à l’apprentissage de manière formative. Elle doit fournir des informations que les enseignants et leurs élèves peuvent utiliser comme retour d’information pour évaluer la qualité de l’apprentissage. Cela les amène à modifier l’activité d’enseignement ou d’apprentissage.

La rétroaction stimule l’apprentissage en donnant à l’élève l’occasion de prendre conscience de ce qu’il sait et de ce qu’il ne sait pas. Cela peut favoriser la métacognition des élèves et améliorer la compréhension des élèves au sujet de leurs propres progrès et besoins d’apprentissage :
  • La rétroaction ferme la boucle de l’évaluation formative de l’apprentissage. Elle indique là où en est l’élève et elle précise les dernières étapes du processus qu’il reste à franchir afin que l’élève soit prêt pour l’évaluation sommative.
  • La rétroaction est essentielle au processus d’enseignement et permet de le maintenir sur la bonne voie. Elle aide les enseignants à enseigner plus efficacement, car elle leur permet de comprendre ce que leurs élèves savent ou peuvent déjà réaliser.
  • Le retour d’information est une partie essentielle du processus d’apprentissage. Il aide les élèves à comprendre ce qu’ils doivent faire ensuite pour améliorer leur propre apprentissage.
  • Il est encore plus important de faire savoir aux élèves quand et pourquoi ils sont corrects ou incorrects, que de leur signaler leurs erreurs ou leurs fautes. La rétroaction doit amorcer un processus et guider spécifiquement l’élève vers l’acquisition des savoirs et savoir-faire non maitrisés.
  • Un retour d’information spécifique est plus utile qu’un retour d’information général. À sa lecture, un élève doit visualiser précisément les actions à entreprendre et un enseignant peut ensuite s’assurer facilement qu’elles sont faites.
  • Les félicitations doivent être spécifiques à ce que l’élève a fait et viser à renforcer ses investissements productifs.
  • Le retour d’information doit encourager et non démoraliser les apprenants. Il doit arriver suffisamment tôt dans le processus d’apprentissage pour être utile aux élèves. 
  • À travers le retour d’information, l’enseignant exprime des attentes élevées auprès de ses élèves.


Une rétroaction efficace déclinable en actions


Pour être réellement formative, la rétroaction doit inclure des éléments qui permettent la vérification et incite à un traitement élaboratif des connaissances ou compétences visées par les intentions d’apprentissage :

  • La vérification se définit comme le simple jugement de la justesse d’une réponse. Elle informe les élèves sur le degré d’exactitude de leurs réponses.
  • L’élaboration est l’aspect informationnel du message. Elle fournit aux élèves des indices pertinents pour guider l’élève vers une réponse correcte à l’avenir. En cas d’erreur ou d’imprécision, elle en explique la nature et indique comment l’éviter par la suite.

Un continuum de la rétroaction peut être décrit en matière de mise en action de ces deux paramètres. 



L’absence de rétroaction ou le caractère implicite de notation


L’absence de rétroaction correspond aux conditions dans lesquelles l’élève se voit présenter une question et doit y répondre. Il ne reçoit aucune indication en retour quant à la justesse de sa réponse.

Une vérification implicite correspond à la communication des résultats. Un élève peut recevoir une note ou un pourcentage global de réponses correctes.

Elle peut également se manifester spontanément lorsque, par exemple, la réponse d’un élève donne des résultats incohérents ou inattendus dans la poursuite des développements. Par exemple, dans la résolution d’un problème, un élève peut se retrouver dans une impasse.

La vérification implicite informe l’élève sur la justesse de ses réponses ou sur son absence de justesse. Toutefois, elle n’indique pas spécifiquement ni la localisation ni la nature exacte de l’erreur ou la raison du blocage.



La signalisation des erreurs et la vérification explicite comme formes de rétroaction


La signalisation des erreurs met en évidence la position ou la localisation exacte des erreurs dans une production d’élève. Toutefois, elle ne donne pas de réponse correcte.

La vérification explicite quant à elle précise la position des erreurs et offre la bonne réponse. 

La manière la plus courante consiste à dire simplement « correct » ou « incorrect ». Par exemple, une coche indique la justesse d’une réponse, une croix indique son caractère erroné. Cela peut suffire si l’élève est à même ensuite de retrouver avec certitude la bonne réponse à l’aide de son cours. 

Dans d’autres cas, l’élève est informé de la bonne réponse à un problème, à un exercice, à une question spécifique, sans information supplémentaire, sans interprétation de causes sous-jacentes à l’erreur.



L’opportunité d’essais supplémentaires comme forme de rétroaction


L’enseignant informe l’élève du fait que sa réponse est incorrecte, mais ne fournit pas la réponse correcte. L’élève reçoit la permission de faire une ou plusieurs tentatives supplémentaires pour y répondre en corrigeant et dépassant ses erreurs initiales.



La rétroaction élaborée


La rétroaction élaborée correspond à un terme général où une explication est délivrée à la suite d’une réponse incorrecte.

Cette explication peut permettre à l’élève d’accéder à des informations, des indices supplémentaires qui lui feront revoir une partie de l’instruction.

Suivant sa forme, la rétroaction élaborée peut présenter ou non la bonne réponse. Nous pouvons distinguer six formes de rétroaction élaborée.

a) Élaboration contingente aux contenus : 

  • Le retour d’information présente des informations sur les caractéristiques centrales du concept ou de la compétence cible étudiée.
  • Les informations données ne sont pas contextualisées dans le cadre des objectifs pédagogiques, mais sont présentées comme s’ils étaient des éléments indépendants. 


b) Élaboration contingente aux objectifs : 

  • Le retour d’information apporte à l’élève des informations relatives à la matière actuellement étudiée. 
  • Elle peut prendre la forme d’un simple renseignement et se connecte de manière claire aux objectifs pédagogiques concernés.


c) Élaboration contingente aux réponses :

  • Le retour d’information se concentre sur la réponse spécifique de l’élève. 
  • Il peut décrire pourquoi la mauvaise réponse est fausse et pourquoi la bonne réponse est correcte. 
  • Cette méthode n’utilise pas d’analyse formelle des causes liées aux erreurs. 


d) Élaboration indicée :

  • Le retour d’information délivre aux élèves des indices qui les guident dans la bonne direction. 
  • Par exemple, cela peut prendre la forme d’un conseil stratégique sur ce qu’il faut faire ensuite, proposer un exemple de problème résolu ou une démonstration ou un support théorique. 
  • L’enseignant évite de présenter explicitement la bonne réponse à l’élève, mais le met sur la piste.


e) Élaboration liée aux conceptions erronées et aux erreurs ancrées : 

  • Ce retour d’information nécessite une analyse et un diagnostic des causes liées aux erreurs. 
  • Il fournit des informations sur les erreurs ancrées ou les conceptions erronées de l’élève. 
  • Il explique et détaille ce qui ne va pas et pourquoi.


f) Tutorat informatif :

  • Il s’agit de la forme de rétroaction la plus élaborée. 
  • Elle présente un retour d’information sur la vérification, le repérage des erreurs et des conseils stratégiques sur la manière de procéder. 
  • La réponse correcte n’est généralement pas fournie puisque l’élève va apprendre comment l’établir ou faire des démarches pour l’obtenir.

En général, une rétroaction élaborée, spécifique à une réponse, va améliorer l’efficacité de l’apprentissage des élèves, plus que ne peut le faire une simple vérification. 




L’importance d’offrir des pistes concrètes d’amélioration dans la rétroaction


Si l’enseignant veut que sa rétroaction soit efficace, il ne peut la limiter à une simple vérification. En effet, cela ne marchera que s’il s’agit d’un élève motivé qui montre déjà une bonne maitrise et une large compréhension de la matière concernée.

De la même manière, lorsque l’enseignant fait par rétroaction auprès d’un élève, un constat de non-conformité avec un objectif pédagogique donné attendu, cela peut ne mener à aucune amélioration ultérieure. En effet, si jusque-là le travail de l’élève n’a pas donné de fruit, rien n’indique qu’une plus grande dose d’efforts de même nature puisse changer la donne.

Pour progresser, l’enseignant doit fournir ;

  • Des informations sur l’écart qu’il constate. Celles-ci sont relatives à une tâche ou à un objectif d’apprentissage, souvent en relation avec une norme attendue ou avec des performances antérieures. 
  • Des pistes concrètes pour combler l’écart. L’enseignant fournit des informations sur la nature du progrès et sur la manière de procéder pour le réaliser (stratégies ou tâches supplémentaires). 

Aussi longtemps qu’une évaluation n’est pas définitive, les élèves veulent toujours savoir où ils en sont, même s’ils ne sont pas toujours satisfaits des réponses. Leur résultat en tant que tel ne les intéresse pas autant que des informations diagnostiques sur leur situation et l’obtention de pistes concrètes de progrès. Que leur faut-il faire pour obtenir un meilleur résultat à moindre coût à l’avenir ? 

Le pouvoir du retour d’information a pour enjeu de fournir des informations aux élèves qui les conduisent à de plus grandes possibilités d’apprentissage.



Le risque du trop-plein de rétroaction 


D’autres paramètres à prendre en compte lorsqu’un enseignant délivre une rétroaction élaborée à un élève sont la longueur et la complexité de l’information qu’il lui fournit

La complexité du retour d’information fait référence à la quantité et à la nature des informations incluses.

Lorsque le retour d’information est trop long, trop compliqué ou non contraignant, de nombreux élèves n’y prêteront tout simplement pas attention. Cela le rendra inutile et se traduira en une perte de temps et une frustration pour l’enseignant. 

Une rétroaction trop riche et trop détaillée peut également diluer le message. Parfois, il vaut mieux viser l’essentiel ou y aller par étapes. Un aspect plus important que la complexité de la rétroaction est la nature et la qualité du contenu. De quelle manière peut-elle aider un élève au maximum et à moindre coût ? Comment l’enseignant peut-il s’assurer que la rétroaction sera effectivement prise en compte ? Comment être certain qu’elle représentera un travail bien plus conséquent pour l’élève que pour l’enseignant ?



Conserver une rétroaction centrée sur les objectifs d’apprentissage


La rétroaction gagne à se centrer sur les objectifs ou intentions d’apprentissage et sur la manière de les atteindre. De cette façon, la rétroaction fournit aux élèves des informations sur leurs progrès vers un objectif d’apprentissage visé plutôt que de fournir un retour d’information sur des réponses à des tâches isolées.  

Un autre point fort de cette démarche est qu’elle contribue à favoriser la correspondance entre les objectifs de l’élève et les objectifs d’apprentissage liés au cours. 

Pour qu’un élève puisse rester motivé, il faut que ses objectifs personnels se rapprochent étroitement des objectifs d’apprentissage et qu’ils puissent être atteints.

De cette manière, l’enseignant peut contribuer à partager des attentes élevées de réussite avec ses élèves.  

Une autre exigence est que les objectifs que l’enseignant transmet à travers sa rétroaction doivent être bien calibrés :

  • Si les objectifs sont fixés à un niveau si élevé qu’ils ne peuvent être atteints, l’élève risque de rencontrer des échecs répétés et se décourager. 
  • Lorsque les objectifs sont fixés à un niveau si faible que leur réalisation est certaine, le succès perd son pouvoir de promotion de l’effort pour l’élève

Face à une matière scolaire, les objectifs personnels des élèves peuvent correspondre à deux catégories :

  1. L’acquisition : l’élève cherche à acquérir quelque chose de désirable, il est orienté vers la maitrise d’un objectif. Comme cela se traduit par un apprentissage, nous nous approchons des objectifs pédagogiques.
  2. L’évitement : l’élève cherche à éviter quelque chose d’indésirable. Dans ce cas, l’élève va plutôt chercher à faire le strict minimum pour se débarrasser d’une corvée ou même abandonner. Il y a peu de correspondance avec les objectifs d’apprentissage. 

Fournir une rétroaction qui prend en compte les objectifs personnels des élèves et tend à les orienter davantage dans le sens des objectifs d’apprentissage est un facteur de réussite scolaire. De cette manière, la rétroaction peut encourager l’effort des élèves plus que risquer de les décourager.



Une rétroaction qui soutient l’apprentissage plus que la performance


Une rétroaction centrée vers des objectifs d’apprentissage peut favoriser chez un élève la maitrise de l’apprentissage plus que la focalisation sur la performance :  

  • Lorsque la focalisation porte sur l’apprentissage, les élèves vont être plus susceptibles de viser à accroître leurs compétences en développant de nouvelles aptitudes et en maitrisant de nouvelles situations. Cette focalisation peut s’accompagner de la conviction que l’intelligence est malléable. 
  • Lorsque la focalisation porter sur la performance, elle peut s’accompagner d’un sentiment de compétition, du désir de démontrer ses compétences aux autres et d’être évalué positivement par ceux-ci. Cette focalisation peut s’accompagner de la conviction que l’intelligence est innée.

Ces deux types de focalisation sont susceptibles d’influencer la manière dont les élèves réagissent à la difficulté d’une tâche et à l’échec.

  • L’orientation vers l’apprentissage se caractérise par la persévérance face à l’échec et face aux difficultés, l’utilisation de stratégies d’apprentissage plus complexes et la poursuite de contenus et de tâches difficiles. 
  • L’orientation vers la performance est caractérisée par une tendance à abandonner des tâches, surtout en cas d’échec et par une anxiété. Les élèves présentent un intérêt moindre pour les tâches difficiles et vont avoir tendance à privilégier des contenus et des tâches moins difficiles parce qu’elles augmentent leurs chances d’être performants.

L’orientation vers la maitrise de l’apprentissage semble associée à des résultats plus positifs à long terme et à plus de persévérance face aux difficultés.

Une rétroaction formative peut contribuer à développer une focalisation sur la maitrise de l’apprentissage plutôt que sur la performance. Il s’agit de contribuer à faire prendre conscience aux élèves que : 

  • La capacité et les compétences visées peuvent être développées par la pratique
  • L’effort et les stratégies adéquates sont essentiels pour acquérir la maitrise d’une compétence visée
  • Les erreurs font partie du processus d’acquisition de compétences et connaissances. 



Une rétroaction réussie inscrite au cœur d’une culture de l’apprentissage 


L’apprentissage peut être amélioré, dans la mesure où les élèves coopèrent et se retrouvent dans une même culture où :

  • Ils partagent des objectifs exigeants liés à l’apprentissage
  • Ils adoptent des stratégies d’autoévaluation et d’évaluation
  • Ils développent des procédures de détection des erreurs
  • Ils acquièrent un plus haut niveau d’auto-efficacité. 

De cette manière, ils s’attaquent avec confiance à des tâches ambitieuses menant à la maitrise et à la compréhension des contenus. 

Une tâche importante pour les enseignants et les parents est de faire en sorte que les objectifs d’apprentissage soient saillants pour tous les élèves. Les élèves qui sont prêts à se remettre en question ou à réfléchir sur ce qu’ils savent et comprennent sont plus susceptibles de rechercher une rétroaction confirmant ou infirmant leur progrès. Celle-ci leur permet de meilleures opportunités d’apprentissage. 

Pour être efficace, la rétroaction formative doit être claire, ciblée, significative et compatible avec les connaissances préalables des élèves et fournir des liens logiques. Elle doit également inciter les élèves à traiter activement l’information. Elle doit être à un bon niveau de complexité qui offre des défis accessibles aux élèves. Elle doit se rapporter à des objectifs spécifiques et clairs, et présenter peu de danger pour la personne de l’élève au niveau de sa confiance en soi. 


Mis à jour le 07/11/2022


Bibliographie


Shute, Valerie J. « Focus on Formative Feedback. » Review of Educational Research, vol. 78, No. 1, 2008, pp. 153–189. JSTOR, www.jstor.org/stable/40071124. Accessed 8 May 2020.

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