mercredi 5 septembre 2018

L'enjeu de la qualité des réponses lors de la vérification de la compréhension en enseignement explicite

L’objectif de la vérification de la compréhension en enseignement explicite va au-delà d’un simple contrôle. Elle constitue également une pratique d’apprentissage en tant que telle, dans la mesure où elle permet de travailler sur certains attendus liés à la construction et à l’élaboration des réponses et de l’apprentissage sous-jacent.

(photographie : Andrei Grigorev)

Ces dimensions doivent déjà être présentes dans la façon dont le questionnement se construit. Elles interviennent également dans la manière avec laquelle nous accompagnons les élèves dans la structuration et l’expression de leurs réponses.



Des réponses publiques


Il est nécessaire que nos élèves soient incités à répondre d’une voix affirmée. Leur réponse ne doit jamais être adressée à l’enseignant uniquement, mais ils doivent s’adresser à tous les élèves de la classe.

Pour le faciliter, il est utile que l’enseignant ne se trouve pas à proximité directe de l’élève qui va répondre. Il vaut mieux faire un pas en arrière lorsque l’élève va répondre. Si celui-ci se révèle inaudible pour les autres élèves, ceux-ci vont perdre leur attention. Il faut dès lors le rappeler à l’ordre et lui demander de recommencer son explication à un volume plus distinct de manière à ce que tout le monde puisse entendre et maintenir son attention.

Cette dimension est importante, car en s’adressant publiquement, l’élève manifeste son engagement dans le cours. De même en écoutant pleinement les réponses, chaque élève reconnaît l’importance de la contribution de chacun et poursuit sa réflexion.

Pleinement activée, cette dimension montre à quel point à travers la vérification de la compréhension, l’enseignement explicite comporte une vraie dimension collaborative centrale, chaque élève participant à l’apprentissage de la classe.



Des réponses complètes


Il est utile que l’enseignant exige que dans leurs réponses orales, les élèves utilisent des phrases complètes mobilisant les nouvelles connaissances et le vocabulaire adéquat.

Il faut encourager les élèves à utiliser le vocabulaire académique formel typique de la branche concernée. Il s’agit pour eux d’acquérir une culture langagière qui facilitera leurs apprentissages futurs. C’est une démarche exigeante et un processus difficile pour les élèves. L’enseignant gagne à le soutenir, à l’étayer. Cela demande un effort supplémentaire pour les élèves. Cet effort se traduira en un effet bénéfique sur l’intégration et la mémorisation de la matière. La démarche s’apparente à la fois à de la pratique de récupération et à de l’élaboration.

Ce n’est pas quelque chose que nous pouvons établir de but en blanc. Cette exigence doit d’abord être enseignée explicitement par l’enseignant. Il doit la modeler, la faire pratiquer, fournir les cadres de phrases qu’il souhaite obtenir préalablement et renforcer les élèves qui s’engagent dans ces démarches.



Refuser les réponses expéditives


Le succès de cette stratégie repose dans la capacité de l’enseignant à refuser des réponses incomplètes, imprécises ou minimalistes. L’enseignant doit insister afin que l’élève s’exprime à la fois de manière formelle et en utilisant le vocabulaire technique adéquat.

Plutôt que de donner lui-même la forme adéquate adéquate, l’enseignant doit insister en échangeant avec les élèves jusqu’à obtenir une forme de plus en plus satisfaisante au fil du temps.

Comme de plus en plus de phrases complètes seront utilisées et exigées dans leurs réponses, les élèves commenceront à utiliser naturellement davantage de phrases complètes.

Nous pouvons enseigner aux élèves comment créer leurs propres réponses complètes à l’aide de mots tirés de la question. Paraphraser la question est une première étape. La qualité et la justesse de l’expression importent autant que la richesse des contenus en matière de connaissances.

Les élèves doivent pouvoir justifier ou expliquer chacune de leurs réponses. Même les réponses les plus simples gagneront à être mises ainsi en perspective.



Soutenir les élèves dans l’élaboration de leurs réponses


Fournir des indices et guider


Lorsque les élèves ne peuvent pas donner de réponse, nous pouvons leur donner des conseils ou un indice pour les aider. Cette aide devrait se référer à quelque chose que l’enseignant a utilisé préalablement au cours du modelage ou de la pratique guidée. Nous cherchons à leur fournir un indice de récupération qui les aidera les élèves à se rappeler l’information cible. Nous pouvons également dans un dernier recours renvoyer l’élève vers un élément de ses notes de cours, comme un organisateur graphique.

L’indice de récupération peut aussi prendre la forme d’un choix multiple entre plusieurs alternatives dont l’une d’entre elles peut éclairer l’élève. Il s’agira ensuite de demander à l’élève de justifier cette réponse.

La fourniture d’indices devrait être limitée à 30 secondes au maximum pour arriver à une réponse complète et satisfaisante. Si les élèves ne connaissent pas la réponse, aucun indice de récupération ne leur permettra de générer une réponse correcte si rien n’a été mémorisé.

Il faut éviter de donner les premières lettres ou la première syllabe d’un terme attendu. L’élève pourrait alors retrouver une réponse, mais cette démarche ne serait pas stratégique, car elle n’a aucune valeur ajoutée au contraire des indices contextuels qui sont mémorisés en lien dans les schémas cognitifs.

Nous pouvons également prendre la décision de donner la réponse finale à l’élève. Il s’agira alors de lui demander de réexpliquer la démarche d’obtention et la justifier. Il faut s’assurer qu’il comprend comment celle-ci a été obtenue. Nous pouvons aussi transformer la réponse en une question à choix multiples puis lui demander de la justifier à nouveau.



Accompagner la difficulté


Ce qu’il ne faut pas faire lorsqu’un élève ne peut répondre à la question, c’est de directement passer à un autre élève. En agissant de la sorte, nous lui envoyons comme message que nous acceptons le fait et qu’il ne puisse pas répondre et que nous n’avons pas d’espoir dans sa capacité à y arriver. Les conséquences seraient négatives sur son sentiment d’efficacité personnelle et sur sa motivation ultérieure.

Lorsqu’un élève est incapable de répondre à la question. Nous pouvons lui laisser un temps de répit et poser une question semblable à un ou deux autres élèves avant de revenir vers lui. Parfois, l’élève était juste inattentif. Il pourra entendre la ou les réponses des autres élèves interrogés. Nous lui donnons ainsi du temps et des indices supplémentaires pour élaborer sa propre réponse avant de revenir vers lui.

Nous pouvons également lui donner une instruction spécifique durant ce laps de temps comme aller relire des contenus particuliers dans ses notes.



Utiliser le questionnement socratique


Le questionnement socratique peut aider les élèves à construire leurs réponses. Le questionnement socratique est une méthode éducative qui se concentre sur la découverte des réponses en posant des questions aux élèves.

L’idée est que la pratique du questionnement réfléchi permet d’examiner les idées et de déterminer leur validité. Ainsi, un élève aura la capacité de reconnaître des contradictions. À partir de là, il peut transformer ou compléter des idées inexactes ou incomplètes.

Le questionnement socratique est une forme de questionnement discipliné qui peut être utilisé pour poursuivre la pensée dans de nombreuses directions et à de nombreuses fins.

Le questionnement socratique est systématique, discipliné, profond et se concentre habituellement sur les concepts fondamentaux, les principes, les théories, les questions ou les problèmes.

Les enseignants peuvent utiliser le questionnement socratique dans le but de :
  • Sonder la pensée de leurs élèves.
  • Déterminer l’étendue des connaissances des élèves sur un sujet, une question ou une matière donnée.
  • Aider les élèves à analyser un concept ou une ligne de raisonnement, ce qui est particulièrement utile pour le traitement des questions complexes.

Les enseignants peuvent ainsi poser toute une série de questions pour déterminer la profondeur et la complexité des schémas cognitifs d’un élève, ce qui peut s’apparenter à une forme de pratique guidée. S’il n’est pas faisable de poser un grand nombre de questions à tous les élèves, nous pouvons toutefois rebondir une ou deux fois sur une réponse d’élève vers un autre élève et l’amener à approfondir. L’avantage est que ça habitue les élèves à continuer à réfléchir.

Les enseignants peuvent modéliser et enseigner explicitement les stratégies de questionnement qu’ils veulent que les élèves imitent et emploient.

Exemples de questions socratiques :

1) Amener les élèves à clarifier leur pensée :
  • Est-ce que tu peux en dire plus ? 
  • Est-ce qu’il y a une différente façon, plus en phase avec la discipline, de dire la même chose ?

2) Amener les élèves à justifier leur pensée :
  • Pourquoi peux-tu dire cela ? 
  • C’est intéressant, qu’est-ce qui te fait dire cela ? 
  • Quelles sont les preuves qui justifient cette conclusion ? 

3) Amener les élèves à explorer l’origine de leur pensée :
  • Peux-tu expliquer comment tu es arrivé à cette réponse ?

4) Remettre les élèves en question au sujet des hypothèses :
  • Est-ce toujours le cas ? 
  • Est-ce que l’hypothèse est vérifiée ? 
  • Que se passe-t-il si l’on change tel ou tel paramètre ?

5) Fournir des preuves à l’appui des arguments :
  • Qu’est-ce qui justifie cette réponse ? 
  • Y a-t-il une raison de douter de cette hypothèse ? 
  • Est-ce que tu peux me donner un exemple de situation où cela a lieu ?

6) Découvrir des points de vue et des perspectives alternatives :
  • Quel est le contre-argument ? 
  • Est-ce la seule façon d’analyser la situation ? 
  • Est-ce qu’il n’y a pas d’autre explication possible ? 
  • Est-ce que tout le monde est d’accord avec cette conclusion ? 
  • Si quelqu’un n’est pas d’accord, quel est son point de vue, quels sont ses arguments ? 
  • Est-ce que tout le monde partage ce point de vue ?

7) Explorer les implications et les conséquences :
  • Quelles sont les conséquences ? 
  • Quel est le dénominateur commun de toutes ces idées ?

8) Questionner la question :
  • Est-ce que la question était précise ? 
  • Est-ce qu’on y a répondu de manière complète ? 
  • Pourquoi cette question était-elle importante ?



Diagnostiquer et traiter les erreurs individuelles et les erreurs collectives


Lorsqu’un élève n’est pas en mesure de répondre correctement à une question, il faut faire la distinction entre :
  • Une erreur généralisée dans toute la classe : la classe n’a pas encore appris.
  • Une erreur individuelle d’un élève : un élève en particulier n’a pas encore appris.

Lorsque toute la classe n’a pas appris, il faut enseigner à nouveau à tous. Lorsqu’un élève n’a pas encore appris, il faut fournir une rétroaction efficace pour le soutenir.

Si la réponse de l’élève est incorrecte, il peut être particulièrement utile de l’entendre expliquer son raisonnement afin de comprendre exactement où se situe son erreur. Parfois, les erreurs des élèves sont liées au langage ou à une distraction et non à la matière.

Un autre avantage à ce que les élèves expliquent leurs mauvaises réponses est que souvent, ils détecteront leurs erreurs et se corrigeront d’eux-mêmes, au milieu de leurs explications.



Maximiser le succès


L’idée clé, à la source de la vérification de la compréhension, est que les élèves ne sont jamais autorisés à ne pas connaître la réponse. Cela signifie que l’enseignant fournit un soutien jusqu’à ce que l’élève puisse répondre avec succès. Cela signifie aussi que les élèves ne peuvent pas simplement dire « je ne sais pas » et ne pas répondre à la question. Si une difficulté réelle est débusquée, alors sa résolution sera de la responsabilité de l’enseignant.

Si les élèves ne peuvent pas répondre aux questions ou s’il y a plusieurs mauvaises réponses données d’affilée, sans doute qu’il faut enseigner les contenus concernés à nouveau. C’est la même chose lorsque nous n’atteignons pas 80 % de bonnes réponses en fin de pratique guidée, il nous faut poursuivre.

Après la reprise de l’enseignement, nous posons une nouvelle fois quelques questions équivalentes. Nous interrogeons à nouveau les élèves au hasard, parmi eux, l’un de ceux précédemment interrogés qui n’avaient pu répondre correctement.

Lorsque des élèves pris au hasard ne peuvent pas répondre correctement à une question de vérification de la compréhension, nous pourrions être tentés de faire appel à un volontaire pour obtenir la bonne réponse. C’est à éviter ! Une réponse correcte d’un volontaire ne garantit jamais que toute la classe ait appris.

Vérifier la compréhension n’est pas seulement faire appel à une série d’élèves jusqu’à ce qu’une réponse correcte apparaisse afin de se rassurer.

Son objectif premier est de déterminer si les élèves ont appris ce qui avait été enseigné et d’adapter l’enseignement en conséquence. L’objectif second de la vérification de la compréhension est de renforcer les apprentissages, par le biais du questionnement et du soutien à l’élaboration des réponses et à la qualité de leur expression.




Mis à jour le 31/08/2022

Bibliographie


Clermont Gauthier, Steve Bissonnette & Mario Richard. (2013). Enseignement explicite et réussite des élèves. De Boeck.

Allison Shaun, Tharby Andy. (2015). Making every lesson count. Crown House.

Daniel Muijs, David Reynolds. (2018). Effective Teaching. Sage

Dylan Wiliam. (2018). Embedded Formative Assessment. Solution Tree

Doug Lemov. (2015). Teach like a champion 2.0. Jossey-Bass

John R. Hollingsworth and Silvia E. Ybarra. (2018). Explicit Direct Instruction. Corwin.

Tom Sherrington, Rosenshine’s principles in action, John Catt, 2019

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