mercredi 12 juin 2019

Discussion web, une approche pour favoriser le recul de malentendus pédagogiques

Faire reculer les neuromythes ou corriger des malentendus pédagogiques est toujours une entreprise complexe. Nous l’avons abordée dans différents articles. Cela nécessite l’adoption de démarches d’enseignement efficace, afin d’atteindre l’objectif escompté.


(photographie : Sohn Koo-Yong)



Il apparaît donc qu’un ciblage et une réfutation des idées erronées constituent un passage obligé pour dépasser le cadre de croyances antérieures incorrectes. Ces dernières sont susceptibles d’entraver de nouveaux apprentissages.

Une clé pour que le changement se produise, est que les apprenants deviennent insatisfaits de leurs croyances antérieures. Il leur faut trouver en échange de nouvelles conceptions intelligibles, plausibles et utiles.




Comment enseigner explicitement la réfutation des neuromythes ? 


Trois conditions doivent être remplies :
  1. Suivre un modelage portant sur la nature erronée de certaines conceptions et leur mise à jour :
    • Cette démarche est essentielle. Le modelage aide les apprenants à organiser et à prendre en compte les nouvelles informations. 
    • Il convient de faire prendre conscience aux apprenants de leurs idées erronées, par des jeux de questions et réponses et d’inférences. Il faut activer à la fois les conceptions erronées et leurs corrections pour les confronter.
    • Il faut attirer explicitement leur attention sur les données probantes qui permettent de valider un modèle de remplacement.
  2. Fournir un texte de réfutation parallèlement à l’exposé :
    • L’accès à un support écrit est essentiel, car nous offrons ainsi une référence ultérieure. Il pourra être conservé et consulté par la suite si la mémoire fait défaut. 
    • Ce support présente explicitement, comme le fait l’exposé, pourquoi les neuromythes ou les malentendus pédagogiques visés sont incorrects. 
    • Il fournit immédiatement des preuves claires et leurs références bibliographiques démontrant la plus grande validité actuelle de la nouvelle information.
  3. Poser un jugement immédiat dans le cadre de la formation :
    • Déterminer son positionnement est un dernier élément essentiel. 
    • Le jugement est l’élément qui est mémorisé le plus solidement par les apprenants, quand bien même la réflexion et les arguments qui ont permis de l’établir auront été oubliés. 
Cet article va explorer une approche particulière visant à remplir le troisième objectif.



L’outil discussion web 


La technique du réseau de discussion, discussion web, a été développée par Donna Alvermann en 1991. Discussion web est un outil organisationnel :
  • Il aide les apprenants à visualiser les éléments clés d’une question. 
  • Il sert à guider les discussions en permettant d’identifier les idées conflictuelles et d’évaluer les arguments de façon critique.
  • Il facilite la prise de position et permet à chaque apprenant de tirer sa conclusion personnelle. 

L’outil discussion web constitue un outil intéressant dans le cadre de la réfutation des neuromythes et autres malentendus pédagogiques. Il conjugue les avantages du texte de réfutation et de la prise de jugement immédiat.

L’idée est de guider les apprenants et de les stimuler dans l’avancement de leur réflexion. Donna Alvermann cite comme inspiration de son développement, le partage par paires. Le partage par paires est une des techniques de vérification de la compréhension prisée en enseignement explicite.

De même, la procédure d’implémentation collaborative est en phase avec un apprentissage coopératif, s’assurant de la participation équilibrée de chaque apprenant.

Le principe est que des discussions de groupe stimulent la réflexion. Elles favorisent à la fois le traitement en mémoire de travail, la récupération en mémoire à long terme et des processus d’élaboration.

La démarche utilisée approfondit la compréhension, favorise la mémorisation et aide à clarifier la pensée. Le principe est de permettre aux apprenants d’enrichir leur réflexion à travers des échanges dans le cadre d’une discussion. Finalement, elle aboutit à une prise de jugement personnel, immédiate et informée.

Là où l’on rencontre le principe de la vérification de la compréhension en enseignement explicite, c’est dans le fait que :
  1. L’approche permet de structurer, de guider et de distribuer la discussion équitablement. 
    • Un problème courant dans l’organisation de débats en classe est que souvent la parole sera monopolisée par une fraction des intervenants. 
    • Lorsque cela se produit, d’autres élèves deviennent rapidement passifs, inhibés et peu enclins à exprimer leurs opinions.
    • Ici, la procédure permet une participation de tous.
  2. La technique discussion web permet à chaque apprenant d’engager sa compréhension et sa réflexion.
    • Les échanges sont guidés et structurés selon un processus précis. 
    • En partageant avec des partenaires et des paires de partenaires avant de s’engager dans une discussion en classe, les apprenants rencontrent de multiples occasions d’interagir. 
  3. Les discussions en petits groupes encouragent également la participation active d’apprenants timides, calmes ou peu engagés. 
    • Le technique englobe de la lecture, de l’écriture, de l’expression orale et de l’écoute. 



Procédure 




1. L’enseignant/formateur active les connaissances préalables des apprenants. Il introduit les nouveaux concepts et fixe des objectifs pour la lecture d’un texte de réfutation. Le texte de réfutation peut alternativement être un support pour l’exposé que le formateur donnera oralement avec un support visuel de type PowerPoint.

2. Après avoir lu le document ou assisté à la présentation, les apprenants abordent l’outil discussion web par deux :
  •  Cette activité utilise une aide graphique dans laquelle une question ou un énoncé est placé au centre. 
  • La question est abordée selon une prise de position face à laquelle nous pouvons être pour ou contre. 
  • Les apprenants collaborent par deux au document et discutent des arguments qu’ils incluent à tour de rôle. Les apprenants investissent chaque position (en accord ou en désaccord) et indiquent (sur les lignes de chaque côté de la question) avec brièveté les arguments.  
  • Il est important de mettre des éléments dans chacune des colonnes afin de mettre en évidence les contradictions, les interférences et les incohérences. 
  • En examinant les deux côtés d’une question, les apprenants activent leur esprit critique.
  • Les apprenants sont finalement amenés à prendre position. En groupes de deux, nous demandons aux apprenants d’arriver à un consensus.

3. Lorsqu’un consensus est établi dans un groupe, nous passons à une phase de jumelage ou chaque duo fusionne avec un autre duo de partenaires. Une mise en commun par quatre a alors lieu. L’objectif est de parvenir également à un nouveau consensus. L’enjeu est d’aboutir à une conclusion de groupe. 

Cependant, il est tout à fait acceptable que des membres individuels soient en désaccord avec cette conclusion. Nous considérons que le processus de discussion sera plus efficace si chaque membre du groupe garde l’esprit ouvert en écoutant les raisons que les autres donnent. Les opinions dissidentes seront entendues également au moment de la discussion en grand groupe.

4. Lorsque chaque groupe de quatre a atteint sa conclusion, nous passons à l’étape suivante. Un porte-arole est désigné dans chaque groupe. Ensuite, nous donnons à chaque groupe un court laps de temps pour discuter de l’argument qui, parmi tous ceux qui ont été donnés, appuie le mieux la conclusion de leur groupe. Le porte-parole contribue alors avec cet argument sur un document discussion web commun à l’ensemble des groupes. Comme chaque groupe ne choisit qu’une seule raison, nous réduisons la possibilité que les porte-paroles des derniers groupes n’aient rien de nouveau à rapporter.

5. Comme activité de suivi, il est suggéré aux apprenants de rédiger une conclusion personnelle sur leur propre page discussion web. Nous encourageons les apprenants à inclure leurs propres idées ainsi que certaines idées exprimées par d’autres. Donner aux apprenants l’occasion de répondre par écrit à la même question une fois la discussion en grand groupe terminée met fin à l’approche discussion web et permet la prise de jugement personnel. Les réponses individuelles peuvent être échangées. Entendre les positions des autres permet d’affiner leur propre réflexion.

Cette procédure permettra de s’assurer que le texte de réfutation n’est pas mal compris et que les apprenants posent un jugement personnel immédiat. Une fois que les gens ont été confrontés à une information, il est difficile de l’effacer, même s’il s’avère que l’information était incorrecte. Lors d’une formation, les apprenants sont en contact avec des arguments appuyés par des données probantes. Ils sont dans des conditions optimales pour poser un jugement personnel qu’ils se remémoreront même s’ils oublient les arguments en rapport. Ces arguments resteront néanmoins accessibles dans les documents de formation qu’ils peuvent conserver.

S’il est important de fonctionner avec un texte de réfutation que les apprenants manipuleront et conserveront, il peut constituer un support textuel de référence complémentaire à la présentation que le formateur prendra en charge. Suivre une présentation orale du formateur peut être plus stimulant que lire un texte. Si des incompréhensions surviennent lors de la présentation orale, le formateur peut faire bénéficier le groupe entier de ses explications supplémentaires.


Mise à jour le 15/06/2023

Bibliographie


Alvermann, Donna. (1991). The discussion web: A graphic aid for learning across the curriculum. The Reading Teacher. 45. 92–99.

Guzzetti, B. J. (2000). LEARNING COUNTER-INTUITIVE SCIENCE CONCEPTS: WHAT HAVE WE LEARNED FROM OVER A DECADE OF RESEARCH? Reading & Writing Quarterly, 16(2), 89–98. doi:10.1080/105735600277971

Kowalski, P., & Taylor, A. K. (2009). The Effect of Refuting Misconceptions in the Introductory Psychology Class. Teaching of Psychology, 36(3), 153–159.

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