samedi 21 avril 2018

Comment favoriser l’engagement et l’intérêt des élèves ?

Différents facteurs jouent un rôle dans le développement de l’intérêt des élèves. Parmi ceux-là, nous pouvons trouver de l’authenticité de l’enseignant, la conception pédagogique, le climat de classe, l’auto-efficacité ou la perception de compétence, la curiosité, la ténacité et des questionnements liés à l’orientation.


(photographie : Charlotte Oleena)


Il est essentiel de comprendre que l’intérêt des élèves peut croitre et qu’il n’est pas susceptible de se développer de manière isolée. 

Articuler davantage la contribution de l’intérêt à l’apprentissage des élèves et comprendre sa relation avec d’autres variables motivationnelles peut être précieux pour guider la pratique des enseignants en classe ; 

Cette perspective justifie le fait de s’intéresser aux approches conceptuelles et méthodologiques de l’étude d’intérêt.



Liens entre les pratiques de l'enseignant et l'intérêt des élèves


Intérêt et authenticité de l’enseignant


L’enseignant peut jouer un rôle important à travers son authenticité comme cela a déjà été développé précédemment (voir article).

L’apport de l’authenticité se révèle particulièrement utile dans les premières phases de développement de l’intérêt.



Intérêt et pédagogie


Le travail en groupe, les défis, les projets et l’utilisation de ressources multimédia peuvent susciter l’intérêt des élèves pour les mathématiques ou les sciences à un moment donné. Cependant, seuls l’engagement personnel, le sens donné aux tâches et les progrès engrangés peuvent maintenir et intensifier l’intérêt des élèves au fil du temps.

Si l’enseignant n’a pas de prise directe sur l’intérêt personnel des élèves, il est toutefois susceptible de stimuler leur engagement en jouant sur la variable qu’est l’intérêt situationnel. 

Il a été montré que stimuler l’intérêt situationnel n’a pas d’effet négatif sur un intérêt personnel au contraire, cela peut l’aider à se maintenir et à se renforcer. 

Voici quelques pistes pour stimuler l’intérêt des élèves à travers les pratiques d’enseignement :
  1. Préciser clairement les objectifs et les attendus.
  2. Prendre en compte les limites de la mémoire de travail et donner des occasions de réussite.
  3. Aider les élèves à maintenir leur attention pour les tâches même lorsque les tâches sont difficiles, en offrant l’étayage nécessaire, du renforcement et de la rétroaction.
  4. Soutenir et développer les connaissances et compétences nécessaires à l’accomplissement des tâches. Cela correspond à vérifier la présence des connaissances préalables et la maîtrise des stratégies nécessaires au traitement. 
  5. Utiliser des exemples concrets et proposer des tâches variées, avec une diversité dans les approches, en tâchant de prendre en compte spécifiquement les intérêts individuels ou situationnels.
  6. Sélectionner, employer et enseigner des stratégies ou créer des ressources qui favorisent l’apprentissage de la résolution de problèmes.
  7. Favoriser l’autonomie des élèves.
  8. Créer des occasions pour les élèves de poser des questions et leur en poser également.
  9. Inclure des temps d’apprentissage coopératif qui ajoutent une dimension sociale et interpersonnelle. 

Nous remarquerons que ces pistes se retrouvent largement parmi celles exprimées dans le contexte des recherches sur l’enseignement efficace ou au sein du modèle de l’enseignement explicite.



Intérêt et auto-efficacité


C’est au cours des premières phases de l’enseignement que les enseignants sont le plus en mesure d’aider les élèves à se sentir positifs au sujet de leurs capacités émergentes à travailler avec un contenu spécifique. La mise en place des conditions qui soutiennent une réponse affective positive peut être essentielle à la poursuite du développement de l’intérêt à s’engager dans un domaine particulier.

L’importance du soutien continu des enseignants à l’égard des sentiments d’efficacité personnelle des élèves est démontrée. Les élèves ont besoin d’être encouragés pour développer et maintenir leur intérêt, et par là pour augmenter leur auto-efficacité dans ce domaine.

Les différentes phases d’intérêt décrites par le modèle en quatre phases correspondent systématiquement à des profils différents et croissants d’auto-efficacité, d’effort, d’établissement d’objectifs, de stratégies et de préférences en matière de rétroaction.



Curiosité et expertise


Intérêt et curiosité


Le développement de l’intérêt va de pair avec le développement de compétences et des connaissances, leur donnant au fur et à mesure plus d’importance.

Dès les premières phases de développement de l’intérêt, il peut être essentiel de poser des questions aux apprenants auxquelles ils pourront répondre.

Il est certain que les élèves ayant un intérêt individuel émergent pour un contenu particulier poseront des questions de curiosité au sujet du contenu abordé.

Progressivement, il faut évoluer d’un soutien externe plus important à un soutien interne plus important au fur et à mesure que l’intérêt se développe. L’apprentissage se doit de devenir plus autonome au fur et à mesure. L’étayage est peu à peu retiré pour supporter la curiosité.

Parallèlement à la progression de l’intérêt et des connaissances, l’apprenant doit commencer à développer une curiosité personnelle. Il est important que l’apprenant soit encouragé à générer ses propres questions et soit valorisé lorsqu’il s’engage dans ce type de comportement.

Ces questions peuvent conduire à l’acquisition de connaissances supplémentaires, à la consolidation et à l’élaboration de ce qui est compris et à la persévérance face aux défis et aux difficultés rencontrées. Le processus d’engagement dans le contenu est susceptible de se poursuivre tant qu’il y a du soutien face aux difficultés majeures.

Pouvoir se générer des questions par curiosité permet à l’apprenant de relier sa compréhension actuelle du contenu à des perspectives alternatives. Ce processus l’incite à reconsidérer ce qu’il sait et à rechercher des informations supplémentaires. Le développement de la curiosité pour un domaine va de pair avec l’intérêt.



Intérêt et expertise


Les enseignants de la maternelle à la fin du secondaire ne peuvent pas s’attendre à soutenir les élèves dans le développement de l’expertise, en raison de leur âge et de la phase d’enseignement. L’étape finale de l’expertise n’est atteinte qu’après l’école secondaire au terme d’un enseignement et d’une formation pratique dans un domaine spécialisé. 

Si une personne est un expert, elle a un intérêt individuel pour le domaine en question et possède un large bagage de connaissances sur le sujet. Par conséquent dans nos classes, seulement une minorité d’élèves sera susceptible de ressentir un réel intérêt individuel pour les matières enseignées.



Intérêt et orientation


L’intérêt a un impact sur l’attention, les stratégies d’apprentissage et l’établissement d’objectifs dans le sens où ces trois éléments s’intensifient parallèlement à la progression de celui-ci.

L’intérêt va de pair également avec la curiosité et le sentiment d’auto-efficacité. Par ce biais, il contribue largement aux choix d’orientation.

À l’opposé, les élèves deviennent également incapables d’éprouver de l’intérêt lorsqu’ils se sentent mal à l’aise ou menacés dans leur bien-être. Des difficultés extérieures à l’école peuvent ainsi miner leur engagement qui dépend de l’intérêt.

L’intérêt prédit le choix des filières suivies par un élève et il se combine avec des facteurs externes pour prédire les résultats scolaires.

Lorsque les élèves choisissent une orientation qui va ébaucher et préciser de plus en plus les domaines dans lesquels ils souhaitent évoluer par la suite, il est fondamental que l’intérêt individuel s’installe et se développe.

Les élèves des dernières années d’études secondaires peuvent développer un intérêt situationnel soutenu pour des contenus pour lesquels ils avaient auparavant peu de sentiments ou peu de connaissances :
  • Ces élèves peuvent passer assez rapidement d’un intérêt situationnel à ce qui pourrait être identifié comme un intérêt individuel émergent. 
  • Ils le font en identifiant une raison d’être intéressé et en trouvant des moyens d’augmenter la probabilité de continuer à poursuivre le contenu. Ils règlent ainsi leur propre intérêt et leur propre plaisir ressenti. 
  • Dans cette situation, la décision d’un élève de travailler au développement de ses connaissances dans un domaine particulier est un choix et implique une attention et des efforts ciblés.

Les élèves ont également besoin de modèles de personnes qui s’engagent sérieusement dans les questions d’une discipline pour laquelle ils développent un intérêt.

Dans une perspective d’orientation, la découverte d’un intérêt situationnel et son éventuelle évolution vers un intérêt individuel est la période la plus difficile et la plus incertaine. L’investissement de l’élève qui en découle dépend de la réussite qu’il rencontre et de la satisfaction qu’il ressent. Ce processus pourra valider ou non ses choix personnels. De plus, ce processus doit s’accompagner d’un cheminement progressif vers une expertise et d’une internalisation des démarches d’apprentissage qui doivent devenir autorégulées.



Intérêt et cran (grit)


Un facteur parfois mis en évidence en lien avec l’intérêt est le cran. Le cran correspond à la ténacité, à la détermination manifestée, à la résilience face aux aléas, qui font qu’un élève va tenir bon, s’accrocher, conserver sa motivation et son intérêt. 

Vu l’intérêt du cran, la question de son instrumentalisation s’est posée. Pouvons-nous par des interventions ciblées augmenter le cran des élèves et par conséquent leur intérêt et leurs résultats ?  

Le cran, grit en anglais est une force, un concept, précisément conceptualisé et défini par Angela Duckworth, une chercheuse en psychologie américaine et professeure d’université. Elle le définit comme la passion et la persévérance dans la poursuite d’objectifs particulièrement à long terme. Elle a écrit un livre sur le sujet, Grit : The Power of Passion and Perseverance  (L’art de la niaque, dans sa traduction française), qui est devenu un best-seller. 

Elle a montré que le cran serait un facteur commun caractéristique d’élèves qu’elle a étudiés et qui ont obtenu de très bons résultats. De même, selon ses recherches, le cran serait aussi important que le QI ou le statut socio-économique en matière d’impact pour un individu. 

Angela Duckworth s’est concentrée sur la façon dont cette force peut être développée chez les adolescents dans le but d’accroitre leurs accomplissements en contexte scolaire, au-delà du simple développement de facteurs cognitifs. L’idée serait que nous pourrions par des interventions augmenter, le cran, c’est-à-dire la détermination, la persévérance, la résilience d’individus face à la difficulté. 

Cependant même si le concept est séduisant, les recherches et méta-analyses réalisées sur ce thème n’ont apporté aucune preuve que le cran peut être lié à une performance supérieure ni qu’il peut être développé. 

L’idée d’Angela Duckworth était que le cran permet de surmonter plus facilement les obstacles qui se dressent devant nous et augmente nos perspectives de progrès et leur accessibilité.

Le cran ne semble pas être un facteur prédictif fiable d’un succès ultérieur, comparé à d’autres mesures plus traditionnelles comme le QI. De plus, des interventions qui visent à augmenter le cran d’un individu, sa passion et sa persévérance, ne se traduisent pas en une amélioration de ses performances. 

Le cran peut être utile à certains moments de l’existence d’un individu, mais ne constitue pas pour autant un facteur global déterminant pour la réussite sur lequel nous pourrions influer. 

Nous pouvons même supposer qu’à certains moments, avoir du cran peut même être contre-productif et amener à prendre des risques inconsidérés ou à gaspiller des ressources qui pourraient être mieux investies.

Un autre souci avec le cran est qu’il n’apporte rien de neuf. Il est redondant avec un autre concept en psychologie de la personnalité dont il n’est qu’une version réduite et biaisée, celui de la conscienciosité. 

La réalité est sans doute que le cran est pour la pédagogie un concept tout aussi fallacieux que le sont les styles d’apprentissage, la brain gym ou les intelligences multiples. Le succès scolaire exige bien davantage que du cran, trop simple mélange de passion et de persévérance. Pour être les meilleurs, les adolescents doivent être dotés d’aptitudes sociales, leur permettant de tisser des relations solides autant avec leurs professeurs qu’avec leurs camarades, et leur attention doit se distribuer entre différents types de défis.

La passion, les intérêts, ne sont pas des choses que nous pouvons forcer où manipuler chez un élève. Nous ne pouvons pas les choisir pour eux. Il s’agit d’objectifs à long terme pour lesquels l’élève est censé se passionner, il faut donc que les différentes approches restent très ouvertes. 



La conscienciosité comme atout pour l’intérêt


La conscienciosité ou conscience est un trait de personnalité mis en évidence au travers du modèle des Big Five ainsi que du modèle HEXACO. 

À la différence du cran dont nous venons de parler, le trait de personnalité qu’est la conscienciosité dispose d’un large support de recherches. Il est corrélé à des indices tels que la longévité, l’état de santé, la stabilité conjugale, la réussite scolaire.

Les individus consciencieux :
  • Sont généralement efficaces, organisées et fiables. 
  • Ont tendance à développer des caractères comme le conformisme, le perfectionnisme.
  • Présentent une tendance à l’autodiscipline, à la prudence et à la vigilance
  • Agissent loyalement
  • Visent la réalisation d’un objectif

Les gens qui obtiennent de faibles résultats sur l’échelle de la conscienciosité :
  • Ont tendance à être décontractés, moins orientés vers des buts précis, et moins attirés par le succès.
  • Privilégieraient le travail vite fait et désorganisé.

Il est évident que la conscienciosité est un trait favorable au développement des intérêts individuels. Une autre différence entre la conscienciosité et le cran et que les tenants du premier concept ne prétendent pas que l’on peut concevoir des interventions pour l’augmenter. En effet, il serait troublant de prétendre vouloir changer la personnalité de quelqu’un, qui plus est des élèves. Cran, comme conscienciosité échappent donc à la gamme des facteurs scolaires influençables. 







Mis à jour le 04/11/21

Bibliographie 


Hidi, S., & Renninger, K. A. (2006). The Four-Phase Model of Interest Development. Educational Psychologist, 41(2), 111–127.

Daniel Willingham, Interview, p5-8, researchED, Issue 1, 2018 

Wikipedia contributors, “Angela Duckworth,” Wikipedia, The Free Encyclopedia, https://en.wikipedia.org/w/index.php?title=Angela_Duckworth&oldid=903177361 (accessed July 8, 2019).

Daniel Engber, Avoir du cran est-il la vraie clé de la réussite ? 2016, http://www.slate.fr/story/127580/cran-vraiment-cle-du-succes

Conscienciosité. (2021, février 7). Wikipédia, l’encyclopédie libre. Page consultée le 20 h 39, février 7, 2021 à partir de http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Conscienciosit%C3%A9&oldid=179685158.

Yana Weinstein, Megan Sumeracki, Understand how we learn, David Fulton, 2019

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