vendredi 30 octobre 2020

De la perception à la représentation en enseignement explicite

Qu’est-ce que le processus de représentation en mémoire au départ de la perception ? Comment un enseignement explicite le favorise-t-il en classe ?

(Photographie : Sébastien Chou)


Le processus de représentation au départ de la perception


Les élèves développent de nouvelles connaissances au départ de stimuli perçus dans leur environnement. C’est grâce à leurs connaissances antérieures, préalables, structurées au sein de schémas cognitifs contenues dans leur mémoire à long terme qu’ils arrivent à comprendre et à donner du sens et de la cohérence à leurs perceptions.

Le processus est lent, il impose de fabriquer du sens, de se construire des représentations symboliques. 

L’interprétation se fait à travers la génération d’une représentation. La représentation correspond à différents formats de connaissances qui sont conceptuelles, factuelles ou procédurales, associées avec une forme textuelle ou imagée. 

Une représentation activée en mémoire de travail ou à partir de la mémoire à long terme forme l’interface entre l’environnement et les connaissances préalables. 



(source : Velmans, Max. [2017])


Dès lors, nous ne pouvons comprendre, interpréter, appréhender une situation, un phénomène, une explication qu’à travers le prisme de nos connaissances antérieures, à travers notre capacité à faire le lien avec ce que nous connaissons déjà. Lorsque nous voyons un chat, nous activons la représentation d’un chat que nous avons en mémoire à long terme.

Chaque nouvelle activité ou situation demande donc d’activer les connaissances préalables pertinentes et adéquates afin de construire du sens.




L’importance du mode simultané de l'enseignement explicite en soutien du processus de représentation et de consolidation en mémoire


Pour faciliter l’apprentissage à l’échelle d’une classe, il est intéressant de pouvoir harmoniser et synchroniser les processus de représentation entre les élèves par l'intermédiaire du guidage de l'enseignant. Cette réalité montre l’utilité d’avoir des classes de niveau et le fait d’avancer de la même manière avec toutes les élèves sur un nouveau contenu. En effet, les besoins en matière d’acquisition et de pratique en fonction des connaissances préalables seront similaires. 

Dans cette optique, l'enseignement explicite se montre l'héritier du mode simultané privilégié comme approche pédagogique au sein de la tradition pédagogique lasallienne dès le XVIIe siècle.

Cette approche de l’enseignement permet de tenir compte du fait que dans une situation d’enseignement, les élèves ne vont jamais travailler exactement sur les activités d’apprentissage telles qu’elles sont prévues ou conçues par l’enseignant :

  • Les élèves interprètent la situation en fonction de leur niveau de connaissance à ce moment-donné en incorporant de nouvelles connaissances modelées par l'enseignant à leurs connaissances préalables.
  • Les élèves vont aborder les activités d'apprentissage avec le sens qu’ils en extraient, en fonction de l'objectif d'apprentissage explicité et identifié, et du guidage de l'enseignement.
  • Les élèves construisent peu à peu leur représentation de l’activité et s'approprient les procédures, ce qui en permettre l'apprentissage. 

Un enseignement très structuré, explicite et guidé par l’enseignant favorise grandement ce processus et permet d’accroitre l’homogénéité des représentations et la facilite. 

La planification de l’enseignement en vue d’aboutir à un apprentissage durable tient compte des spécificités de l’architecture cognitive. L’enseignant précise l’objectif d’apprentissage, guide les élèves vers l’information à saisir, favorise la réactivation de connaissances antérieure et favorise le traitement des nouvelles. 

Lorsqu’un élève s’investit dans une activité d’apprentissage guidée par l’enseignant, les stimuli sensoriels sélectionnés sont transformés en perceptions. Ces perceptions sont analysées et traitées en rapport avec les connaissances activées en mémoire à long terme. Avec le soutien de l’enseignant, l’élève cherche à se construire un sens, à faire émerger une compréhension. Il se construit une représentation de ce que l’enseignant lui propose.

Le processus de l’enseignement explicite commence par le modelage, se poursuit par la pratique guidée, enchaîne par de la pratique autonome jusqu’à ce que l'élève puisse prendre pleinement la responsabilité de ses apprentissages. 

Tout au long de ce processus, un facteur fondamental sera la pratique de la vérification de la compréhension par l’enseignant. Elle est fondamentale en enseignement explicite, car elle va permettre de vérifier la précision et l’exactitude des représentations des élèves, au fur et à mesure qu’elles se construisent et s’élaborent. S’il repère une erreur ou une imprécision dans la représentation que l’élève va exprimer en retour, l’enseignant offre une rétroaction correctrice.

Le rôle explicatif de l’enseignant ne se limite pas lors du modelage, à un simple rôle de transmission. Il faut un accompagnement à long terme de l’élève avec retour d'information, à chacune des étapes ultérieures de la construction des connaissances.

Une vérification régulière et systématique de la compréhension par l’enseignant va tenir compte des difficultés mises en évidence face à la nouvelle matière et adapter l'enseignement pour réduire les écarts. Elle va détecter et diagnostiquer des déficits en connaissances antérieures qu’il va falloir combler, mais également des conceptions erronées dans les représentations. L’acquisition des connaissances est loin d’être un processus exact. Avec l’oubli qui en est une composante intrinsèque, il s’accompagne d’imprécisions et d’erreurs parfois aléatoires. 

Un niveau élevé de succès au terme de la pratique guidée pour un élève n’est en rien une garantie d’apprentissage à long terme. L’enseignant doit donc continuer à apporter son support et son guidage durant les phases suivantes en exploitant les diverses pratiques de récupérations qui lui sont disponibles et lui semblent pertinentes. L'apprentissage s’établit à long terme avec des devoirs et des occasions de récupération dans une perspective de consolidation. Il s’agit de prendre conscience en tant qu’enseignant que les champs de l’enseignement explicite et de la science de l’apprentissage se recouvrent très largement et se complètent mutuellement.

Le processus de l’enseignement explicite a pour objectif de poursuivre le traitement des nouvelles représentations et leur intégration aux schémas cognitifs en mémoire à long terme. Ceux-ci sont appelés à se réorganiser, à se développer, à gagner en profondeur, en automaticité, en fluidité et en flexibilité. 

Apprendre, c’est réorganiser, c’est intégrer, puis c’est récupérer régulièrement, consolider et reconsolider. Apprendre, c’est généraliser peu à peu de nouvelles connaissances, de proche en proche, transférer dans des contextes de plus en plus larges en fonction des expériences.


Mis à jour le 17/02/2023


Bibliographie


Clermont Gauthier, Steve Bissonnette et Mario Richard, Enseignement explicite et réussite des élèves, 2013, De Boeck

Velmans, Max. (2017). What and where are conscious experiences? Dualism, reductionism and reflexive monism.

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