dimanche 9 septembre 2018

Résumer et synthétiser : des stratégies cognitives à enseigner explicitement ! (partie 1 : caractéristiques et enjeux)

Le développement de la capacité à résumer et à synthétiser les informations contenues dans des documents est un enjeu en éducation. De même, il s’agit d’une des stratégies d’organisation des ressources et plus largement d’étude, privilégiée par une partie conséquente des élèves.

Quelles sont ses finalités, ses caractéristiques, ses qualités et les faiblesses inhérentes à la pratique du résumé ? Pourquoi constitue-t-elle un objet d’apprentissage en elle-même ?

(photographie : Antonis Theodoridis)


Autorégulation et stratégies cognitives


Un des objectifs de l’éducation est d’apprendre aux élèves à devenir des apprenants actifs et autonomes. Il s’agit d’un facteur important de réussite scolaire et professionnelle à long terme.

Un élève qui apprend à s’autoréguler devient plus conscient de ses forces et de ses limites. Il lui est possible de surveiller, de réfléchir et d’influer sur son comportement et ses stratégies. Il devient plus capable de déterminer si ses objectifs sont atteints, en évaluant les écarts et en établissant les démarches à suivre pour les combler.

L’acquisition de stratégies cognitives supporte la réussite scolaire globale, car elle augmente l’autorégulation des élèves. Les stratégies apprises à l’école peuvent avoir un effet positif à long terme sur la réussite scolaire.

L’autorégulation de l’apprentissage est un processus dynamique par lequel l’élève planifie, surveille et évalue et pilote ses stratégies cognitives. Les élèves doués utilisent généralement beaucoup les compétences d’autorégulation.

Les élèves à faible rendement sont inefficaces parce qu’ils utilisent des stratégies superficielles, s’appuyant sur le traitement de surface avec des informations qui ne sont pas profondément intériorisées.

L’autorégulation pose un défi et des difficultés pour de nombreux élèves.

Le fait de disposer d’un panel pauvre en matière de stratégies cognitives ou de ne pas les maîtriser complètement peut entraîner des difficultés d’apprentissage à moyen et long terme.



La capacité à résumer et à synthétiser, un enjeu d’éducation


Le développement de la capacité à résumer et à synthétiser contribue positivement à l’autorégulation de l’apprentissage chez l’élève

Le fait d’être peu efficace dans la réalisation de synthèses peut empêcher les élèves d’atteindre la réussite scolaire dans l’enseignement supérieur ou même en fin de secondaire. Il s’agit en effet d’une compétence importante.

La capacité de résumer et synthétiser fait également partie des types de compétences que beaucoup de jeunes adultes utiliseront lorsqu’ils entreront sur le marché du travail.

Dans un cadre professionnel, à des degrés divers, il est nécessaire d’avoir de bonnes capacités d’observation, de communication, de synthèse et d’acquisition de nouvelles compétences.



Du résumé à la synthèse


Le résumé peut être présenté comme une version condensée, réduite et objective d’un texte. Il exige un effort pour dégager et utiliser l’essentiel, éliminer le superflu.

Nous pouvons également considérer le résumé comme un traitement de l’information. Le résumé a pour visée de rendre explicites les idées principales d’un document, qui peuvent parfois être implicites.

Si la démarche est poussée jusqu’au bout, nous arrivons à la notion de synthèse. Celle-ci a pour objet l’établissement d’une structure et de liens entre des idées puisées dans plusieurs documents ou dans plusieurs endroits d’un long document.

La synthèse implique un traitement de l’information plus approfondi et présente un intérêt plus important. La simple compétence de réduction de la longueur d’un texte est rarement attendue. Celle qui est cruciale est la compétence de synthèse et de réorganisation des idées. Elle est fondamentale dans l’enseignement supérieur et dans bon nombre de domaines professionnels.

Dans la suite du document, l’accent sera mis sur le résumé dans la perspective de la synthèse plutôt que de celle de réduction de texte.



Trois finalités du résumé


Premièrement, dans le contexte scolaire, les élèves se retrouvent parfois à devoir traiter et assimiler une matière présentée sous forme de textes longs. Cela nécessite le développement de la capacité à repérer les idées principales et à faire des liens entre elles pour faciliter l’apprentissage. Dans ce cas, le résumé n’est pas un but en soi, mais un moyen.

Deuxièmement, les enseignants peuvent vouloir que leurs élèves résument des documents parce que le résumé peut être un objectif pédagogique du cours en soi. Dans ce cas, le résumé est une technique de compréhension et de production d’une synthèse. La pratique du résumé est alors une finalité de l’enseignement.

Troisièmement, si un cours impose une prise de notes, le résumé trouve une nouvelle expression en tant que stratégie d’étude. La prise de notes est définie comme le processus de capture des idées et concepts clés dans un format condensé. Résumer les notes est une stratégie d’étude que les élèves très performants utilisent pour se préparer à un test. Lorsque des élèves résument leurs notes, ils revoient leurs notes, les réécrivent et omettent les parties moins importantes, ils créent ce qu’on appelle des notes de synthèse.



Outil de compréhension


La pratique du résumé guide le développement de la compréhension. Les lecteurs efficaces sont censés former un résumé mental des informations importantes qu’ils lisent. Une lecture efficace implique que le lecteur soit sensible à l’organisation des idées spécifiques au texte, car cela l’aide à choisir l’essentiel du texte.

Le résumé, comme la prise de notes, stimule plus l’apprentissage et la rétention qu’une simple lecture ou du recopiage mot à mot des éléments essentiels. Le fait de rédiger un résumé exige que nous nous occupions du sens et de l’essentiel du contenu, et d’en extraire le sens et l’essence. Le résumé est l’une des méthodes les plus efficaces pour la compréhension de la lecture.

Si les élèves ne peuvent pas résumer un texte de façon appropriée, nous considérons souvent qu’ils ont mal compris le texte. Ces élèves peuvent avoir de la difficulté à identifier une idée principale ou à comprendre qu’elle est étayée par des détails ou des exemples. En ce sens, le résumé peut être utilisé comme mesure de la compréhension et comme moyen d’améliorer la compréhension.

Les élèves qui utilisent la prise de notes et le résumé obtiennent systématiquement de meilleurs résultats dans les évaluations scolaires que les élèves qui ne prennent pas de notes, tout autre paramètre égal. Les effets de la prise de notes et du résumé sont toujours positifs dans toutes les matières et toutes les années d’études.



Intérêt en tant que stratégie d’apprentissage


En plus de faciliter l’extraction du sens, le résumé stimule également le traitement organisationnel. L’extraction de l’essentiel d’un texte exige que les élèves développent une vue d’ensemble et se fassent une idée des liens entre des parties différentes. À l’opposé, une simple lecture ne peut offrir ce même recul et le traitement organisationnel que permet le résumé. Le résumé permet un traitement plus actif.

Le résumé facilite l’apprentissage parce qu’il aide les lecteurs à clarifier le sens et la signification du contenu traité. Lorsque nous demandons aux élèves d’écrire un résumé d’une phrase après chaque paragraphe après la lecture, ils manifestent une mémorisation considérablement accrue.

Les résumés bien faits identifient les points principaux d’un texte et en saisissent l’essentiel tout en excluant le matériel peu important ou répétitif. Quand ils font une démarche de synthèse, les élèves repèrent et organisent les idées principales.

La maîtrise de la structure du texte aide à identifier l’information importante et à éliminer les détails inutiles et est également liée à l’habileté de faire des généralisations, à structurer et organiser les idées principales.

Les personnes qui résument bien maîtrisent les techniques de lecture. Elles trouvent d’abord un sens dans le texte et découvrent comment les différentes parties du texte sont reliées entre elles. Elles consacrent beaucoup plus de temps à la lecture, à la planification et à la réorganisation qu’à l’écriture. Un résumé efficace exige une pratique récursive, en va-et-vient, qui importe de relire, de réécrire, réfléchir et comparer les divers aspects essentiels.

Mais la réalisation de ces résumés est-elle une bonne manière d’étudier ?



Limitations en tant que stratégie d’apprentissage


Il est difficile de généraliser sur les qualités du résumé en tant que stratégie d’apprentissage bénéfique, car il s’agit d’une pratique très variable, en fonction des caractéristiques de l’élève et celle des contenus traités.

Si un résumé ne met pas l’accent sur les points principaux d’un texte, ou s’il contient des informations incorrectes, comment serait-il bénéfique pour l’apprentissage et la rétention ?

Une faille évidente s’impose d’emblée. Au plus un élève rencontrera des difficultés de compréhension, au plus faible sera la qualité de son résumé. Au moins, celui-ci sera utile à l’apprentissage. L’opposé étant également, l’utilisation du résumé, si elle est une norme obligatoire pour l’apprentissage d’un cours, est susceptible d’accroitre les écarts entre les élèves.

La stratégie du résumé est plus efficace que des stratégies de bas niveau comme la relecture ou le surlignage. La seule préoccupation serait de savoir si ces élèves pourraient être mieux servis par une autre stratégie.

Les avantages du résumé ne sont donc pas universels, il s’agit d’une stratégie d’organisation et donc de plus bas niveau qu’une stratégie d’élaboration (voir la classification des stratégies).

Une stratégie comme la pratique distribuée qui regroupe l’effet de test (pratique de récupération) et l’effet d’espacement, surpasse cependant largement les performances du résumé.

La pratique du résumé et de la synthèse n’a d’intérêt que lorsqu’elle est associée et complémentaire à d’autres stratégies d’élaboration ou démarches métacognitives.



Nécessité d’une maîtrise


Si le résumé est imparfait, l’élève risque d’avoir un apprentissage incomplet et laisser de côté une part non négligeable des connaissances et compétences visées. Dans quelle mesure ne se transforme-t-il pas par un appauvrissement du contenu ?

Si le résumé ne traduit pas la matérialisation de liens et d’inférences au sein des contenus centraux, quelle garantie avons-nous que les élèves les repèrent tous et toutes ?

Si la capacité de réaliser un résumé de qualité est utile pour la compréhension, encore faut-il savoir comment résumer.

Une question délicate concerne la mise en œuvre de la stratégie avec des élèves qui ne sont pas compétents. Les élèves ayant de faibles résultats utilisent peu de stratégies d’études en autorégulation, ce qui se traduit par une mauvaise qualité d’apprentissage. Les élèves ayant de bons résultats emploient davantage de stratégies d’études en autorégulation dans différents contextes.

Les élèves ont besoin d’être formés pour bénéficier du résumé et de la synthèse. Il s’agit d’une stratégie d’apprentissage efficace pour les élèves qui sont capables de l’utiliser. Une mobilisation optimale de cette stratégie est conditionnée à une formation préalable. Cette formation doit avoir lieu dans différentes matières. Un résumé en biologie ne ressemblera pas à un résumé en histoire ou en mathématiques.

Les enseignants qui enseignent les stratégies d’étude ont un plus grand impact sur les résultats des élèves et sur leur performance globale — en particulier pour les élèves dont les résultats sont faibles ou modérés.

La formation à cette stratégie se doit donc d’être abordée dans le cadre d’un enseignement efficace et devrait déjà être entamée avant d’entrer à l’école secondaire et se poursuivre par la suite. Cela afin que les élèves soient préparés à un apprentissage de niveau supérieur.

Il est donc pertinent et utile de s’assurer de la capacité des élèves à résumer, d’enseigner et d’enrichir explicitement leur technique.

Néanmoins, en matière d’efficacité en tant que méthode d’études, le résumé a tendance à se situer au milieu du peloton par rapport à d’autres techniques. De plus, il ne doit pas prendre le pas sur d’autres stratégies cognitives aussi ou plus performantes. Une vision d’ensemble s’impose.


Voir partie 2.


Mis à jour le 04/09/2022

Bibliographie


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https://repository.usfca.edu/diss/316

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