lundi 16 juin 2025

Développement socioémotionnel et approche démocratique de la gestion du comportement

La réussite scolaire et le développement socioémotionnel peuvent être considérés comme objectifs principaux de l’éducation.

La réussite scolaire est généralement évaluée par des tests standardisés ou une évaluation sommative continue d’un apprentissage codifié par un programme scolaire. Cette dimension est claire et explicite. Le développement socioémotionnel est moins explicite.

(Photographie : plains flora)


Le développement socioémotionnel


Le développement socioémotionnel est rendu possible par un soutien et une structure au sein des écoles. Il a un effet positif sur la réussite scolaire à travers les attitudes adoptées par les élèves.

Ce que le développement socioémotionnel représente est cependant moins explicite et plus englobant que la réussite scolaire. 

Les compétences sociales et émotionnelles constituent un terme général et souvent flou. Elles font référence aux connaissances, aux croyances, aux valeurs, à la socialisation, à la responsabilisation, à la citoyenneté et aux comportements associés à l’autodiscipline et au bien-être émotionnel des élèves. 



Le modèle CASEL 5 du développement social et émotionnel


Le modèle CASEL 5 est un cadre conceptuel développé par le Collaborative for Academic, Social, and Emotional Learning (CASEL). Il s’agit d’une organisation de recherche et de pratique à but non lucratif basée aux États-Unis www.casel.org).

Ce modèle est devenu une référence mondiale pour comprendre et mettre en œuvre l’apprentissage socioémotionnel. 

Le modèle CASEL 5 identifie cinq grandes compétences interdépendantes que les élèves (et les adultes) peuvent développer et utiliser dans différents domaines de leur vie : à l’école, à la maison et au-delà. Ces compétences sont essentielles pour la réussite scolaire, le bien-être personnel, les relations positives et la citoyenneté responsable.

Le modèle CASEL 5 fournit un langage commun et un cadre clair pour les éducateurs, les parents et les décideurs politiques qui souhaitent intégrer l’apprentissage social et émotionnel dans les écoles. Il met en évidence que ces compétences sont aussi cruciales que les compétences académiques pour le développement global de l’élève et sa réussite à long terme. 

Le CASEL 5 repose sur cinq compétences interconnectées qui permettent aux élèves (et aux adultes) de développer leur intelligence émotionnelle, leurs compétences sociales et leur bien-être global. 

La conscience de soi :
  • C’est la capacité à comprendre ses propres émotions, pensées et valeurs, et la façon dont elles influencent le comportement.
  • Elle inclut l’évaluation précise de ses émotions, de ses forces et de ses limites, et la confiance en soi. Elle amène à comprendre l’impact de son stress sur ses décisions.
  • L’objectif est d’avoir une image positive de soi et de la confiance en ses capacités.
La gestion de soi : 
  • C’est la capacité à réguler ses émotions, pensées et comportements de manière efficace dans différentes situations. 
  • Elle inclut la gestion du stress, la maîtrise de soi, la motivation, la fixation et la réalisation d’objectifs, et la prise d’initiative. Elle amène à gérer sa colère et ses impulsions, persévérer sur une tâche difficile, s’organiser pour atteindre un objectif scolaire, demander de l’aide quand nécessaire.
La conscience sociale :
  • C’est la capacité à prendre la perspective des autres et à faire preuve d’empathie, y compris pour ceux issus de milieux divers. 
  • Elle inclut la compréhension des normes sociales et éthiques de comportement, et la reconnaissance des ressources et du soutien familial, scolaire et communautaire.
  • C’est comprendre le point de vue d’un ami, reconnaître les besoins des autres, montrer de la compassion, comprendre les perspectives et les émotions des autres, y compris ceux issus de cultures ou de milieux différents.
Les compétences relationnelles :
  • C’est la capacité à établir et à maintenir des relations saines et gratifiantes avec des individus et des groupes divers.
  • Elle inclut une communication claire, l’écoute active, la coopération, la résistance aux pressions sociales inappropriées, la négociation constructive des conflits et la capacité à demander ou à offrir de l’aide.
  • C’est apprendre à travailler efficacement en groupe, résoudre un désaccord avec un camarade, construire des amitiés solides, communiquer ses besoins respectueusement.
La prise de décision responsable :
  • C’est la capacité à faire des choix constructifs concernant son comportement personnel et ses interactions sociales, basés sur des considérations éthiques, la sécurité et le bien-être de soi-même et des autres. 
  • Elle inclut l’identification des problèmes, l’analyse des situations, la résolution de problèmes, l’évaluation des conséquences et la réflexion sur les valeurs personnelles.
  • C’est choisir de ne pas tricher à un examen, être prudent sur les réseaux sociaux, réfléchir aux conséquences de ses actions avant d’agir, contribuer positivement à sa communauté. C’est prendre en compte les conséquences à court et long terme de ses décisions.
Ces cinq compétences sous-tendent l’autodiscipline. 



L’autodiscipline


L’autodiscipline fait référence aux élèves qui régulent leur propre comportement avec un minimum de surveillance et de contrôle de la part des adultes (Bear, 2010). L’autodiscipline peut être liée aux concepts d’autorégulation du comportement.

L’autodiscipline comprend une composante morale, elle implique pour un individu :
  • De savoir ce qui est bien. 
  • De vouloir faire ce qui est bien.
  • De faire ce qui est bien.
L’autodiscipline inclut :
  • L’inhibition ou la régulation d’un comportement antisocial, irrespectueux et nuisible
  • La responsabilité de ses actes.
  • Des comportements prosociaux tels que l’entraide, le respect et le souci des autres 
L’ajout de la composante morale souligne que l’autodiscipline comme la responsabilité citoyenne ne doivent pas être motivées par un raisonnement moral égocentrique ou hédoniste basé sur des récompenses externes ou la peur de la punition.

L’autodiscipline se base sur : 
  • La compréhension de l’impact de notre comportement sur les autres (à la fois individuellement et collectivement)
  • L’anticipation des sentiments de culpabilité.
  • L’appréciation des règles, des lois, des droits de propriété et des principes moraux de confiance, de respect et d’honnêteté.



La santé mentale


La compétence sociale et émotionnelle inclut la santé mentale. La santé mentale consiste en l’absence de troubles mentaux ou comportementaux, la présence d’un bien-être subjectif, ou le bonheur et la satisfaction dans la vie, et la capacité à faire face à l’adversité.

La santé mentale exige que les besoins psychologiques des élèves en matière de relation, de compétence et d’autonomie soient satisfaits :
  • Les individus interagissent positivement avec les autres et ressentent un sentiment d’appartenance ou de lien avec eux.
  • Les individus sentent compétents dans les domaines importants de leur vie.
  • Les individus éprouvent un sentiment d’autonomie.
La compétence sociale et émotionnelle des élèves, ou santé mentale est positivement liée à leur réussite scolaire, bien que l’association ait tendance à être faible (O’Connor, Cloney, Dvalsvig et Goldfeld, 2019).



Un modèle général reliant la réussite scolaire, le développement socioémotionnel et le climat scolaire


(Bear, 2020)

La réussite scolaire et le développement socioémotionnel sont influencés par de multiples facteurs dans la vie des élèves. Le climat scolaire en fait partie.

La structure et le soutien social et émotionnel influencent directement et indirectement la réussite scolaire et les compétences sociales et émotionnelles par leur impact sur l’engagement et le sentiment de sécurité. 

Les relations sont bidirectionnelles. Cependant, les influences du climat scolaire sur les résultats scolaires sont plus fortes que celles des résultats scolaires et des compétences sociales et émotionnelles sur le climat scolaire.



Une approche démocratique de la gestion de la classe et de la discipline scolaire 


Dans le cadre de ses recherches sur le style parental, Dana Baumrind (2013) a mis en évidence l’existence de trois styles qu’un quatrième est venu compléter par la suite.

Styles parentaux (Baumrind, 1971 ; Maccoby et Martin, 1983)


Exigences élevées

Exigences faibles

Réactivité élevée

Style démocratique ou directif (de l’anglais authoritative)

Style permissif ou non directif

Faible réactivité

Style autoritaire ou autocratique (de l’anglais authoritarian)

Style distant, désengagé, ou négligent dans les cas extrêmes


Le style démocratique, le style permissif et le style autoritaire peuvent être considérés dans le cadre du climat et de la discipline scolaires. 

Ce qui distingue ces trois styles est la mesure dans laquelle chaque style est caractérisé par une combinaison différente de réactivité et d’exigence. 

Les styles parentaux les moins efficaces sont le style autoritaire et le style permissif. Les parents autoritaires sont très exigeants, mais peu réactifs, et les parents permissifs sont très permissifs, mais peu exigeants. 

Les parents démocratiques sont exigeants dans les deux dimensions, ce qui se révèle bénéficiaire. Comparativement aux enfants de parents permissifs et autoritaires, les enfants de parents démocratiques obtiennent de meilleurs résultats scolaires et manifestent plus de comportements prosociaux et moins de comportements antisociaux (Steinberg, Elmen et Mounts, 1989).


Le style démocratique en gestion de classe


Les recherches dans les domaines de la gestion de la classe et de la discipline scolaire supportent également les avantages d’un style démocratique (Bear, 2015). 

Les enseignants efficaces manifestent des exigences élevées et s’efforcent d’établir et de maintenir des relations positives et de soutien avec les élèves, entre les élèves, et entre la maison et l’école. 

Ils prennent des mesures supplémentaires de manière délibérée pour répondre aux besoins des élèves. Ces démarches favorisent et soutiennent le développement des compétences sociales et émotionnelles qui sous-tendent l’autodiscipline.

Les enseignants adoptant un style démocratique attendent des élèves qu’ils fassent preuve d’autodiscipline et exigent un comportement approprié. Ils comprennent que le soutien socioémotionnel et la structure sont étroitement liés et dépendent l’un de l’autre. Un équilibre sain entre les deux est nécessaire pour une gestion de classe et une discipline scolaire efficaces. 

Ils reconnaissent l’avantage lorsque les élèves perçoivent favorablement les relations enseignant-élève et élève-élève. Les élèves deviennent beaucoup plus motivés à suivre les règles et à intérioriser les valeurs et les normes prosociales que les écoles visent à communiquer (Hughes, 2002 ; Wentzel, 2002). 

Les enseignants faisant preuve d’un style démocratique sont lucides. Ils reconnaissent également que lorsque la structure fait défaut, comme en témoignent les faibles attentes comportementales et les règles et conséquences injustes, les élèves ont tendance à avoir peu de respect pour eux (McKnight, Graybeal, Yarbro, & Graybeal, 2016).


La question du contrôle dans le style démocratique


Lorsqu’un enseignant adopte un style démocratique fait d’une exigence et d’une réactivité élevées, il est amené à exercer une surveillance du comportement de l’élève qui passe par une manifestation d’un contrôle.

Baumrind (2013) distingue le contrôle confrontant du contrôle coercitif :
  • Le contrôle confrontant est exigeant, ferme et orienté vers un but. Le contrôle confrontant vise à obtenir une conformité volontaire.
  • Le contrôle coercitif est intrusif, manipulateur, punitif. Il sape l’autonomie et est restrictif (Patterson, 1982). Le contrôle coercitif entraîne une conformité réticente et parfois une désobéissance pure et simple. 
Le contrôle conflictuel remet en question les modes de pensée et les émotions, ainsi que l’absence de pensée et d’émotions, associés au comportement antisocial. C’est par exemple le fait de blâmer les autres et de trouver des excuses, d’agir de manière impulsive ou sous le coup de la colère. C’est également le fait de ne pas appliquer les compétences de son répertoire et de ne pas accepter la responsabilité de ses actes. L’objectif est d’aider à développer des schémas de pensée et des émotions qui inhibent le comportement antisocial et favorisent le comportement prosocial, dans l’espoir qu’ils soient appliqués à l’avenir.

Bien que les élèves soient encouragés à exprimer leurs propres opinions et à participer activement à la prise de décision, et que l’autonomie soit fortement valorisée, les actions néfastes ne sont jamais acceptées. Au contraire, elles sont toujours remises en question, et des sanctions sont imposées lorsque les élèves n’agissent pas de manière moralement responsable (Morris, Cui, & Steinberg, 2013).


Le style démocratique en lien avec le climat scolaire


Le modèle du style démocratique a été appliqué plus spécifiquement au climat scolaire, le soutien social et la structure étant reconnus comme ses deux principales composantes. 

La structure est assez similaire à l’exigence de Baumrind. Cependant, le soutien social diffère de la réactivité de Baumrind. Il met presque exclusivement l’accent sur les relations interpersonnelles tout en ne reconnaissant pas les autres façons dont les adultes sont réactifs aux besoins sociaux et émotionnels des élèves.

Lorsqu’on l’applique au climat scolaire, comme le rapporte Bear (2020), la recherche empirique a permis de montrer qu’un climat scolaire démocratique est associé à ce qui suit :
  • Moins de problèmes de comportement
  • Moins de renvois dans le cade de l’école 
  • Moins d’intimidation et de victimisation 
  • Moins d’agressivité des élèves envers les enseignants
  • Moins de comportements à risque, notamment le port d’arme et la consommation de substances
  • Moins d’absentéisme et de décrochage scolaire 
  • Un engagement accru
  • Une meilleure réussite scolaire

Mis à jour le 18/06/2025

Bibliographie


Bear, George G (2020).. Improving School Climate: Practical Strategies to Reduce Behavior Problems and Promote Social and Emotional Learning, Routledge

Bear, G. G. (2010). School discipline and self-discipline: A practical guide to promoting prosocial student behavior. New York: Guilford Press.

O’Connor, M., Cloney, D., Kvalsvig, A., & Goldfeld, S. (2019). Positive mental health and academic achievement in elementary school: New evidence from a matching analysis. Educational Researcher, 48, 205–216. doi:10.3102/0013189X19848724

Baumrind, D. (1971). Current patterns of parental authority. Developmental Psychology, 4, 1–103. doi:10.1037/h0030372 

Baumrind, D. (2013). Authoritative parenting revisited: History and current status. In R. E. Larzelere, A. S. Morris, & A. W. Harrist (Eds.), Authoritative parenting: Synthesizing nurturance and discipline for optimal child development

Maccoby, E. E., & Martin, J. A. (1983). Socialization in the context of the family: Parent–child interaction. In P. H. Mussen (Series Ed.) & E. M. Hetherington (Vol. Ed.), Handbook of child psychology: Vol. 4. Socialization, personality, and social development (4th ed., pp. 1-101). New York: Wiley.

Steinberg, L., Elmen, J. D., & Mounts, N. S. (1989). Authoritative parenting, psychosocial maturity, and academic success among adolescents. Child Development, 60, 1424–1436. doi:10.2307/1130932

Bear, G. G. (2015). Preventive classroom management. In E. T. Emmer & E. J. Sabornie (Eds.), Handbook of classroom management (2nd ed., pp. 15–39). New York: Routledge.

Hughes, J. N. (2002). Authoritative teaching: Tipping the balance in favor of school versus peer effects. Journal of School Psychology, 40, 485–492. doi:10.1016/S0022-4405(02)00125-5

Wentzel, K. R. (2002). Are effective teachers like good parents?: Teaching styles and student adjustment in early adolescence. Child Development, 73, 287–301. doi:10.1111/1467-8624.00406

McKnight, K., Graybeal, J., Yarbro, J., & Graybeal, L. (2016). The heart of great teaching: Pearson global survey of educator effectiveness. Upper Saddle River, NJ : Pearson.

Patterson, G. R. (1982). A social learning approach to family intervention: Vol. 3 : Coercive family process. Eugen, OR: Castalia Press.

Morris, A. S., Cui, L., & Steinberg, L. (2013). Parenting research and themes: What we have learned and where to go next. In R. E. Larzelere, A. S. Morris, & A. W. Harrist (Eds.), Authoritative parenting: Synthesizing nurturance and discipline for optimal child development (pp. 35–58, Chapter ix, 280 Pages). Washington, DC : American Psychological Association.

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