Nous travaillons et progressons dans le cadre d’un enseignement explicite de manière à ce que nos élèves aient de moins en moins besoin de nous face à ce que nous leur enseignons.

(Photographie : Seokmin Ko)
La prise en compte des compétences en apprentissage autorégulé dans la responsabilisation des élèves
Globalement, nous tendons vers l’apprentissage autorégulé ou autonome, ce qui dépend du développement de capacités de métacognition.
Les approches de métacognition et d’autorégulation visent à aider les élèves à réfléchir à leur propre apprentissage de manière plus explicite, souvent en leur enseignant des stratégies spécifiques de planification, de suivi et d’évaluation de leur apprentissage.
Selon l’EEF (2018), l’apprentissage autorégulé peut être divisé en trois composantes principales :
- La cognition : le processus mental impliqué dans la connaissance, la compréhension et l’apprentissage.
- La métacognition : souvent définie comme « apprendre à apprendre ».
- La motivation : volonté de mobiliser nos compétences métacognitives et cognitives.
Liens entre motivation et réussite scolaire
La motivation scolaire peut être définie comme l’ensemble des processus psychologiques qui déclenchent, orientent, maintiennent et régulent les comportements d’apprentissage chez les élèves.
Elle est intéressante d’un point de vue scolaire, car elle détermine pourquoi les élèves s’engagent dans des activités d’apprentissage, et permet de comprendre l’intensité de leur engagement et leur persévérance face aux difficultés.
Les liens entre la motivation et la réussite scolaire sont bidirectionnels et dynamiques. La motivation n’est pas un simple préalable à l’apprentissage. Elle est également influencée par les expériences d’apprentissage et les résultats obtenus. La motivation influence la réussite scolaire et la réussite scolaire influence la motivation.
Des théories générales sur le lien entre réussite et motivation
La théorie de l’autodétermination (Deci & Ryan [1985]) :
- Les individus ont trois besoins psychologiques fondamentaux : l’autonomie (se sentir maître de ses actions), la compétence (se sentir efficace dans ce qu’on fait) et l’affiliation sociale (se sentir connecté aux autres).
- La satisfaction de ces besoins favorise une motivation autonome, elle conduit à une meilleure performance scolaire, à la persistance dans l’engagement et au bien-être.
La théorie des attentes et de la valeur (Eccles et coll. [1983]) :
- Le choix de s’engager dans une tâche et la performance qui en résulte sont prédits par deux facteurs principaux
- Les attentes de succès :
- C’est la perception d’un individu quant à sa capacité à réussir la tâche.
- La valeur de la tâche :
- Elle représente l’importance ou l’intérêt perçu de la tâche pour la personne.
- Une forte motivation résulte de la combinaison d’attentes élevées, de succès et d’une valeur perçue élevée pour la tâche.
La théorie des buts d’accomplissement (Dweck (1986), Ames (1992)) :
- Il existe e différents types de buts que les élèves poursuivent :
- Les buts de maîtrise :
- L’objectif est de développer ses compétences, de progresser et de comprendre en profondeur.
- Les buts d’approche de la maîtrise sont associés à la persévérance, l’utilisation de stratégies efficaces et une meilleure performance à long terme.
- Les buts de performance :
- L’objectif est de démontrer sa compétence par rapport aux autres (approche de la performance) ou d’éviter de paraître incompétent (évitement de la performance).
- Les buts d’approche de la performance peuvent être bénéfiques pour des performances à court terme, mais sont plus fragiles face aux échecs et moins propices à l’apprentissage profond.
La théorie de l’auto-efficacité (Bandura (1986)) :
- L’auto-efficacité est la croyance d’un individu en sa capacité à organiser et exécuter les actions nécessaires pour atteindre un résultat donné.
- Des niveaux élevés d’auto-efficacité sont associés à une plus grande persévérance, un effort accru, une meilleure gestion du stress et, par conséquent, une meilleure réussite scolaire.
- Les sources d’auto-efficacité incluent les expériences de maîtrise passées, l’apprentissage vicariant (observation des pairs), la persuasion verbale et les états physiologiques et émotionnels.
La théorie des attributions causales (Weiner (1985)) :
- Elle se concentre sur les explications que les individus donnent à leurs succès et échecs. Ces attributions sont classées selon trois dimensions :
- Le lieu ou locus de causalité :
- Il est interne (capacité, effort) ou externe (chance, difficulté de la tâche).
- La stabilité :
- Le résultat est considéré comme stable (capacité, difficulté) ou modifiable (effort, chance).
- La contrôlabilité :
- Le résultat peut être vu comme contrôlable (effort) ou incontrôlable (chance, maladie).
- Attribuer les succès à des facteurs internes, stables et contrôlables (ex. : effort, compétences développées) et les échecs à des facteurs internes, instables et contrôlables (ex. : manque d’effort) favorise la motivation et la persévérance.
- Attribuer les échecs à un manque de capacité (interne, stable, incontrôlable) peut mener à un sentiment d’impuissance apprise.
Les dimensions du lien entre réussite et motivation
La motivation influence la réussite scolaire dans différentes dimensions :
- L’engagement :
- Participation active et prolongée dans les activités d’apprentissage.
- La persévérance :
- Relever les défis scolaires sur la longueur et ne pas abandonner face aux difficultés rencontrées.
- Les stratégies d’apprentissage :
- Privilégier des stratégies d’apprentissage plus profondes et plus efficaces (par exemple, élaboration ou pratique de récupération) plutôt que des stratégies superficielles (relecture ou soulignement).
- L’effort :
- Sa qualité (prolongé et soutenu) ainsi que la résistance à la distraction.
- La régulation des émotions :
- Des émotions positives (satisfaction, curiosité) facilitent l’apprentissage, tandis que des émotions négatives comme l’anxiété sont défavorables.
- L’intérêt :
- Au plus l’intérêt est personnel plutôt que situationnel, au mieux est la motivation.
Le sens du lien entre réussite et motivation
Si la relation entre motivation et réussite scolaire apparait bidirectionnelle, on peut se demander si les deux directions sont d’une force équivalente :
- Un élève motivé réussira mieux qu’un élève démotivé à capacités égales.
- Un élève qui réussit sera plus motivé qu’un élève qui échoue à capacités égales.
Comme Carl Hendrick (2017) l’a formulé, la motivation ne mène pas toujours à la réussite, mais la réussite par contre mène souvent à la motivation.
Dès lors, au lieu d’investir du temps dans le développement général de la motivation des élèves, les efforts des enseignants devraient être au contraire pleinement investis pour s’assurer que leurs élèves progressent sur le plan scolaire. En améliorant les apprentissages des élèves, nous pouvons plus sûrement accroître leur motivation à réussir et à progresser.
Favoriser l’autonomie des élèves
Selon Wiliam et Leahy (2015), dans le domaine de l’éducation, on part généralement du principe que la motivation intrinsèque est meilleure que la motivation extrinsèque :
- La motivation extrinsèque est régulièrement assimilée à des punitions, des félicitations et des récompenses.
- La motivation intrinsèque est présentée comme le nec plus ultra, l’élève s’investit naturellement.
La réalité est plus complexe. La motivation intrinsèque et la motivation extrinsèque ont toutes deux un rôle clair et important à jouer pour aider les élèves à devenir responsables et acteurs de leur propre apprentissage.
D’ailleurs, à la distinction entre motivation intrinsèque et motivation extrinsèque vient se substituer une distinction plus adaptée entre motivation autonome et contrôlée.
L’importance de l’apprentissage et de son contexte pour la motivation
Nous devons mettre l’accent sur l’efficacité de l’enseignement et la qualité de l’apprentissage qui en résulte pour développer la motivation. Ce faisant, nous aidons les élèves à s’approprier leur propre apprentissage et à développer leurs compétences d’autorégulation.
Cela passe par un enseignement explicite, avec des objectifs clairs et réalisables et un alignement curriculaire.
De même, l’enseignant délivre une rétroaction constructive centrée sur le processus et l’effort, et non seulement sur le résultat. Nous mettons l’accent sur le progrès personnel et l’apprentissage plutôt que sur la comparaison sociale des performances. Nous soutenons l’adoption de buts de maîtrise.
La conception pédagogique et un processus d’enseignement adaptatif permettent de confronter les élèves au bon niveau de défi :
- Si les tâches et le travail fixés s’avèrent trop faciles ou trop difficiles, cela peut avoir un impact négatif sur les niveaux d’engagement, d’enthousiasme et de motivation des élèves.
- Lorsque le niveau de défi est souhaitable et que la réussite est difficile, mais possible, cela peut motiver les apprenants à progresser, car cela nourrit en retour leur satisfaction.
Une autre dimension concerne l’appartenance sociale. Nous pouvons encourager la collaboration et créer un climat de classe positif et inclusif. De même, nous démontrons la pertinence et l’utilité des apprentissages auprès des élèves.
Nous renforçons l’auto-efficacité, en soulignant les progrès des élèves. Nous leur fournissons des modèles de réussite et nous leur enseignons des stratégies pour surmonter les obstacles. Nous aidons les élèves à attribuer leurs succès à l’effort et aux stratégies mobilisées, et leurs échecs à des facteurs modifiables.
Soutenir l’autoévaluation des élèves
Selon le rapport d’orientation de l’EEF (2018), les apprenants autorégulés sont conscients de leurs forces et de leurs faiblesses et peuvent se motiver pour s’engager dans leur apprentissage et l’améliorer.
Cette conscience de ses propres forces et faiblesses n’apparait pas spontanément. Elle provient de différentes actions liées à l’enseignement explicite, à l’évaluation formative et à la rétroaction dans lesquelles les élèves sont engagés.
Au fur et à mesure, les élèves comprennent ce qu’ils doivent apprendre et comment y parvenir. Ils s’engagent dans la pratique, reçoivent un retour d’information de l’enseignant et de leurs pairs tout au long du chemin pour atteindre un stade de confiance et d’autonomie.
La démarche n’est pas aussi évidente que ce qu’elle parait être de prime abord.
Certains enseignants peuvent émettre comme reproche qu’elle aide trop les élèves et les rend dépendants du soutien de l’enseignant. Il pourrait être plus utile de laisser les élèves se débrouiller seuls. De nombreuses recherches invalident toutefois ce point de vue.
Nous devons veiller à ce que les élèves assument la responsabilité et l’appropriation de leur apprentissage. Ils doivent le faire efficacement. Cela exige beaucoup de planification, d’explication, de modélisation, d’instruction et de soutien de la part de l’enseignant, ainsi que de l’investissement, de l’attention et des efforts de la part de l’élève.
La responsabilisation de l’élève face à ses apprentissages comme aboutissement de la démarche d’évaluation formative
Cette responsabilisation de l’élève face à ses propres apprentissages est l’aboutissement de la démarche d’évaluation formative.
Comme le mettent en évidence Wiliam et Leahy (2015), tous les autres volets de l’évaluation formative mènent en fin de compte à ce point :
- La compréhension des objectifs d’apprentissage
- L’utilisation de critères de réussite
- La communication des conditions d’évaluation
- Le retour d’information de la part des enseignants et des pairs.
Ces autres volets contribuent tous à ce qu’un élève se sente confiant et prêt à s’approprier son propre apprentissage. Cela prend du temps et demande beaucoup de travail, tant de la part de l’enseignant que de l’élève.
L’une des difficultés qui constituent un obstacle à l’autonomie de l’élève est que malgré leur désir de s’approprier leur apprentissage, ils ne savent souvent pas comment s’y prendre.
C’est pourquoi le rôle de l’enseignant qui enseigne explicitement des stratégies d’apprentissage autonome est si important.
Par exemple, le surlignage, la relecture ou le fait de recopier son cours ou des exercices ont tendance à être des techniques d’étude que les élèves privilégient. Sans doute sont-elles courantes parce qu’elles ne demandent qu’un effort minimal et qu’elles ne présentent pas de défi. Comme l’écrit Dunlosky (2013), très souvent, les élèves croient que ces stratégies relativement inefficaces sont en fait les plus efficaces.
Au contraire, actuellement, l’efficacité d’autres stratégies souvent sous-utilisées a été démontrée. Il nous faut à présent déplacer cette attention des stratégies inefficaces vers les élèves qui utilisent des stratégies efficaces de manière autonome.
Démarches et moments de responsabilisation de l’élève face à ses apprentissages
Les différents volets de l’évaluation formative mènent à l’activation des apprenants en tant que propriétaires de leur propre apprentissage. Toutefois, il ne s’agit pas nécessairement de quelque chose qui est effectué vers la fin d’une tâche, d’une unité ou d’un sujet.
Les apprenants peuvent assumer la responsabilité et l’appropriation de leur apprentissage à trois étapes :
- La planification : les élèves comprennent les intentions d’apprentissage fournies et peuvent les utiliser pour planifier leur travail et ce qu’ils doivent apprendre.
- Le suivi : les élèves se réfèrent continuellement aux critères de réussite pour suivre leurs progrès et agiront en fonction du retour d’information fourni par les enseignants et les pairs.
- L’autoévaluation : les élèves peuvent vérifier, corriger et réfléchir à leur travail afin de renforcer, d’améliorer et d’évaluer leur apprentissage.
Soutenir l’apprentissage autonome des élèves dans une perspective d’autoévaluation
Ce volet de l’évaluation formative repose en parallèle sur l’acquisition de compétences en apprentissage autonome.
Nous devons aider nos élèves à apprendre de manière autonome, c’est-à-dire à prendre progressivement la responsabilité des apprentissages
Finalement, l’enseignant n’est pas le principal responsable de l’apprentissage des élèves.
Seuls les élèves sont en fin de compte responsables de leur apprentissage. Ce que les enseignants peuvent faire, c’est créer les conditions dans lesquelles les apprenants apprennent.
Différents éléments clés sont importants dans cette responsabilisation des élèves :
- Prévoir du temps :
- Cette responsabilisation doit être prise en compte dans la conception du programme et la planification des cours plutôt que d’être un ajout de quelques minutes lorsque l’occasion se présente.
- Nous devons planifier ces moments de responsabilisation et être réactifs pendant le cours.
- Modéliser l’apprentissage autorégulé, la réflexion et l’évaluation :
- Il s’agit d’offrir aux élèves un modelage des tâches dans lesquelles ils devront s’investir à terme de manière autonome.
- Nous fournissons dans un premier temps un étayage que nous retirons au fur et à mesure.
- Partagez des exemples et des modèles :
- Nous pouvons partager des exemples de travaux d’élèves qui se sont considérablement améliorés grâce à l’autoévaluation, à la réflexion et à l’amélioration.
- Fournir un retour d’information :
- Nous donnons aux élèves une rétroaction sur leur (auto-)évaluation et leurs améliorations afin qu’ils aient confiance en ce qu’ils font. Ils doivent être capables de le faire sans l’enseignant, à l’intérieur ou à l’extérieur de la salle de classe.
Mis à jour le 29/01/2025
Bibliographie
Kate Jones, Wiliam & Leahy’s Five Formative Assessment Strategies in Action Wiliam & Leahy’s Five Formative Assessment Strategies in Action, John Catt, 2021
Wiliam, D. and Leahy, S. (2015) Embedding Formative Assessment: Practical Techniques for K-12 Classrooms. West Palm Beach, FL : Learning Sciences International.
Carl Hendrick, Five Things I Wish I Knew When I Started Teaching
, 2017, https://chronotopeblog.com/2017/05/06/five-things-i-wish-i-knew-when-i-started-teaching/
Education Endowment Foundation (2018) ‘Metacognition and self-regulation', Teaching and Learning Toolkit. https://educationendowmentfoundation.org.uk/education-evidence/teaching-learning-toolkit/metacognition-and-self-regulation
Dunlosky, J. (2013) ‘Strengthening the Student Toolbox: Study Strategies to Boost Learning’, American Educator [Fall].
Ames, C. (1992). Classrooms: Goals, structures, and student motivation. Journal of Educational Psychology, 84(3), 261–271.
Bandura, A. (1986). Social foundations of thought and action: A social cognitive theory. Prentice-Hall. (Théorie de l'auto-efficacité)
Deci, E. L., & Ryan, R. M. (1985). Intrinsic motivation and self-determination in human behavior. Plenum.
Dweck, C. S. (2006). Mindset: The new psychology of success. Random House. (Bien que plus récente, ses travaux sur les buts d'accomplissement sont fondateurs.)
Eccles, J. S., Adler, T. F., Futterman, R., Goff, S. B., Kaczala, J. M., Meece, J. L., & Midgley, C. (1983). Expectancies, values, and academic behaviors. In J. T. Spence (Ed.), Achievement and achievement motives (pp. 75–146). W. H. Freeman.
Weiner, B. (1985). An attributional theory of achievement motivation and emotion. Psychological Review, 92(4), 548–573. (Théorie des attributions causales)
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