mercredi 21 octobre 2020

Délivrer une rétroaction immédiate ou différée

Quand délivrer la rétroaction ? Vaut-il mieux la déclencher juste après qu’une erreur soit commise ou temporiser et la réserver à un temps différé ?

 

(Photographie : Rebecca Norris Webb)






L’absence de consensus sur un timing plus adéquat pour la délivrance de la rétroaction


Au sein de la recherche portant sur la rétroaction, il n’y a pas de position claire et définie ou de consensus sur un moment universellement adéquat où la délivrer spécifiquement.

En fonction des recherches, les conclusions tendent à différer. Parfois, la rétroaction est avantageuse lorsqu’elle est délivrée immédiatement, à d’autres, elle gagne à être différée : 
  • Immédiatement peut être défini dans le cas d’une vérification de la compréhension en classe comme juste après qu’un élève a répondu à une question ou a résolu un exercice. Dans le cas d’une évaluation formative en classe, cela a lieu juste après qu’un test ou un quiz a été complété.
  • Le terme différé est défini généralement par opposition au terme immédiat. Ce type de retour d’information peut se produire suivant les cas quelques minutes, quelques heures, quelques jours ou quelques semaines ou plus longtemps encore après l’achèvement d’une tâche ou d’un test.
S’il ne semble pas y avoir d’effet principal cohérent du timing de la délivrance d’une rétroaction, il existe des interactions impliquant les mécanismes cognitifs de l’apprentissage. Ceux-ci nous permettent de déterminer quand privilégier une rétroaction immédiate ou différée. 



Arguments en faveur de la rétroaction différée


Dans le cadre de la théorie de l’interférence, un retour d’information retardé réduit les interférences proactives, permettant ainsi d’oublier l’erreur initiale et d’encoder l’information correcte sans interférence.


Kulhavy et Anderson (1972) ont posé l’hypothèse de l’interférence-persévérance. Selon cette hypothèse, les erreurs initiales ne concurrencent pas les réponses correctes à apprendre si les informations correctives sont retardées. En effet, les erreurs sont susceptibles d’être oubliées et ne peuvent donc pas interférer avec la rétention.

Différentes recherches sur la rétroaction retardée ont mis en évidence un effet du retard sur la rétention. D’autres recherches n’ont pas soutenu cette hypothèse. Toutefois, la rétroaction retardée s’est souvent avérée aussi efficace que la rétroaction immédiate.

Un retour d’information retardé peut encourager l’engagement des élèves dans un traitement cognitif et métacognitif actif, ce qui engendre un sentiment d’autonomie, autre facteur favorable.

Toutefois, une limite importante existe dans le fait de retarder la rétroaction pour les élèves en difficulté. Ceux-ci sont naturellement moins motivés. Recevoir la rétroaction en différé peut s’avérer frustrant et préjudiciable à l’acquisition de leurs connaissances et compétences. Ils risquent de ne pas s’y engager suffisamment.

Un autre argument en faveur de la rétroaction différée est qu’elle joue sur l’effet d’espacement, l’élève sera amenée à réfléchir aux bonnes réponses avec un délai favorable à l’établissement d’un apprentissage durable.




Arguments en faveur de la rétroaction immédiate


L’argument majeur en faveur d’une rétroaction immédiate est d’éviter que les erreurs ne soient encodées dans la mémoire, c’est-à-dire apprises par l’élève concerné.

Son efficacité serait basée sur l’idée qu’un retour d’information immédiat est préférable, car en fournissant l’information corrective est fournie tôt, il est plus probable qu’elle sera encodée et conservée.

La supériorité du retour d’information immédiat sur le retour d’information différé a été démontrée à de nombreuses reprises sur de nombreux contenus.

Un retour d’information immédiat sur les erreurs permettait un apprentissage immédiat.

Un retour d’information immédiat peut être favorable, car il facilite la pratique et la motivation des élèves. Il rend explicite l’association entre les questions et les réponses adéquates qui mènent au succès.

Cet effet est à double tranchant. Sachant qu’ils peuvent avoir accès à la bonne réponse, les élèves peuvent limiter leurs efforts liés à une obtention par eux-mêmes. 

La rétroaction immédiate peut faciliter une confiance liée à la compréhension et à la performance immédiate, face à des informations de correction aisément disponibles. Cependant, cette rétroaction ne sera plus disponible par la suite. Dès lors, nous pouvons nous demander dans quelle mesure une rétroaction immédiate contribue à un apprentissage durable.

Il y a le risque de promouvoir un comportement moins prudent ou moins attentif. Pourquoi faire des efforts pour éviter une erreur si la correction est sous peu offerte ? 



Sur quels critères choisir le timing de délivrance de la rétroaction


Il semble qu’un retour d’information immédiat soit souhaitable, surtout durant les premières phases de l’apprentissage qui visent la compréhension et l’encodage. Il s’agit d’éviter que des erreurs soient mémorisées et que des incompréhensions interfèrent avec les apprentissages qui vont suivre. L’urgence est plus élevée et des explications supplémentaires gagnent à être fournies sur le moment et non postposées dans le temps.

Un retour d’information différé devient pertinent durant les phases suivantes durant lesquelles nous visons une durabilité des apprentissages. Dans ce cas, il s’agit de traiter et corriger les erreurs déjà apprises et de compléter l’apprentissage des éléments qui ont été entretemps oubliés. L’urgence est moindre. Un travail de fond devient utile et nécessaire. Celui-ci gagne d’emblée à être distribué dans le temps.

L’effet du retour d’information différé peut se révéler supérieur pour promouvoir le transfert d’apprentissage ou la généralisation de concepts.
 
Le retour d’information immédiat peut être plus efficace, en particulier à court terme et pour les compétences procédurales.

L’efficacité du moment du retour d’information dépend de la nature des apprentissages visés. Cependant, d’autres facteurs sont à prendre en compte :
  • La capacité des élèves concernés
  • Leur statut de novice ou d’expert face aux contenus concernés
  • La difficulté liée à la tâche effectuée.
Ainsi, nous pouvons supposer que :
  • Si la tâche est difficile pour un élève ou s’il est novice, un retour d’information immédiat est bénéfique.
  • Si la tâche est facile pour un élève ou s’il est expert, un retour d’information différé peut être préférable.


Mis à jour le 05/03/2023

Bibliographie


Shute, Valerie J. « Focus on Formative Feedback. » Review of Educational Research, vol. 78, No. 1, 2008, pp. 153–189. JSTOR, www.jstor.org/stable/40071124. Accessed 8 May 2020.

Kulhavy, R. W., & Anderson, R. C. (1972). Delay-retention effect with multiple-choice tests. Journal of Educational Psychology, 65(5), 505–512.

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