lundi 25 mai 2020

Importance de l’apprentissage du vocabulaire dans un cours de langue moderne étrangère

Pourquoi la connaissance du vocabulaire occupe-t-elle une place centrale dans l’apprentissage d’une nouvelle langue ? Voici une synthèse du premier chapitre de l’excellent livre d’Elke Peters (2017) sur le sujet.

(Photographie : Gaëtan Rossier)



Le vocabulaire, un moyen essentiel de communication


L’acquisition de larges connaissances en vocabulaire est une partie cruciale de l’apprentissage d’une langue étrangère, plus que ne le sont les compétences en grammaire

En effet, nous pouvons partir du principe que si sans grammaire, très peu de choses peuvent être transmises, sans vocabulaire, rien ne peut être transmis.

Le vocabulaire est le point de départ de la communication.

Il a été établi que :
  • La connaissance du vocabulaire est un bon prédicteur de la compréhension à la lecture et à l’audition.
  • L’utilisation d’un vocabulaire riche est l’un des prédicteurs les plus importants d’une bonne capacité de rédaction.
  • L’utilisation correcte des associations habituelles d’un mot à d’autres au sein d’une phrase (ce qu’on appelle collocations) est l’un des prédicteurs les plus importants de bonnes compétences en rédaction.
  • La connaissance du vocabulaire est étroitement liée aux compétences linguistiques.

Le vocabulaire n’est pas une fin en soi, mais un moyen essentiel pour atteindre et pouvoir développer des capacités de communication.



Ampleur et fréquences des différentes catégories de vocabulaire


Un large vocabulaire est nécessaire pour bien fonctionner dans une langue étrangère.

Toutefois, l’objectif ne peut pas être que des élèves dans un cours de langues acquièrent le même vocabulaire que des natifs. Ce serait non seulement irréaliste, mais d’emblée démotivant.

L’ordre de grandeur du vocabulaire nécessaire se mesure en milliers de mots (la référence de ces estimations est la langue anglaise).

Pour comprendre un texte écrit, il est préférable de connaitre 95 à 98 % des mots :
  • Les 4000 à 5000 mots les plus fréquents offrent un taux de couverture de 95 %
  • Les 8000 à 9000 mots les plus fréquents offrent un taux de couverture de 98 %

Dans le cadre de la compréhension de programmes télévisés ou d’un film en anglais :
  • Les 3000 à 7000 mots les plus fréquents correspondent de 95 % à 98 % des mots utilisés en général.

Dans le cadre de l’audition, contrairement à la lecture, il se peut qu’il faille connaitre un peu moins de mots afin d’atteindre une bonne compréhension dans les contextes quotidiens. Celle-ci correspond à une couverture de 90 à 95 % (et donc pas 98 %) des mots. Nous nous trouvons dès lors entre 1000 et 3000 mots :
  • Afin d’atteindre un taux de couverture de 90 % au niveau de l’audition, dans des contextes informels, il est préférable d’avoir un vocabulaire regroupant les 1000 à 2000 mots les plus fréquents d’une langue.
  • Pour pouvoir suivre des conversations, il est nécessaire de connaitre 2 000 à 3 000 mots parmi les plus fréquents si nous souhaitons connaitre 95 % des mots prononcés.

Pour des niveaux de compétence linguistique plus élevés (C2 dans le cadre européen de référence) ou une utilisation académique de la langue, il est nécessaire d’avoir au minimum la connaissance des 5 000 mots les plus fréquents.

Si nous tenons compte de ces chiffres, le défi semble particulièrement important d’un point de vue scolaire. Cependant, maîtriser le vocabulaire des 5 000 mots les plus fréquents est un objectif à long terme.



Un compromis scolaire sur l’apprentissage du vocabulaire


La recherche montre qu’un objectif intermédiaire plus réalisable peut être considéré.

Il semble que ce sont surtout les 2000 mots les plus fréquents dans une langue qui sont cruciaux.

Connaitre les 2000 mots les plus fréquents d’une langue fera une différence nette à la fois dans la lecture, l’audition et l’écriture. Si un individu n’est pas familier avec ces mots, alors il aura des performances considérablement inférieures pour la lecture, l’audition et l’écriture.

Les 2000 mots les plus fréquents dans une langue sont appelés les mots à haute fréquence.

Certains chercheurs préfèrent mettre la limite à 3000 mots, ainsi les mots peuvent ainsi être divisés en trois groupes :
  • Les mots à haute fréquence : les 3000 mots les plus fréquents dans une langue
  • Les mots à moyenne fréquence : les 3000 à 9000 mots fréquents dans une langue
  • Les mots à basse fréquence : ils sont moins fréquents que les 9000 mots fréquents dans une langue.



Priorités dans l’apprentissage du vocabulaire


Il paraît évident que les mots à haute fréquence méritent plus de temps et d’attention dans l’apprentissage d’une langue moderne étrangère : 
  • La priorité numéro 1 de l’enseignement du vocabulaire est l’acquisition du lien entre la forme et la signification.
  • La priorité numéro 2 est la consolidation de ce lien. Pour cela, la répétition est cruciale.

L’acquisition du vocabulaire est un processus d’apprentissage lent, complexe et cumulatif dans lequel chaque rencontre avec un mot ajoutera de nouvelles connaissances sur ce mot dans le lexique mental.

Une attention particulière doit être accordée aux collocations (associations habituelles d’un mot à un autre au sein d’une phrase) et aux combinaisons de mots fixes. Ce sont des combinaisons de mots qui se produisent souvent ensemble et que les locuteurs natifs utiliseraient de manière privilégiée pour atteindre des objectifs de communication.



Processus de l’apprentissage du vocabulaire


Comment les élèves tendent-ils à apprendre le vocabulaire dans une langue étrangère ? 

Nous pouvons supposer qu’ils vont intuitivement privilégier un tableau à double entrée présentant sur une colonne le mot dans la langue étrangère et dans l’autre la traduction dans leur langue maternelle.

Pour apprendre, ils vont lire les mots plusieurs fois. Ensuite, ils couvrent le mot étranger et essaient de les récupérer. Ils prononcent les mots à haute voix ou les écrivent au départ de la traduction. 

Leur processus va leur prendre plus ou moins de temps en fonction de leur concentration, de la difficulté des mots ou de leur capacité à mémoriser les associations dans les deux directions. 

À la fin du processus, si nous leur faisons passer un test immédiat, nous pouvons obtenir une bonne performance. 

Pour autant pourrons-nous considérer que ces élèves ont appris ce vocabulaire ? Pas réellement, car ils n’ont pas encore été intégrés de manière stable dans leur mémoire à long terme. Leur connaissance est susceptible d’être oubliée et de disparaitre rapidement. 

Il y a un intérêt pour un cycle de pratique de récupération et de retour sur information avec réétude des mots oubliés, réparti au fil du temps sur les jours et semaines qui suivent l’apprentissage initial. Cela permettra de lentement mais sûrement intégrer ces mots dans leur mémoire à long terme. C’est seulement à ce moment-là que l’apprentissage sera mieux établi.

Mais ce processus ne suffira pas à un apprentissage intégré. L’usage d’un système de flashcards peut déjà être plus utile que l’étude de listes. Pour le vocabulaire, des outils numériques tels que Quizlet ou Anki semblent appropriés.

De plus, l’intégration du vocabulaire nécessite de le rendre flexible. Ce processus ne peut avoir lieu que si le vocabulaire est mobilisé, récupéré, pratique et utilisé dans différents contextes et lors de multiples tâches. 




Les quatre volets d’un cours de langues


Le contexte de l’enseignement d’une langue étrangère est caractérisé par un nombre limité d’heures de contact de l’élève avec celle-ci. Il est donc important de les utiliser de la manière la plus significative possible et d’encourager les élèves et les étudiants à se confronter également avec la langue étrangère en dehors des heures de classe.

Selon Paul Nation, un spécialiste du vocabulaire de renommée internationale, un cours de vocabulaire équilibré se compose de quatre volets pour lesquels une répartition équivalente du temps disponible devrait avoir lieu :


1) Exposition à la langue étrangère dans le cadre d’activités significatives


Par rapport à notre langue maternelle, nous sommes beaucoup moins exposés à la langue étrangère que nous apprenons. Néanmoins, cette exposition joue un rôle important dans le processus d’acquisition de la langue. Il s’agit de l’exposition à la langue étrangère à travers la télévision, la radio, la lecture, Internet ou même par les jeux à l’ordinateur.

Il est important que les élèves lisent, écoutent et regardent, consomment des contenus dans la langue étrangère qu’ils veulent apprendre.



2) Expression centrée sur le sens


Le vocabulaire doit être mobilisé dans des activités d’expression orale et écrite, basées sur le sens.

Laisser les élèves parler et écrire les oblige à utiliser des mots et à les combiner. L’objectif est que l’utilisation de mots renforce également la trace de ces mots dans leur lexique mental.



3) Apprentissage centré sur la langue


Il s’agit de mettre en place un apprentissage intentionnel du vocabulaire. Cela passe par des exercices de vocabulaire, des listes, des cartes de mots, etc.

Un élève peut apprendre des mots de vocabulaire en lisant des textes, en écoutant des conversations ou en regardant la télévision, mais ce processus est lent.

Cela n’est pas suffisant pour que des élèves apprennent rapidement un vocabulaire de base et l’enrichissent progressivement. Ils ne peuvent apprendre du vocabulaire en suffisance uniquement en parlant, en écoutant et en lisant.

Des exercices de vocabulaire ciblés et intentionnels sont nécessaires pour acquérir le vocabulaire à haute fréquence.



4) Développement de la maîtrise de la langue


Il consiste à mettre en place des activités visant le développement de la fluidité. Il correspond à l’apprentissage de nouveaux mots et à leur entrainement répété pour qu’ils deviennent automatisés.

L’idée est de transférer le vocabulaire en mémoire à long terme en s’assurant qu’il sera aisément accessible dans les contextes adéquats. Ce processus favorise la fluidité de l’expression, mais aussi la fluidité de la lecture.

Augmenter l’implication de la mémoire à long terme permet de libérer de l’espace cognitif en mémoire de travail pour d’autres aspects du langage.




Un équilibre entre un enseignement explicite et une acquisition occasionnelle du vocabulaire


Un enseignant ne peut pas faire apprendre tous les mots de vocabulaire à ses élèves en classe.

Il ne peut pas non plus atteindre et construire chez ses élèves un vocabulaire suffisamment large dans des tâches purement communicatives, telles que la lecture et l’audition.

Par conséquent, il est utile d’inclure également un enseignement explicite du vocabulaire en classe. Il est nécessaire d’ajouter de temps en temps de nouveaux mots selon un processus d’acquisition intentionnelle de vocabulaire fondé sur la science de l’apprentissage.

Une acquisition intentionnelle de vocabulaire présente les avantages suivants :
  • Elle est plus rapide en ce sens qu’elle permettra de recouvrir plus de mots plus rapidement.
  • Elle est plus durable et plus susceptible de se transformer en un apprentissage à long terme.
  • Elle est plus adaptée à certains mots et à leur aspect particulier et à leur spécificité

Elle présente cependant une limitation : il n’est pas possible d’enseigner tous les mots de cette façon, car cette approche demande du temps et des ressources.

À côté de l’enseignement explicite des mots à haute fréquence, un vocabulaire plus diversifié et aléatoire se bâtit selon une acquisition occasionnelle. Il correspond à un apprentissage spontané de mots lors de la lecture ou l’audition.

Une acquisition occasionnelle du vocabulaire présente les avantages suivants :
  • Elle constitue un supplément nécessaire et bienvenu même si aléatoire.
  • Elle permet un apprentissage contextuel sur différents aspects d’un mot, en situation.
  • Elle peut stimuler la motivation parce que nous manipulons directement le langage dans un contexte authentique qui a du sens.

Une acquisition occasionnelle du vocabulaire présente également des désavantages, le processus est lent, aléatoire et imprévisible en ce qui concerne sa durabilité. Ce qui va être effectivement appris sera plus dépendant de l’élève et présentera une plus grande variabilité que l’acquisition intentionnelle.




Mis à jour le 30/08/2022

Bibliographie


Elke Peters, Woordenschat aanleren in een vreemde taal, 2017, Acco

Hoof, T., Surma, T., & Kirschner, P. A. (2021). Leer studenten studeren met succes. Antwerpen: Thomas More-hogeschool. 

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