lundi 13 janvier 2020

Du simple vers le complexe : la mise en oeuvre d'une pratique cumulative

Que nous considérions la pratique guidée, autonome, distribuée ou coopérative, elles peuvent être efficaces pour apprendre et développer des compétences, des connaissances ou des procédures.

Elles peuvent être plus efficaces lorsqu’elles sont utilisées pour promouvoir des apprentissages de complexité croissante de manière durable. L’idée est d’intégrer des connaissances et des compétences multiples et connexes qui sont ajoutées continuellement, par exemple de manière spiralaire, au fil du temps. Nous parlerons dans cette optique d’une pratique cumulative.

(Photographie : Adrien Blondel)



Principe de la pratique cumulative


La pratique cumulative correspond à l’intégration systématique d’une compétence juste apprise à d’autres, déjà acquises et connexes, ce qui permet de les pratiquer ensemble.




Processus 


  • Une compétence A est enseignée puis pratiquée jusqu’à atteindre un taux de succès élevé.
  • Une compétence B est enseignée puis pratiquée jusqu’à atteindre un taux de succès élevé.
  • Les deux compétences, A + B, sont pratiquées ensemble.
  • Une compétence C est enseignée puis pratiquée jusqu’à atteindre un taux de succès élevé.
  • Les trois compétences, A + B + C, sont pratiquées ensemble.
  • Etc.


Ce processus d’accumulation de connaissances et de pratique conjointe de leurs applications se poursuit jusqu’à ce que toutes les habiletés connexes envisagées pour la pratique cumulative soient maîtrisées.

Comme la pratique cumulative donne l’occasion de mettre en pratique le contenu enseigné précédemment au fil du temps, nous pouvons la considérer comme une manière de délivrer une pratique distribuée. La pratique cumulative est également une forme de pratique autonome.

La pratique cumulative ne doit pas être confondue avec l’exécution d’une série d’activités d’apprentissage. Cette dernière consisterait à traiter chacune des compétences, l’une après l’autre, sans qu’elles soient directement et progressivement intégrées entre elles.

Exemple d’une série d’activités d’apprentissage :
  • Une compétence A est enseignée puis pratiquée jusqu’à atteindre un taux de succès élevé.
  • Une compétence B est enseignée puis pratiquée jusqu’à atteindre un taux de succès élevé.
  • Une compétence C est enseignée puis pratiquée jusqu’à atteindre un taux de succès élevé.
  • Etc.

La pratique cumulative répartie dans le temps est plus efficace pour l’apprentissage à long terme des contenus scolaire qu’une pratique de compétences isolées durant une période unique.

Le processus global répété consiste à enseigner les nouveaux contenus, les pratiquer puis les combiner aux habiletés connexes antérieures.

Toutes les connaissances ne se prêtent pas à une pratique cumulative. Elle est à réserver pour celles qui nécessitent un apprentissage durable et en profondeur. Une fois que nous avons décidé les contenus qu’il est approprié d’intégrer dans une pratique cumulative, nous pouvons la planifier. 

À ce moment-là, nous décidons également du séquençage avec lequel les connaissances seront enseignées et intégrées à l’activité de pratique cumulative.

Exemple de pratique cumulative :
  • Une fois que les élèves ont appris la première habileté et qu’ils ont commencé à la pratiquer avec un niveau de succès élevé, l’enseignement de la deuxième habileté commence.
  • Une fois que la deuxième compétence est elle-même maîtrisée, elle est ajoutée à la première et elles sont pratiquées ensemble de manière intégrée.
  • Le processus est répété jusqu’à ce que toutes les compétences connexes choisies soient intégrées et pratiquées conjointement jusqu’à obtenir un taux de succès élevé dans la pratique cumulative.



Pratique cumulative et effet d’espacement


Il est probable et naturel que les élèves oublient ce que nous leur avons précédemment enseigné si nous ne leur offrons pas des occasions régulières de récupérer ces connaissances. 

Dès lors, une approche linéaire de la matière où tout élément possède une place définie et est enseigné chronologiquement et de manière séquentielle ne pourra jamais être efficace si nous visons des apprentissages durables et en profondeur.

Quel que soit le défi que nous demandons à nos élèves de relever, peu importe le niveau élevé de nos attentes, les élèves finiront par oublier invariablement ce que nous leur avons enseigné. Ce constat demeure inévitable jusqu’à ce que nous leur permettions d’y revenir en organisant des occasions de récupération. 

La pratique cumulative offre le même avantage que la pratique distribuée en ce sens qu’elle permet des occasions de récupération plus discrètes et distribuées que la pratique de masse :
  1. Plutôt que de donner seulement une ou deux séances de pratique en masse pour chaque compétence, la pratique cumulative permet aux élèves de pratiquer les compétences de façon répartie dans le temps. Ils vont rencontrer des écarts de temps croissant entre les différentes opportunités de récupération et d’élaboration.
  2. Une fois qu’une connaissance a été apprise et incluse avec d’autres habiletés connexes, elle continue d’être pratiquée jusqu’à ce que l’ensemble atteigne un niveau de maîtrise.


L’avantage est que les écarts de temps que nous devrions laisser avant de revenir à ces informations peuvent devenir de plus en plus importants après chaque nouvelle visite. La condition de réussite de la pratique cumulative sera d’obtenir chaque fois une bonne performance de récupération.

Ainsi, après avoir enseigné un point de matière important pour la première fois, l’idéal serait de faire récupérer par les élèves les idées clés une nouvelle fois après un jour ou deux. Ensuite, nous pourrions y revenir quelques jours plus tard, puis une semaine, deux semaines, un mois et ainsi de suite jusqu’à ce que la connaissance soit intégrée durablement.

La difficulté pour nombre d’enseignants est qu’ils ne voient parfois leurs élèves qu’une fois par semaine et que la gestion de cette fréquence devient alors complexe et difficile, spécifiquement dans les étapes initiales. Toutefois, ce principe continue à fonctionner même si les premiers espacements sont de l’ordre de la semaine. Il faudra simplement donner plus d’indications aux élèves pour qu’ils récupèrent les informations visées ou des devoirs intermédiaires.



Pratique cumulative et entremêlement


La pratique cumulative peut également fournir des occasions de développer les capacités de discrimination en mettant en œuvre de l’entremêlement. Dans ce cadre, l’élève doit décider quelle stratégie ou quel processus devrait être (ou ne pas être) utilisé pour résoudre un problème ou accomplir une tâche donnée.

Comme les habiletés cumulatives pratiquées sont souvent similaires en ce qui concerne certains attributs ou caractéristiques, les élèves peuvent avoir de la difficulté à les distinguer et peuvent appliquer par erreur la mauvaise stratégie.

La combinaison d’habiletés similaires intégrées dans la même activité de pratique donne aux élèves l’occasion de s’exercer à répondre efficacement en sélectionnant mieux les stimuli pertinents. Ils apprennent à reconnaitre les attributs appropriés et spécifiques de chaque type de tâche. Ils développent la capacité d’utiliser les informations pertinentes lorsqu’ils s’exercent à choisir la stratégie appropriée pour résoudre des problèmes dans de tels contextes.



Étapes pour l’utilisation de la pratique cumulative


Il existe trois étapes générales pour la mise en œuvre de la pratique cumulative lorsque notre intention est d’améliorer la récupération à long terme des connaissances déclaratives, conceptuelles, conditionnelles ou procédurales.


Étape 1 : Déterminer les enjeux 


Dans un premier temps, nous déterminons si la pratique cumulative est une stratégie appropriée à mobiliser. Pour cela, nous analysons les contenus du programme à enseigner.

Critères favorables :
  1. La matière est constituée d’un certain nombre d’habiletés, de faits, de concepts ou de procédures liés d’une façon ou d’une autre entre eux. Ces liens peuvent porter sur le sens, des caractéristiques ou une utilité commune, des processus reliés à des règles, une modélisation ou une classification. Les éléments constitutifs présentent un niveau d’interactivité élevé et ne sont pas isolés ou disparates.
  2. Le fait de les pratiquer ensemble à travers une accumulation systématique permet de s’assurer qu’ils sont pratiqués de façon distribuée. Cette approche s’oppose à une pratique massive, ce qui active l’effet d’espacement propice à une mémorisation durable.
  3. Une pratique cumulative fournit des occasions de s’exercer à de la discrimination. Il s’agit pour eux de distinguer entre différentes alternatives :
    • Par exemple, en mathématiques, il s’agit de déterminer quel type de procédure sera utile pour résoudre un problème donné. 
    • Dans le cadre d’un cours de géographie, cela pourrait amener les élèves à faire la différence entre les types de volcans ou de roches.
  4. Une pratique cumulative permet d’amener les élèves à gérer des tâches et des problèmes de plus en plus complexes et de gérer un plus grand volume de matière dans sa globalité. 


Étape 2 : Planifier et séquencer les apprentissages


Une fois que nous avons sélectionné un ensemble de contenus propices à une pratique cumulative, nous devons planifier et séquencer les apprentissages.

Il faut bien préciser chacune des compétences qui seront pratiquées de façon cumulative et la séquence dans laquelle elles seront enseignées et intégrées dans des activités de pratique autonome.

L’enseignant s’appuie sur son expérience et son expertise, sur sa connaissance de la matière et de ses élèves. En collaboration avec ses collègues, il ordonne les enseignements et les activités de pratique en tenant compte de la charge cognitive générée.

Dans sa planification, l’enseignant prend en compte diverses variables comme :
  • Des niveaux de difficulté croissants
  • Une séquence logique propre à la matière concernée
  • Un ordre prescriptif lié au programme
  • Les connaissances préalables des élèves



Étape 3 : Pilotage de l’enseignement 


La dernière étape consiste simplement à intégrer chaque habileté au moment approprié. L’enseignant attend que les élèves démontrent une maîtrise initiale après avoir terminé les activités de pratique guidée prévues dans le cadre d’un enseignement explicite. Les élèves vont atteindre les critères de maîtrise dans une activité de pratique autonome ou coopérative qui intègre peu à peu la dimension cumulative.

Différentes techniques liées à la vérification de la compréhension et à l’évaluation formative vont soutenir l’enseignant dans ces démarches et activer les élèves dans le développement progressif de leur autonomie face à leurs apprentissages.



Les enjeux d’une pratique cumulative


La pratique cumulative permet une pratique distribuée des compétences et des connaissances connexes. Elle évite un découpage de l’enseignement qui mènerait à des savoirs déconnectés et permet au contraire leur intégration. Elle favorise également des apprentissages durables.

La pratique cumulative pleinement en phase avec un enseignement explicite. Elle est une déclinaison de la pratique autonome qui prend en compte les apports de la science de l’apprentissage, en vue d’un apprentissage profond et durable.

Au fur et à mesure de son utilisation dans le cadre d’un ensemble de contenus, les élèves obtiennent de multiples occasions de résoudre des tâches et des problèmes de complexité croissante. Ce faisant, ils exercent autant leur raisonnement que leurs connaissances.

La pratique cumulative favorise l’exactitude et la précision du raisonnement, de même que son apprentissage à long terme dans des contextes spécifiques, car elle respecte les limites de l’architecture cognitive.



Mis à jour le 07/07/2022

Bibliographie


Hughes, C. A., & Lee, J.-Y. (2019). Effective Approaches for Scheduling and Formatting Practice: Distributed, Cumulative, and Interleaved Practice. TEACHING Exceptional Children, 51(6), 411–423. https://doi.org/10.1177/0040059919847194

Chris Runeckles, Making Every History Lesson Count, 2018, Crown House

0 comments:

Enregistrer un commentaire