mercredi 22 mai 2019

Le texte de réfutation : un outil pour la correction des conceptions erronées ou des neuromythes

Une piste utile et efficace dans la correction des conceptions erronées et des neuromythes est celle de l’utilisation de textes de réfutation :

(photographie : Sam Ray)


Performance attendue du texte de réfutation


S’il y a un cours dans lequel la prise en compte et la correction de conceptions erronées sont un passage obligé, c’est bien le cours de sciences. Les élèves y arrivent avec des intuitions, des conceptions naïves, issues de leurs expériences personnelles, alimentées par un bon sens général sur le monde qui les entoure, ou nourries de croyances glanées de-ci, de-là.

Celles-ci peuvent faciliter ou entraver leurs nouveaux apprentissages. La recherche sur l’inhibition montre que nous ne renonçons jamais vraiment aux conceptions erronées antérieures. Elles restent présentes en mémoire et sont susceptibles d’être réactivées un jour ou l’autre (voir article).

Nous intéresser aux conclusions de la recherche dans ce domaine permet de pointer quelques conclusions intéressantes :
  1. Les formes ordinaires d’enseignement en sciences, comme les cours magistraux, la lecture de textes informatifs ou des séances de laboratoire, se révèlent inefficaces pour changer les idées préconçues non scientifiques des élèves.
  2. Différentes études ont montré que les stratégies d’enseignement telles que les démonstrations, la discussion coopérative ou un texte de réfutation ont généralement permis de produire un changement conceptuel pour des groupes d’élèves. Ces effets n’ont toutefois été démontrés qu’immédiatement après l’enseignement. Ils ont tendance à se dissiper avec le temps. 
  3. Seuls les élèves qui lisent des textes de réfutation ne sont pas revenus à leurs conceptions alternatives lorsqu’ils ont été testés un mois ou plus après l’enseignement. La lecture de textes de réfutation semblerait aider à maintenir un apprentissage au fil du temps. 



Caractéristiques souhaitables du texte de réfutation


Le texte de réfutation présente une structure qui énonce une idée fausse courante et la réfute directement tout en fournissant en échange l’idée scientifiquement acceptable.

L’ordre de la réfutation (qu’elle soit placée en début ou en fin de texte) ne semble faire aucune différence dans le changement des idées alternatives des apprenants.

Le texte de réfutation peut être :
  • Soit narratif et prendre la forme d’une histoire
  • Soit exposer les faits de manière plus directe.

Plus la capacité des apprenants était élevée, plus ils sont susceptibles de préférer un texte de réfutation factuel plutôt que narratif :
  • L’attrait de la forme textuelle semble associé à une perception d’efficacité de sa forme. 
  • L’argument avancé semble être que cette forme de texte de réfutation apparaît plus efficace et plus limpide dans ses intentions. 
  • L’utilisation d’une histoire pour rendre la réfutation plus distrayante peut se révéler anecdotique et incongrue. Elle peut détourner l’attention ou apporter une charge mentale extrinsèque et interférer avec le traitement de l’information et de l’apprentissage. 
L’usage des formes narratives du texte de réfutation ne semble pas nécessaire aux élèves dans le cas d’un cours de sciences. Il semble donc probable qu’elles peuvent tout autant être évitées dans les démarches de réfutation des neuromythes.

Un élément clé est qu’il est important pour corriger les conceptions erronées en sciences que les élèves soient amenés à discuter de la problématique. Une discussion doit avoir lieu dans laquelle les élèves confrontent leurs opinions avec des preuves tirées d’un texte de réfutation.

Nous nous retrouvons alors dans la situation efficace de prise de jugement immédiat (voir article). Cette stratégie est plus susceptible de faire en sorte que la plupart des élèves d’une classe aboutissent à des changements conceptuels à long terme.



Avantages du texte de réfutation


Les élèves trouvent le texte de réfutation plus intéressant et plus crédible en soi qu’un texte descriptif équivalent qui ne vise pas de réfutation. Les élèves semblent être en attente et réceptifs face à des renseignements complets pour clarifier, confirmer ou modifier leurs idées.

Les chercheurs ont émis l’hypothèse que le texte de réfutation est populaire parce que l’auteur tente plus délibérément d’interagir avec le lecteur en cherchant à anticiper le fil de sa pensée.

Certains chercheurs ont soutenu que le texte de réfutation est efficace parce qu’il confirme avec autorité les idées d’une activité d’enseignement antérieure, ou parce qu’il fournit des explications plus cohérentes, étayées ou crédibles.

D’autres chercheurs croient que le texte de réfutation est efficace parce qu’il provoque un conflit cognitif ou une prise de conscience de l’incongruité. Celle-ci confronte une conception alternative et une idée scientifique.

L’impact du texte de réfutation associé à un jugement immédiat dans le cadre d’un enseignement scientifique est réel. 

À partir du moment où nous voulons travailler dans le cadre d’un développement professionnel sur la clarification des neuromythes et malentendus pédagogiques, l’utilisation de textes de réfutation présente de larges avantages. Ils offrent un support dans lequel les apprenants peuvent se saisir d’arguments pour s’engager dans des discussions au terme desquelles ils peuvent poser un jugement.

Il est donc important que les apprenants, guidés par l’enseignant ou le formateur puissent se saisir des arguments explicités et présents dans le texte de réfutation.

Disposer d’un support écrit présente en outre l’avantage d’être pérenne et de pouvoir être consulté à nouveau plus tard par l’apprenant. Nous pouvons toutefois nous demander si la consultation de capsules vidéos sur le même thème ne pourrait pas jouer le même rôle.



Une association à une discussion sur la réfutation et à une prise de jugement


Pris seul, le texte de réfutation n’est pas suffisant pour produire un changement conceptuel durable pour les individus qui y sont confrontés.

Il bénéficie à être exploité dans le cadre d’une discussion où les élèves doivent s’approprier les arguments pour poser un jugement personnel.

Les enseignants peuvent aider les élèves à éviter les problèmes de compréhension en s’assurant que la réfutation dans le passage est explicite et en mettant en évidence les arguments de réfutation d’un texte.

Certains apprenants ne vont faire évoluer leurs conceptions naïves qu’après s’être engagés dans une discussion qui les a obligés à mobiliser des idées scientifiques présentes dans le texte.

Les discussions peuvent exiger que les élèves articulent et appuient leur point de vue à l’aide d’arguments scientifiques et probants tirés de textes. Cela constitue un moyen efficace de les aider à modifier leur compréhension incomplète et intuitive des concepts scientifiques complexes.

La discussion sur le texte de réfutation doit être guidée par l’enseignant et appuyée par le texte et la conception pédagogique. Les apprenants des groupes de discussion non encadrés sont susceptibles de se convaincre mutuellement de leurs conceptions erronées respectives.

Les apprenants peuvent avoir besoin de conseils de la part de l’enseignant pour attirer leur attention sur les sections du texte qui confirment les conceptions scientifiques. Dans le cas d’un texte de réfutation, il s’agit de la diriger sur la section qui réfute les idées préconçues non scientifiques.



Mise à jour le 22/05/2023



Bibliographie


Guzzetti, B. J. (2000). Learning counter-intuitive science concepts: what have we learned from over a decade of research? Reading & Writing Quarterly, 16(2), 89–98.

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