mardi 21 août 2018

Optimiser l'usage de la lecture et de la relecture comme stratégies d'apprentissage autonome

La relecture est de loin la stratégie d’étude la plus courante chez les élèves, car elle est la plus naturelle, la plus facile, la plus intuitive des techniques d’étude. Elle est pourtant largement inefficace.

(Photographie : Alex Bonney)


La lecture est un passage d’accès obligé pour l’apprentissage puisque celui-ci passe majoritairement par le biais de sources écrites. La lecture et la relecture sont des indicateurs de compréhension. Elles permettent un traitement de l’information. Elles nous avertissent lorsque ce qui est lu a du sens ou n’en a pas.




Lire et relire pour comprendre et non pour apprendre


Favoriser la compréhension


En cas d’absence de sens après une première lecture, les élèves sont amenés à relire, à se poser des questions ou à rechercher des réponses. Ils ralentissent, reviennent sur le texte, prêtent une attention plus soutenue aux phrases et à leur signification. Ils font éventuellement usage d’un dictionnaire ou d’autres sources d’information et explorent à nouveau le contenu jusqu’à faire sens.

Dans le domaine de l’apprentissage d’une langue ou de n’importe quel domaine pointu, la relecture est une compétence clé pour devenir un bon lecteur et pour développer une compréhension globale d’un sujet.

Il est établi que la relecture renforce la compréhension. Mais dans quelles conditions, pour combien de temps ? Dès lors combien de fois faut-il relire ou faut-il toujours relire ? 

La recherche a montré que la plupart des avantages de la relecture semblent découler de la deuxième lecture, avec des effets décroissants pour les répétitions ultérieures.



Lire et relire ne permet pas d’apprendre


Après avoir fait usage de la lecture et de la relecture de leurs notes de cours pour les comprendre une première fois, beaucoup d’élèves persévèrent dans la démarche pour l’étudier et le mémoriser. Souvent, la relecture a comme finalité espérée le transfert en mémoire à long terme, afin de se préparer à une évaluation. Elle est régulièrement pour certains d’entre eux une stratégie d’étude dominante.

De nombreux élèves étudient leurs manuels scolaires et leurs notes de cours en les relisant. Ils se perdent dans une confusion entre les notions de compréhension et d’apprentissage (ou de mémorisation), car ils n’ont pas une vision claire du fonctionnement de leur mémoire.

Même les élèves les plus performants semblent avoir régulièrement recours à la relecture. La relecture peut se faire sous forme de lecture silencieuse, mais aussi lorsque les apprenants écoutent une présentation auditive de documents écrits ou regardent une vidéo. Comprendre n’est pas apprendre, mais apprendre nécessite de comprendre.

Au-delà de l’établissement de la compréhension par la lecture et la relecture, il vaut mieux s’entrainer à récupérer et à exercer les connaissances apprises à partir de la mémoire à long terme. À ce stade, la relecture garde une utilité, mais à titre de vérification de la qualité de nos réponses.



Relire n’aide pas à mémoriser efficacement


Régulièrement, certains élèves se montrent contrariés après une évaluation ou ensuite lorsqu’ils reçoivent leurs résultats. Ils estiment avoir passé un temps suffisant à étudier et pensaient être prêts dans l’ensemble. Ils invoquent parfois des trous de mémoire ou l’effet de l’anxiété, du stress lié à une évaluation.

Quand nous les interrogeons alors sur leur méthode de travail, régulièrement, nous découvrons que la relecture (ou le surlignage) sont leurs stratégies privilégiées et qu’ils les considèrent comme efficaces pour eux.

Malheureusement, leurs copies lors de l’évaluation montrent une tout autre réalité, un manque de compréhension, sous forme des réponses partielles et souvent confuses. Celles-ci traduisent un faible niveau de mémorisation des contenus. En réalité, peu de connaissances ont été retenues durant leur temps d’étude.

Une erreur commune chez les élèves consiste à croire qu’à force de relire une information ou de la répéter à voix haute et finalement l’ânonner, elle finira apprise par cœur de manière durable.

Il n’en est rien. L’information ne fait que transiter de l’environnement vers la mémoire de travail. Tout au plus tourne-t-elle dans la boucle phonologique de répétition en répétition. 

Même chose quand l’enseignant se retrouve à répéter sans cesse la même information, la même formule.

Nous ne pouvons apprendre sans traitement génératif impliquant la mémoire à long terme et la mémoire de travail. Nous avons ensuite besoin d’un processus de récupération ou d’élaboration subséquent, qui ramènera à plusieurs reprises espacées l’information de la mémoire à long terme vers la mémoire de travail. Sans ces deux conditions, l’apprentissage n’aura pas lieu. 

Endel Tulving a mis en scène en 1966 dans le cadre d’une étude, une démonstration élégante du phénomène :
  • Dans un premier temps, les participants devaient simplement lire six fois une liste d’éléments appariés. Ils ne s’attendaient pas à un test de mémoire.
  • Après avoir lu six fois la liste d’éléments appariés, les participants ont été informés qu’ils recevraient une liste de noms dont ils devraient se souvenir. 
  • Pour un premier groupe de participants, les noms étaient les mêmes que ceux qu’ils venaient de lire six fois lors de la phase de lecture précédente
  • Pour un second groupe de participants, les noms à apprendre étaient différents de ceux qu’ils avaient lus précédemment.
  • Les deux groupes ont alors été évalués. L’apprentissage des noms par les deux groupes n’a pas été différent. Avoir lu six fois les noms précédemment n’a pas aidé les participants à s’en souvenir mieux que s’ils avaient lu des noms différents.
Intuitivement, nous pourrions nous attendre à une issue toute différente. L’explication la plus logique est que les participants n’étaient pas en projet lorsqu’ils ont lu les noms six fois. Ils n’avaient aucune raison de stocker l’information et de fait, elle n’a pas été traitée et stockée en mémoire à long terme. Lorsqu’un objectif leur a été donné, celui de les mémoriser, c’est comme si le processus repartait de zéro. 

Nous le voyons ici, une exposition répétée d’information ou leur maintien en mémoire de travail sur des périodes plus ou moins longues ne conduisent pas en soi à une bonne mémoire à long terme.

D’autres recherches ont abondamment exploré la problématique. La conclusion est que des lectures multiples et en succession étroite ne se sont pas avérées être une méthode d’étude efficace. Elles n’ont en elle-même aucune influence sur la mémorisation. Tout avantage au-delà de l’établissement de la compréhension est inutile. 



L’attrait des élèves pour la relecture correspond à une conception erronée du fonctionnement de la mémoire


Le fait que certains élèves misent sur la relecture répétée de leurs cours, ou sur le fait de le recopier pour apprendre efficacement peut s’expliquer comme une conséquence d’une conception erronée du fonctionnement de la mémoire. C’est l’idée que le travail de relire, refaire ou revoir successivement certains contenus suffira à établir une trace en mémoire. C’est la métaphore erronée de la mémoire comme d’un entrepôt pour les connaissances.

Si l’objectif de l’élève est d’emmagasiner de nouvelles connaissances, l’exposition répétée aux contenus pourrait en effet augmenter la probabilité que les connaissances soient enregistrées et stockées. 

Théoriquement à force de relire, l’apprentissage pourrait être parfait, mais ce n’est pas comme ça que la mémoire fonctionne. La consolidation des connaissances en mémoire à long terme passe plus par la récupération et l’élaboration, qui se traduisent par l’organisation en schémas cognitifs et la création d’indices de récupération. Aucun de ces phénomènes n’a lieu lors d’une simple relecture.

Selon l’hypothèse quantitative, la relecture ne fait qu’augmenter la quantité totale d’information encodée, quel que soit le type ou le niveau d’information dans le texte. En lisant, l’élève reçoit l’information en tête. Le fait de relire s’apparente à comprendre à nouveau.

Selon l’hypothèse qualitative, la relecture influence le traitement de l’information, l’accent étant mis en particulier sur l’organisation et le processus conceptuels — intégration des idées principales. En lisant, l’élève peut être amené à faire des liens entre divers contenus, repérer les idées principales et développer une compréhension plus fine.

Seule l’hypothèse qualitative correspond à un apprentissage réel, permettant de se focaliser sur les idées principales et moins sur les détails. Malheureusement, le simple fait de s’engager dans la relecture ne garantit jamais l’hypothèse qualitative.





Les faiblesses de l’engagement dans la relecture


Différents facteurs influencent défavorablement l’engagement dans la relecture :
  1. Le niveau d’attention lors de la relecture diminue lorsque les élèves savent qu’ils auront l’occasion de relire plus d’une fois. Son efficacité semble ainsi dépendre d’un niveau d’implication. La relecture n’offre pas de garantie d’efficacité standard. Le cerveau ayant tendance à fonctionner à l’économie, la relecture est une méthode d’étude peu régulée qui ne garantit aucun rendement.
  2. La relecture semble favoriser la réussite lors de tests à réponses courtes. Or, ce type de demandes est rare. La relecture se révèle beaucoup moins efficace pour les questions qui nécessitent une application, un traitement de l’information, une discrimination fine ou l’établissement de liens (réponses longues, nécessitant une élaboration, questions de reconnaissance ou à choix multiples). Ces types de questions sont courants. 
  3. Les effets positifs de la relecture sur une compréhension approfondie sont incertains et semblent ne se vérifier que pour les élèves ayant une plus grande capacité ou des connaissances préalables déjà larges sur le sujet.

Lorsque nous nous engageons dans la relecture, rien ne garantit la rentabilité et la profondeur de notre attention. 

La relecture est également une méthode dispendieuse en temps pour un impact faible sur l’apprentissage. Ce critère de temps est pourtant l’élément qui sert souvent d’indicateur aux élèves pour estimer qu’ils ont étudié. Consacrer du temps est quelque chose d’aisément quantifiable et rassurant. Certains élèves estiment que le simple fait de réserver suffisamment de temps pour relire la matière est une garantie d’apprentissage. La question de l’efficacité dans l’allocation de ce temps est quelque peu éludée.

Les élèves veulent que leur apprentissage soit le plus aisé, le plus facile possible. C’est ce que fournit la relecture. Ils pensent que s’ils lisent l’information, si elle leur passe devant les yeux et qu’ils en saisissent le sens instantanément cela signifie qu’ils étudient correctement. La relecture tend à être une option confortable et rassurante pour les élèves. C’est tout le contraire de la pratique de récupération. Cette dernière se révèle plus ardue et offre comme ressenti l’impression d’avoir un rendement faible. Relire est plus séduisant, facile et rassurant que de se tester, mais ne sert pas à grand-chose tandis que la récupération est réellement rentable.



La relecture génère des illusions de connaissance


Absence de difficultés désirables


Étudier et mémoriser nécessite effort et persévérance. Quand l’esprit doit travailler, l’apprentissage est plus efficace. La mémorisation est plus profonde et plus durable lorsque l’apprentissage est exigeant.

Lorsqu’une approche se révèle lente et difficile et que nous avons l’impression de ne pas être productifs, nous avons tendance à penser qu’elle est inefficace et que l’apprentissage généré est faible. Nous sommes plutôt attirés par des stratégies qui paraissent plus fructueuses, faciles, fluides et rapides. Nous ignorons que les gains de celles-ci sont souvent temporaires et superficiels.

Le choix de la relecture mène à une forme d’autodéception tacite et inéluctable. La relecture crée l’illusion qu’un apprentissage est en train de se produire. La répétition rend la lecture plus facile. Chaque relecture des contenus entraîne une plus grande fluidité.

Cette facilité de lecture accrue crée l’illusion que le matériel est en cours d’apprentissage. Cependant, une fluidité accrue ne se traduit pas nécessairement tard dans une meilleure mémoire à long terme des connaissances.

Cette illusion est renforcée par l’expérience subjective de lire, voir ou écouter un expert décrire une solution de problème. La fluidité de l’expert, qu’est l’enseignant rédacteur des supports, donne aux élèves l’illusion de comprendre ou de croire que les contenus sont clairs, facile à comprendre et à retenir.

Ceci contribue au faux sentiment de sécurité que génère la relecture chez les élèves. Souvent, les élèves vont dire qu’ils comprenaient, qu’ils connaissaient tout la veille chez eux, mais qu’ils ont tout mélangé. Ils auraient eu un trou de mémoire lors de l’évaluation, qu’ils attribuent volontiers au stress.

C’est un peu le même principe en jeu lorsque quelqu’un nous apprend à utiliser un logiciel ou une application en en faisant une démonstration. Tant que nous ne pratiquons pas nous-mêmes, tant que nous sommes récepteurs passifs, l’apprentissage n’a pas lieu. C’est ce qui nous leurre lors de la relecture.

La relecture fait en sorte que le contenu devient familier. Lorsque nous le lisons une deuxième fois ou une troisième fois, nous avons tendance à interpréter cette familiarité comme de la connaissance.

Le sentiment de familiarité n’aide pas lorsque nous avons à répondre à des questions lors d’une évaluation. La familiarité peut souvent mener à des erreurs lors d’examens à choix multiples. Nous pouvons opter pour un choix qui semble familier, pour découvrir plus tard que même si c’était quelque chose que nous avions lu, la ressemblance était approximative. Ce n’était pas vraiment la meilleure réponse à la question.

La réponse qui semble familière sera considérée comme correcte par les élèves parce qu’ils pensent l’avoir déjà vue quelque part. La relecture crée des illusions d’apprentissage et est défavorable à l’établissement de liens et aux capacités de discrimination.

L’illusion de connaissance est un piège dont il faut être bien conscient pour le prévenir. Il est donc nécessaire de bien examiner la qualité de sa propre connaissance. Ce n’est pas la relecture qui peut remplir ce rôle.



Un apprentissage de surface


La relecture génère un apprentissage de surface qui permet de reconnaître des informations dans le contexte des supports lus, mais pas à les reconnaître hors contexte.

Cependant, lors des évaluations, la première exigence concerne généralement la capacité de transfert des connaissances dans d’autres contextes et la capacité de faire des liens et de la discrimination au sein de la matière.

En procédant par relecture, un élève se crée un nombre réduit d’indices de reconnaissance qui sont trop contextuels et pas assez généralisables. Il n’en résulte pas un apprentissage durable.



Non-respect des conditions d’un apprentissage durable


Le principe d’une étude efficace est que les conditions de l’étude doivent correspondre le mieux possible aux conditions de l’évaluation. L’évaluation ne consiste pas en une relecture du matériel, mais dans une restitution. La relecture ne constitue pas de fait une stratégie efficace.

Le fait d’extraire des connaissances de la mémoire a pour effet de rendre ces connaissances disponibles à l’avenir. Le type de récupération qui améliore la mémoire et la compréhension à long terme implique de (se) poser des questions et d’apporter des réponses. La relecture n’est pas une stratégie d’étude efficace, car elle n’implique pas de pratique de récupération.



Le risque de démarches d’évaluation qui se rendent complices de la relecture


La relecture est une stratégie inefficace quand il s’agit de consolider des apprentissages et de les rendre durables. Cependant, les pratiques d’enseignement et plus particulièrement d’évaluation peuvent parfois amener les élèves à la privilégier aux dépens d’une pratique de récupération, plus efficace.  

Compte tenu des caractéristiques de la mémorisation de surface générée par la relecture, nous pouvons imaginer celles d’une évaluation qui suivrait les mêmes principes et dénaturerait de fait l’objectif d’une mémorisation profonde et durable :
  • Un enseignant peut structurer et ordonner les questions d’une évaluation dans un ordre similaire à celle dans lequel les concepts ont été enseignés ou se trouvent dans les supports écrits d’un cours :
    •  Cela permet aux élèves d’utiliser l’ordre des questions du test pour interpréter ce qui est demandé. 
    • Les repères chronologiques indiquent à quel moment, dans quelle partie du cours, la question est traitée. 
    • Ce type d’évaluation ne nécessite pas que l’élève ait développé des capacités de discrimination pour identifier précisément les notions demandées ni qu’il soit capable de faire des liens à l’intérieur de la matière.
  • Un enseignant peut formuler les questions d’une évaluation d’une manière trop semblable à la façon dont ces éléments ont été introduits dans le cours, avec un vocabulaire proche de celui utilisé pour les introduire : 
    • Les élèves vont alors utiliser ces indices de surface pour déterminer la réponse et n’ont pas besoin d’une compréhension profonde de la matière pour s’en sortir.
  • Un enseignant peut poser des questions ouvertes à vagues et tolérer des réponses que les élèves vont remplir avec presque tout ce qui ressemble de près ou de loin au thème abordé :
    • Dans cette perspective, les élèves peuvent se dispenser d’avoir une compréhension profonde de la matière. Ils peuvent se contenter de posséder des indices superficiels sans devoir développer une réelle capacité de distinction entre les concepts.
  • Un enseignant peut ne pas répartir ses évaluations et sa vérification de la compréhension de manière cumulative et distribuée dans le temps :
    • Il peut se focaliser sur ses évaluations ponctuelles qui ne reprennent que ce qui a été vu précédemment, mais sans évaluer à nouveau des apprentissages antérieurs. 
    • Dans cette démarche, l’efficacité de la relecture à court terme peut être trompeuse et amener les élèves à continuer à s’y fier plutôt que d’intégrer des difficultés désirables dans leurs démarches d’apprentissage.
Ces stratégies d’évaluation peuvent laisser croire aux élèves qu’ils connaissent la matière mieux en utilisant la relecture, qu’ils ne le font réellement. En effet, ces stratégies ne soutiennent pas l'usage de la pratique de récupération.



Conditions d’efficacité de la relecture


La relecture n’a pas sa place dans une démarche d’apprentissage à long terme et dans la construction de connaissances durables comme stratégie cognitive primaire. Elle reste néanmoins un outil indispensable et irremplaçable de compréhension et de vérification de la connaissance, et doit le rester.

Lorsque les élèves lisent le texte au complet deux ou trois fois, ils constatent que leur propre compréhension du texte s’améliore. C’est surtout le cas si leur but est de repérer les éléments essentiels et repérer la structure et les liens décrits.

La lecture permet un premier traitement de l’information qui en vise une compréhension continue point par point. C’est le moment de repérer les incompréhensions qui vont nécessiter des explications supplémentaires.

La relecture permet de prendre du recul pour mettre en perspective un texte et aider à mieux le comprendre. Elle permet d’aborder une nouvelle fois un texte ou une explication avec une stratégie définie à partir de l’expérience de la première lecture.

La relecture est un outil de compréhension et de vérification de la compréhension. Elle n’est pas un outil de mémorisation ni de traitement en profondeur.

Ainsi il peut être très bénéfique d’effectuer une première lecture de notes fournies pour un cours peu de temps avant que ce cours soit donné. Cela permet d’être plus efficace, de mieux cerner l’essentiel et de directement se former une vision globale de la matière lorsque nous suivons le cours à proprement parler.

Une relecture après le cours devient dès lors optimale. Nous avançons alors en terrain déjà connu. Nous avons reçu des explications orales. La mémorisation qui va suivre, par des techniques appropriées, devient dès lors plus aisée et efficace. La compréhension globale est déjà réalisée, celle plus fine et précise, essentielle pour les évaluations, peut directement dès lors être mise en œuvre. La relecture prépare le terrain pour les autres méthodes plus efficaces ou les complète.

La relecture doit être stratégique, servir à repérer la trame et la structure sous-jacente des connaissances et faciliter un premier repérage de liens à la fois explicites et implicites entre les différentes parties. Son but est de générer une trame de mémorisation et d’apprentissage. Elle peut éventuellement être couplée à d’autres techniques. Il peut s’agir du surlignage, de synthèses éventuelles, de représentations graphiques. Nous pouvons faire le lien avec des objectifs du cours et des exemples d’évaluations, avant de laisser la place à des techniques d’étude, elles, vraiment efficaces.

Plus tard dans le processus d'apprentissage, une fois l'usage d'une pratique de récupération espacée installée, la relecture devient importante pour la vérification de la qualité des réponses générées. Elle permet à l'élève d'autoévaluer ses connaissances, de les valider et de repérer des éléments oublié qu'il s'agit alors de mieux mémoriser. Dans ce cadre, elle n'apparait qu'après une tentative de récupération préalable.



Rendre la relecture plus efficace pour l’apprentissage en l’associant à de l’élaboration


Comme l’écrit Adam L. Putnam (et ses collègues, 2016), de nombreux élèves s’emploient à lire rapidement et avec une certaine intensité, comme s’ils parcouraient un cent mètres, car il leur semble que c’est efficace. Il s’agit de ne pas se précipiter. Dans le cas de la relecture, l’action ne doit pas primer sur la réflexion. L’objectif est de mieux comprendre, mais de mieux lire. 

Même si nous arrivons à lire vite en étant concentré, avec la sensation de comprendre, il y a le risque de se souvenir que de peu d’éléments. Devenir plus familier avec un texte ne signifie jamais que nous l’avons appris.

L’objectif lors de la lecture est d’obtenir une compréhension approfondie. Cela peut signifier revenir en arrière à certains moments et faire des liens entre des passages que nous lisons à l’instant et d’autres, lus quelques minutes plus tôt. 

Le but d’une lecture n’est pas de la terminer, mais :
  • D’emmagasiner quelques idées, concepts et liens
  • D’effectuer un traitement de l’information plus en profondeur.
Le surlignage et le soulignement sont très répandus, mais ne sont pas une option meilleure que la relecture. Des recherches ont montré qu’ils n’aident généralement pas à mieux se souvenir de la matière. 

Les faiblesses de ces diverses stratégies viennent du fait qu’
  • Elles n’impliquent pas de réfléchir profondément aux documents lus.
  • Elles ne permettent pas de vérifier ce que nous avons appris en le récupérant.
Certains élèves aiment écrire un résumé ou un plan d’un chapitre au fur et à mesure de leur lecture. Cependant, les résultats des recherches sont mitigés quant à l’efficacité de la synthèse. Cela fonctionne dans certaines situations, mais pas dans d’autres, et cela prend presque toujours beaucoup de temps.

Que faire alors ? Les stratégies présentées ci-dessous demandent plus d’efforts au début (par rapport à la mise en évidence ou à la simple lecture), mais à long terme, nous apprenons plus rapidement et nous connaissons mieux la matière.
  1. Répondre aux questions de compréhension et aux objectifs avant de lire ou relire le cours. 
    • Il peut sembler contre-intuitif de répondre à des questions sur des sujets que nous n’avons pas encore étudiés ou revus. 
    • La recherche suggère que le fait de répondre à des questions sur un sujet avant de commencer à lire à son sujet est utile. Même si nous ne faisons que des suppositions éclairées, cela peut nous aider à nous souvenir davantage que si nous ne répondons à aucune question préalable. 
    • Répondre aux questions à l’avance, active les connaissances préalables que nous avons sur le sujet et facilite la mise en relation des nouvelles informations avec ce que nous savons déjà au fur et à mesure de notre lecture.
  2. Générer des questions sur les points importants. 
    • Le fait de concevoir des questions et d’y répondre ensuite nous fait réfléchir et favorise la compréhension. 
    • C’est ce que nous appelons le questionnement élaboré. Cette démarche nous aide à relier ce que nous apprenons à ce que nous savons déjà. 
    • Plus important encore, ces questions pourront servir de guide d’étude pour plus tard dans le cadre d’une pratique de récupération distribuée.
  3. Utiliser la méthode de lecture-révision. 
    • Il s’agit d’essayer de résumer le chapitre après l’avoir lu ou de répondre aux questions que nous avons générées, aux questions dont nous disposons ou qui correspondent aux objectifs. Il s’agit de se rappeler les grandes idées de mémoire. 
    • Une fois que nous avons fait cela, il est utile de relire le chapitre en repérant ce dont nous nous sommes souvenus et ce que nous avons manqué. Cette stratégie permet d’améliorer ce dont nous nous souvenons lors de la lecture. 
    • Se souvenir des informations de mémoire est l’une des meilleures façons de les apprendre durablement. C’est d’autant plus vrai lorsque nous vérifions ensuite nos réponses et que nous bénéficions ainsi d’une rétroaction sur les questions que nous avons manquées. Il s’agit donc de vérifier les réponses et de rechercher tout ce que nous avons manqué.
Un élément qui rend ces approches moins agréables, mais qui est particulièrement utile est qu’elles amènent à se remettre en question, elles sont métacognitives :
  • Le processus améliore directement notre mémoire sur ce que nous venons de lire.
  • Il nous donne une image claire des concepts sur lesquels nous allons avoir besoin de passer plus de temps pour les approfondir.



Conclusion


Il peut être logique de relire un texte une fois s’il y a eu un laps de temps significatif depuis la première lecture. Cependant, faire plusieurs lectures en succession rapprochée est une stratégie d’étude qui prend beaucoup de temps et dont les bénéfices sont négligeables au détriment de stratégies beaucoup plus efficaces qui prennent moins de temps. 


Mis à jour le 11/08/2022

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