lundi 28 août 2017

Facteurs influençant l’efficacité personnelle des élèves et pistes d’action pour les enseignants

Le niveau d'auto-efficacité influence l'engagement dans les activités d'apprentissage à l'école et en autonomie, les choix, la métacognition, les objectifs ou les efforts entrepris par les élèves. 
(photographie : JM Ramírez-Suassi)




Avoir une auto-efficacité élevée favorise la prise de bonnes décisions en lien avec les attentes scolaires. Elle aide l'élève à s’engager pleinement et à garder sa motivation face aux difficultés.

Avoir une faible auto-efficacité amène à la l'angoisse, du désintérêt, au désengagement ou à la démotivation et peut même contribuer à des problèmes de santé mentale.

Il est donc utile de considérer quels facteurs sont susceptibles d’avoir un impact sur l’auto-efficacité de nos élèves en contexte scolaire.



1. Agir sur les attributions liées aux expériences antérieures pour améliorer l'auto-efficacité


Une manière d’avoir un impact sur la motivation des élèves est de revenir avec eux sur les attributions et les interprétations qu’ils font au sujet de difficultés antérieures qu’ils ont rencontrées dans notre matière.

L’enjeu est d’accompagner les élèves dans l’analyse de leurs expériences d’apprentissage pour enrichir plutôt que pour amenuiser leur sentiment d’efficacité personnelle. Si nous pouvons améliorer leur sentiment d’efficacité personnelle, l’impact sur l’engagement et les efforts consentis pourra être bénéfique et s’accompagner ultérieurement d’une amélioration de leurs résultats.

Les expériences de maîtrise personnelle constituent la principale source d’efficacité personnelle des élèves. Les succès soutiennent la construction d’une solide croyance en une efficacité personnelle (auto-efficacité) tandis que les échecs la minent. L’interprétation d’expériences antérieures et similaires à la situation actuelle est cruciale et peut avoir un effet d’entraînement :
  • Pour les élèves qui disposent d’une bonne efficacité personnelle, les revers et difficultés peuvent être bénéfiques. Ils enseignent que le succès nécessite généralement un effort soutenu et que les erreurs peuvent servir de facteurs d’analyse pour mettre en œuvre des changements et progresser. 
  • Pour les élèves qui disposent d’une efficacité personnelle défaillante, les revers et difficultés sont très susceptibles de les pousser à baisser les bras. Ils les amènent à se désengager et à se laisser distraire au moindre nouvel accroc. Ils se réfèrent à leurs expériences passées, et privilégient des stratégies de fuite ou d’évitement.
Compte tenu de ce modèle, quelles sont les pistes à explorer pour les enseignants ?

Au niveau d’un groupe d’élèves :
  • Une manière de renforcer l’auto-efficacité des élèves est de les aider à se définir des objectifs personnels réalistes. Nous pouvons les leur fournir à travers notre enseignement, sous forme d’objectifs d’apprentissage ou en leur dans la définition d’objectifs personnels.  
  • Une autre piste est de les aider à acquérir des stratégies adéquates sur le plan méthodologique, organisationnel (mettre en place un planning avec moments d’évaluation des progrès tout au long du parcours) et cognitif. Cela peut se faire par le biais d’un enseignement explicite de l’apprentissage autonome.
  • Nous pouvons promouvoir l’utilisation de la rétroaction reçue comme d’un moteur pour les aider à se projeter dans le futur et s’engager dans des pistes d’actions concrètes. L’idée est de fournir un cadre tel que la rétroaction soit instrumentalisée par l’élève afin qu’il s’engage dans les actions à mener pour arriver à un objectif donné. 
Au niveau individuel : 

Une autre piste un peu plus complexe et propre à l’individu vient du fait que l’interprétation d’expériences antérieures n’est pas une donnée statique ou figée en mémoire. Les expériences passées constituent en effet des souvenirs autobiographiques pour les individus. Elles peuvent être modulées par les processus mnésiques, évoluer, être réinterprétées à la lumière de nouvelles influences et expériences. La difficulté de cette démarche est qu’elle se fait préférentiellement à l’échelle individuelle, ce qui est coûteux en ressources.

À ce niveau, une piste particulière et concrète émerge du principe qu’un souvenir d’échec n’aura pas le même impact négatif sur l’efficacité personnelle si le rappel est fait à un niveau spécifique. Nous pouvons détailler les circonstances exactes et en rechercher les causalités concrètes. Nous devons éviter de nous limiter à des impressions globales, en accentuant le ressenti en une dimension émotionnelle potentiellement bloquante.

Par exemple, un élève peut conclure à la suite d’un échec en mathématiques, qu’il échoue parce qu’il est nul en math. Cette attribution aura tendance à nourrir son aversion pour les mathématiques.

Il peut aussi considérer froidement les causes particulières de son échec, analyser les défaillances dans des compétences spécifiques et faire le lien avec des insuffisances particulières dans sa préparation antérieure.

Choisir cet angle de vision plutôt que de mener à un rejet en bloc et à des difficultés accrues d’investissement ultérieur peut l’amener à se poser des objectifs clairement définis et atteignables. Ils lui permettront de progresser par la suite. Cette relecture de cet échec particulier peut l’amener à des considérations rétroactives sur d’autres échecs antérieurs et le pousser à changer de perspective.


 

L’apprentissage social


La théorie sociale cognitive d’Albert Bandura désigne trois procédures d’acquisition de comportements qui ont leur source dans l’entourage de l’individu :
  • L’apprentissage vicariant (ou vicariance) est celui qui résulte de l’imitation par l’observation d’un pair qui exécute le comportement à acquérir. Il est traité dans le point 2.
  • La facilitation sociale désigne l’amélioration de la performance de l’individu sous l’effet de la présence d’un ou de plusieurs observateurs ce qui conduit à privilégier dans de nombreux cas les formations en groupe. Il est traité dans le point 3.
  • L’anticipation cognitive est l’intégration d’une réponse par raisonnement à partir de situations similaires. Elle n’est pas traitée dans le cadre de cet article.



2. L’apprentissage vicariant ou vicariance


Dans la théorie de l’apprentissage social d’Albert Bandura, l’apprentissage vicariant est celui qui résulte de l’imitation par l’observation d’un pair qui exécute le comportement à acquérir. Dans un contexte scolaire, ce pair peut être autre élève, mais également un enseignant.

L’apprentissage vicariant est au cœur de l’enseignement explicite, qu’il s’agisse de stratégies, de contenus, de comportement ou de compétences. Le modelage, la pratique guidée, la vérification de la compréhension et le renforcement sont ancrés dans la logique de l’apprentissage vicariant.

Pour évaluer ses capacités, l’élève tire également des conclusions de l’observation des actions réalisées par d’autres élèves. Il observe les performances d’autrui. C’est l’idée de l’apprentissage par observation, processus qui conduit l’individu à modifier son comportement d’après l’observation de celui d’autrui.

A) L’observation d’autres permet d’apprendre quels sont les comportements appropriés, ceux qui se trouvent récompensés, et ceux qui sont réprimés ou ignorés :
  • En mettant à profit ses capacités de mémorisation et de réflexion vis-à-vis des évènements extérieurs, la personne se donne l’occasion d’entrevoir les retombées possibles de ses actions sans avoir à les subir concrètement. 
  • Elle peut acquérir un certain nombre de compétences, d’attitudes et de convictions en regardant simplement ce que font les autres et les conséquences qui en découlent.

B) Ce sont les sujets dont les caractéristiques (âge, sexe, etc.) sont les plus proches des siennes qui sont les plus susceptibles d’être considérés comme sources d’information pertinente et crédible :
  • Les élèves développent une auto-efficacité plus élevée s’ils observent d’autres élèves que s’ils voient des adultes manifester les mêmes aptitudes cognitives. Ils partagent avec ces autres élèves certains degrés de similitude, en matière d’âge, de genre, de niveau scolaire ou de démarche de travail. Ce sont différents facteurs qui facilitent le processus d’identification. Le même phénomène peut s’observer en cas d’échecs ou de difficultés. 
  • Certains élèves ont l’impression qu’ils comprennent mieux s’ils se font expliquer une résolution d’exercice problématique par un autre élève plutôt que par l’enseignant.
  • Ce dernier point est exploitable par l’enseignant. Lorsque l’enseignant fait du modelage en mathématiques par exemple, il est plus intéressant qu’il envoie un élève faire un exercice supplémentaire au tableau, après l’avoir modelé, plutôt que de réaliser un exercice supplémentaire lui-même. À l’aide d’un visualiseur, l’enseignant peut également régulièrement projeter des productions d’élèves rendues anonymes ou non pour bien faire comprendre les intentions d’apprentissage.

C) Le processus de comparaison sociale entre également en jeu :
  • Le niveau de compétence perçue d’un élève reflète ainsi partiellement son niveau de performance par rapport aux autres membres de sa classe ou de son groupe de comparaison. 
  • Ce phénomène est particulièrement problématique pour les élèves qui se situent dans le bas de la distribution des notes scolaires. Ils risquent de développer un sentiment d’efficacité plus faible entraînant lui-même une diminution ultérieure de leur niveau de performance.
  • En interrogeant ses élèves, au hasard, de façon indifférenciée ou intentionnelle, un enseignant évite que ce soit toujours les mêmes élèves doués qui participent volontairement. Agir de la sorte laisserait croire aux élèves plus faibles qu’ils n’ont pas le niveau. Au contraire, avec le caractère aléatoire, l’enseignant montre que n’importe quel élève est susceptible de bien répondre et que n’importe quel élève est susceptible également de ne pas comprendre ou de se tromper.







3. L’impact de la persuasion par autrui et de la facilitation sociale sur l’engagement


Il est plus facile à quelqu’un de maintenir un sentiment d’efficacité, particulièrement quand il est confronté à des difficultés, si d’autres individus qui lui sont d’une importance significative lui expriment leur confiance dans ses capacités.

Cet effet se manifeste surtout si la personne a déjà de bonnes raisons de croire qu’elle est susceptible d’être performante :
  • Dans ce cas, les commentaires positifs de son entourage peuvent l’aider à fournir le surplus d’effort nécessaire pour réussir. 
  • Par contre, susciter des croyances irréalistes de capacités personnelles peut conduire à l’échec, ce qui discréditera le flatteur et sapera les croyances de la personne en ses capacités.

Le sentiment d’efficacité scolaire peut aussi être influencé par toute une panoplie de messages adressés à l’élève : soutiens, critiques, encouragements, conseils, attentes, etc :
  • Les élèves sont sensibles à la perception de leur compétence qu’ont leurs parents, leurs pairs et leurs enseignants. Leur propre évaluation reflète en partie ces perceptions. Un parent ou un enseignant qui dévalorise un élève a toutes les chances de miner son efficacité personnelle et par là même d’amenuiser ses résultats.
  • Ces perceptions sont communiquées de façon verbale, mais aussi non verbale. Des études indiquent par exemple que les enseignants manifestent, souvent sans en être conscients, leurs attentes vis-à-vis des élèves à travers différents canaux.
    • Ces canaux sont :
      • L’attention qu’ils portent de manière différenciée aux élèves
      • La manière de les regarder et de leur parler
      • La façon de réagir à leurs erreurs et à leurs difficultés
      • La façon de les regrouper, la difficulté des tâches qu’ils leur assignent
      • Le degré d’autonomie qu’ils leur accordent, etc. 
    • La forme, de même que le fond de la rétroaction fournie par l’enseignant ont une incidence non négligeable sur la compétence perçue par l’élève. Ils influencent la façon dont il va en tenir compte.
La facilitation sociale est une forme de persuasion par autrui dans sa forme la plus concrète. Elle représente l’amélioration de la performance de l’individu sous l’effet de la présence d’un ou de plusieurs observateurs ou pairs impliqués dans le même processus. Ce phénomène conduit à privilégier dans de nombreux cas les formations en groupe. 

C’est une des raisons pour lesquelles l’enseignement distanciel fonctionne moins bien que l’enseignement en présentiel. La présente physique de l’enseignant et des pairs, et les observations réciproques qui en découlent facilitent l’engagement dans les tâches d’apprentissage.

C’est également une raison pour laquelle le fait de travailler avec des pairs lors de l’apprentissage autonome fonctionne bien également en partageant une planification et en se testant mutuellement après un temps d’étude individuel.



4. L’apprentissage socio-émotionnel


Des caractéristiques individuelles liées aux émotions et à leur gestion peuvent influencer l'état d'esprit des élèves et influencer leur sentiment d'efficacité lié à une matière particulière :
  • Lorsqu’une tâche suscite un état émotionnel négatif tel que l’anxiété, elle suggère un faible espoir d’efficacité. Elle peut amener un élève à douter de ses capacités à la mener à bien. Cet état peut conduire à l’échec ou du moins avoir un impact négatif notable sur le résultat obtenu. 
  • Au contraire une tâche qui suscite l’enthousiasme, du plaisir et la mobilisation de l'attention indique l’attente d’un succès et l'accroissement de l'engagement entrainé se ressent dans les résultats obtenus.
  • Une personne se base également en partie sur l’information transmise par son état physiologique et émotionnel pour évaluer ses capacités et le stress ressenti peut avoir une influence directe sur celui-ci.
Les techniques qui permettent de réguler les réactions émotionnelles, liées à l'apprentissage socio-émotionnel élèvent les croyances en l’efficacité de la gestion personnelle du stress, de l'anxiété et des émotions négatives en général. Bien menées, elles peuvent provoquer des améliorations correspondantes des performances.



Impact de l’auto-efficacité des élèves sur la persévérance, la résilience et l’autorégulation


Le niveau d’auto-efficacité que manifeste un élève dans une discipline, suivant qu’il est faible ou élevé, va influencer ses attitudes et ses comportements face à l’apprentissage :
  • Lorsqu’un élève possède une auto-efficacité faible dans un domaine :
    • Il va avoir tendance à éviter des situations qui mettraient en évidence son incompétence supposée dans le domaine considéré. 
    • Il va éviter de s’investir, car ses efforts vont lui paraitre non rentables.
  • Lorsqu’un élève possède une auto-efficacité élevée dans un domaine :
    • Il va avoir tendance à être plus ambitieux, car il tend à vouloir confirmer et entretenir sa compétence supposée dans le domaine considéré.
    • Il va déployer plus de moyens, car cela lui semble accessible et rentable.
Dès lors, le niveau d’auto-efficacité va influencer la persévérance et l’engagement des élèves devant des problèmes ou des expériences aversives. Au plus l’auto-efficacité est élevée, au plus la persistance et l’engagement seront durables. Les élèves disposant d’une bonne auto-efficacité vont se mettre facilement au travail et ils vont avoir beaucoup moins tendance à procrastiner face au volume de travail demandé.

Le niveau d’auto-efficacité va influencer la résilience des élèves face aux imprévus et difficultés particulières qui peuvent se manifester. Un élève qui dispose d’une auto-efficacité élevée va redoubler d’efforts pour compenser ces imprévus et chercher à correspondre à la norme de qualité qu’il pense sienne. 

Un élève à l’auto-efficacité faible aura plus tendance à ressentir de l’impuissance et à se laisser emporter par la vague imprévue. Il ne se sentira pas en mesure de résister très longtemps.

Un autre facteur de bénéfice lié à la résilience et à la persévérance correspond à tout ce qui concerne l’usage de l’autorégulation. Elle se manifeste dans un but d’optimisation des stratégies cognitives dont profiteront plus les élèves qui ont un bon niveau d’auto-efficacité. Ils seront mieux capables d’autorégulation de leurs comportements et plus aptes à tenir bon jusqu’à ce que la situation rentre dans l’ordre. 

En résumé, une plus forte auto-efficacité est susceptible de soutenir l’engagement de l’élève, de lui permettre de mieux persévérer face aux difficultés et de faire preuve d’une plus grande résilience. De même, il développera mieux ses capacités d’autorégulation. On le conçoit aisément, à capacité égale, une meilleure auto-efficacité peut se traduire par une amélioration progressive des performances.




(mise à jour 29/06/21)

Bibliographie


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Gerrig R ; Zimbardo, P « Psychologie 18ème édition », Pearson, 2013

Lecomte, Jacques. « Les applications du sentiment d’efficacité personnelle », Savoirs, vol. hors série, no. 5, 2004, pp. 59-90.

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« Auto-efficacité. » Wikipédia, l’encyclopédie libre. 16 juin 2017, 09:33 UTC. 28 juillet 2017, 05:09

Théorie de l’apprentissage social. (2019, août 6). Wikipédia, l’encyclopédie libre. Page consultée le 16:21, août 6, 2019 à partir de http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Th%C3%A9orie_de_l%27apprentissage_social&oldid=161582562.

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